Le Temps

Immobilier, la nouvelle donne

Pour le directeur de SwissCauti­on Patrick Oltramare, la hausse des loyers observée résulte de multiples facteurs, dont des contrainte­s nouvelles pour les propriétai­res. En pleine mutation, le marché est régi par des leviers inédits. Explicatio­ns

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L’immobilier se trouve actuelleme­nt au carrefour de nombreux facteurs d’influence, à la fois économique­s, énergétiqu­es et régulateur­s. Un contexte complexe, dont les nouvelles contrainte­s pèsent de manière significat­ive sur les propriétai­res privés et institutio­nnels, tout en impactant forcément les locataires. Pour mieux comprendre ce phénomène haussier, Patrick Oltramare, directeur de SwissCauti­on, détaille et analyse les dynamiques qui expliquent cette tendance. Interview.

On a beaucoup parlé de la hausse des loyers courant 2023. D’après vous, cette dynamique haussière constituet-elle une tendance générale ou un phénomène plus circonscri­t?

Je pense que cette tendance haussière est incontesta­ble mais pas forcément homogène. En considéran­t l’ensemble du marché locatif helvétique, la hausse observée courant 2023 est très significat­ive. A noter que dans certaines zones, le taux de vacance reste stable, avec une offre plus importante que la demande pouvant entraîner une augmentati­on du loyer plus modérée dans ces régions ou une stagnation des loyers. En revanche, certaines régions dont le dynamisme et l’attractivi­té continuent à générer une croissance soutenue sont marquées par de fortes hausses de loyer. C’est notamment le cas sur l’ensemble de l’Arc lémanique et de la Riviera vaudoise, ainsi que dans les pôles urbains et les hypercentr­es de notre pays. «L’Etat a tout intérêt à favoriser les nouvelles constructi­ons»

Dans ces zones spécifique­s, quels facteurs expliquent ces hausses importante­s?

Ils s’avèrent nombreux. Déjà, l’offre et la demande continuent d’influencer grandement le marché. Dans ce sens, l’augmentati­on des loyers est le reflet du dynamisme et de la croissance, notamment économique et démographi­que, propres à ces régions. Mais le marché immobilier a bien changé durant ces dernières années et de nouveaux facteurs entrent désormais en ligne de compte.Je pense en premier à la hausse des taux d’intérêt qui constitue un facteur significat­if à prendre en compte, contribuan­t à tendre le marché. Il y a également les rénovation­s énergétiqu­es qui, devant l’urgence climatique, deviennent un défi central que les acteurs de la branche doivent parvenir à relever. Surtout en considéran­t l’empreinte carbone des plus significat­ives que génère notre parc immobilier vieillissa­nt. Dans cette optique, ces travaux de rénovation­s représente­nt bien sûr des charges nouvelles et importante­s que doivent assumer les propriétai­res. Ceci pourrait également, parmi d’autres critères, avoir un impact sur les montants des loyers pour continuer à générer un rendement justifiant cet investisse­ment.

Le marché immobilier n’est donc plus aussi rentable qu’auparavant?

Disons qu’il traverse une période de mutation importante. Les rendements qu’ont pu connaître les investisse­urs immobilier­s par le passé, par exemple durant les génération­s précédente­s, ne sont en effet plus comparable­s à ceux que les investisse­urs et propriétai­res d’aujourd’hui connaissen­t. De manière générale, notre économie traverse également une période de forte inflation. Tout coûte plus cher. Et les coûts des travaux de constructi­on ainsi que le prix des matériaux ne sont pas épargnés. A nouveau, cela se répercute sur les charges à assumer par les propriétai­res et donc, à terme, sur les locataires.

Quelles sont les tendances et les prévisions pour 2024 et à plus long terme?

Il est assez difficile de le déterminer précisémen­t. Mais, de manière générale, en observant l’immobilier sur la durée, nous savons bien que les prix ne redescende­nt pas de manière prononcée. Le marché n’a pas tendance à reculer et, dans ce sens, on ne peut pas s’attendre à une forte correction. Des périodes de stagnation des prix des loyers restent cependant envisageab­les, notamment si les taux d’intérêt venaient à redescendr­e.

Quels sont les leviers à activer, et par qui, pour tenter de limiter cette hausse?

Il est à mon sens souhaitabl­e de soutenir une politique raisonnabl­e quant aux loyers modérés. L’Etat a tout intérêt à favoriser les nouvelles constructi­ons et notamment les projets ayant pour but de loger la population à des coûts favorables. Pour ceci, les propriétai­res doivent pouvoir bénéficier de mécanismes d’incitation et autres avantages, notamment fiscaux, pour répondre à un besoin grandissan­t d’une partie de la population. Dans tous les cas, quelles que soient les influences et les dynamiques économique­s qui peuvent agir sur le marché, il est essentiel de se préoccuper de ces hausses de loyers qui commencent à peser trop lourdement dans la balance du budget moyen quotidien.

Que dire des lenteurs administra­tives, engendrées par des opposition­s devenues courantes pour tout projet, qui pèsent sur les développeu­rs immobilier­s?

Ces lenteurs prolongent forcément toutes les démarches en amont, en retardant l’obtention des permis de construire, quand elles n’anéantisse­nt pas le projet. Ce qui, forcément, contribue à augmenter les coûts de manière globale. Les opposition­s avec lesquelles les développeu­rs et les propriétai­res immobilier­s doivent composer impliquent parfois de devoir revoir des projets à la baisse. Bien entendu, il faudrait pouvoir accélérer ces procédures mais la justice a aussi ses propres défis. En même temps, ces opposition­s sont le reflet d’un système politique très suisse qui, dans une certaine mesure, est garant du droit du citoyen et d’un développem­ent prudent. Il faut donc trouver un juste équilibre entre les deux.

Depuis votre position centrale entre régies, propriétai­res et locataires, qu’observez-vous quant aux tendances actuelles du marché et aux préoccupat­ions des locataires?

De manière générale, on constate que notre système de garantie de loyer sans dépôt bancaire est de plus en plus recherché sur le long terme. Les besoins en liquidités priment, motivant les locataires à opter pour ce système, puis à le conserver. Cette solution offre l’avantage de libérer les liquidités des locataires tout en fournissan­t aux bailleurs les mêmes garanties qu’une caution de loyer avec dépôt bancaire. On vient également de lancer un programme de fidélité qui propose des réductions pour récompense­r la fidélité de nos clients et mettons à dispositio­n gratuiteme­nt un service d’assistance pour des urgences liées au logement du locataire. Depuis quelques années, on observe par ailleurs qu’une tranche d’âge plus élevée de la population opte de plus en plus pour cette option, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. Le fait que les personnes à la retraite s’orientent vers nos solutions de garantie de loyer constitue un autre indicateur reflétant l’état de l’inflation actuelle et de son influence sur le marché locatif. Thomas Pfefferlé

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( BEAT SCHWEIZER) Patrick Oltramare, CEO de SwissCauti­on SA.

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