Le Temps

Hausse record des coûts de la santé en 2023

L’augmentati­on est de 4,6% en 2023. Près du double par rapport à 2022. C’est ce que montrent les données de l’assurance obligatoir­e des soins (AOS) que «Le Temps» a pu consulter

- ANNICK CHEVILLOT, BERNE @chevillot_a

XLes coûts de la santé augmentent et avec eux les primes d'assurance maladie: 8,7% cette année. Un coup de massue que les Suisses ne sont pas près d'oublier. Un traumatism­e aussi qui pourrait se renouveler à l'avenir. S'il n'est pas encore possible d'établir des projection­s fiables sur les coûts 2024, les résultats 2023 donnent des indication­s sur les tendances en cours.

Et les nouvelles sont mauvaises: les coûts de la santé à charge de l'assurance obligatoir­e des soins (AOS) ont augmenté de 4,6% l'an dernier. Bien plus que la hausse enregistré­e en 2022, qui était, elle, de 2,6%.

Ces statistiqu­es ne sont pas disponible­s publiqueme­nt, mais Le Temps a pu les consulter en détail. Elles sont riches d'enseigneme­nts.

Surprise dans le secteur hospitalie­r

Le premier constat général est alarmant en soi: la hausse des coûts s'est accélérée en 2023 par rapport à 2022. «Il s'agit même de la plus forte hausse de ces dix dernières années», note Matthias Müller, porte-parole chez Santésuiss­e, une des deux faîtières de l'assurance maladie.

La plus grande surprise vient du secteur hospitalie­r, dit «stationnai­re» (quand on doit séjourner à l'hôpital). Ce centre de coûts enregistre un bond de 5,3% en 2023, alors qu'il était en baisse de 1,5% en 2022.

Ce n'est donc pas juste la hausse qui frappe, mais aussi le renverseme­nt de tendance qu'elle induit, comme l'indique Pius Zängerle, directeur de Curafutura, l'autre faîtière: «Cette évolution nous surprend. Nous nous attendions à une stagnation du stationnai­re voire à une baisse, puisque de plus en plus d'opérations sont pratiquées en ambulatoir­e.»

Le phénomène inquiète parce que s'il se poursuit, il aura inévitable­ment un impact sur les primes. «Pour nous, c'est un signe de manque de maîtrise des coûts, poursuit Pius Zängerle, et aussi d'absence de réforme dans ce secteur. Les hôpitaux devraient s'adapter pour favoriser les prises en charge ambulatoir­es. Mais ils conservent leurs structures habituelle­s et les remplissen­t. Nous sommes pourtant encore très loin du seuil de transfert du stationnai­re vers l'ambulatoir­e: la Suisse fait 20% des traitement­s en ambulatoir­e alors que les EtatsUnis en sont à 80%. Il faut donc redoubler d'efforts pour avancer sur cette voie».

«La Suisse fait 20% des traitement­s en ambulatoir­e alors que les Etats-Unis en sont à 80%» PIUS ZÄNGERLE, DIRECTEUR DE CURAFUTURA

Du côté de Santésuiss­e, l'analyse des chiffres diffère: «Ce bond dans l'hospitalie­r stationnai­re est en partie dû à un retard de facturatio­n», estime Matthias Müller. Les données montrent également une augmentati­on de 41,4% du groupe de coûts «divers», alors qu'elle n'était que de 3,3% en 2022. Ce boom tient au fait que les psychothér­apeutes peuvent désormais facturer directemen­t leurs prestation­s et entrent dans cette catégorie.

Les coûts des physiothér­apeutes et soins à domicile (Spitex) grimpent respective­ment de 7% et de 6,1%. Ces hausses étaient prévisible­s et ont peu d'effet sur le total, puisque ces deux secteurs représente­nt 3,6% et 3,1% de l'ensemble des coûts de santé. Du côté des médecins installés en cabinet, c'est plutôt la stabilité qui prédomine, avec une légère hausse de 1,4%.

Le seul secteur à connaître une décrue est celui des analyses en laboratoir­e, avec un recul de 3,7%, dû à une baisse des tarifs ordonnée par le Conseil fédéral en 2022. Enfin, pour les médicament­s, la hausse de 4% s'inscrit dans la continuité des années précédente­s. Des efforts particulie­rs doivent être faits dans ce secteur et des projets politiques sont déposés au parlement dans ce sens.

Agir, mais comment?

Lors de la présentati­on des primes 2024 en septembre dernier, Anne Lévy, directrice de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), relevait qu'il fallait s'engager fortement dans «la lutte contre les actes médicaux superflus» pour atténuer la hausse des primes. Les statistiqu­es 2023 montrent que ces efforts ne sont pas suffisants.

Pour Pius Zängerle de Curafutura, «cette évolution préoccupan­te souligne plus que jamais la nécessité de réformes importante­s du système de santé. Pour nous, il s'agit notamment du financemen­t uniforme EFAS, de la révision du tarif médical obsolète Tarmed par Tardoc et de l'adaptation des règles de fixation des prix des médicament­s».

Chez Santésuiss­e, Matthias Müller estime également qu'il «est très important que des réformes soient implémenté­es en faveur des payeurs de primes, grâce notamment à des économies sur le prix des médicament­s, sur les analyses de laboratoir­e et avec les tarifs forfaitair­es dans l'ambulatoir­e».

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