Le gênant coup de fourche de Lionel Dugerdil
Le président de l’UDC Genève a frappé le visage de son voisin avec cet instrument agricole. Problème: son parti ignorait sa condamnation pour lésions corporelles. Il se serait montré menaçant lorsque des explications lui ont été demandées
A Satigny, sa commune de résidence, tout le monde l'affuble du sympathique surnom de «Poopi». Mais Lionel Dugerdil, vigneron, député UDC et fraîchement désigné président de la section cantonale du parti, dévoile progressivement un tempérament plus ténébreux. C'est ce que révèle Blick, qui a consacré plusieurs articles depuis une année sur ses différents démêlés judiciaires, comprenant une condamnation pour de la violence physique exercée sur une personne.
Au sein de l'UDC, l'affaire de trop semble avoir été la divulgation le 13 janvier du verdict rendu en mars 2022 par le Tribunal de police pour lésions corporelles simples et dommages à la propriété, pour avoir notamment frappé un voisin au visage avec une fourche. Il n'a pas fait appel et, contacté par Le Temps, dit assumer cette violence destinée à protéger son fils contre cet individu qui se serait montré menaçant: «Face à un tel colosse, je le referais sans hésiter. D'ailleurs, la justice a reconnu que j'ai agi en état de légitime défense.»
La colère de Céline Amaudruz
Quatre jours après la publication, ses camarades de parti lui ont demandé des explications. Lors de la visioconférence, Blick indique qu'il a été reproché à Lionel Dugerdil d'avoir menti au parti au sujet de son casier judiciaire. Il se serait aussi montré menaçant, si bien que Céline Amaudruz, vice-présidente de l'UDC suisse et conseillère nationale a écrit dans un courriel à destination du président cantonal: «En raison de vos réactions […], lorsque des avis divergents du vôtre sont exprimés, vous comprendrez que je ne me sens plus en mesure de discuter, ou de vous rencontrer, en l'état, sans la présence de tiers.»
Le mensonge allégué sur son passif pénal proviendrait de sa candidature au Conseil d'Etat, en juin 2022. Il aurait alors fourni au parti un casier judiciaire dans lequel ladite condamnation ne figurait pas encore. On ignore si les autres ennuis y étaient inscrits, soit un dommage à la propriété, une appropriation illégitime et une insoumission prononcée par un tribunal militaire.
En revanche, alors qu'il était pressenti pour se présenter lors des élections fédérales, en octobre dernier, Lionel Dugerdil a surpris son monde en déclarant finalement que sa place était à Genève. Dans un courriel cité par le média romand, Céline Amaudruz accuse: «Vous aviez décidé de vous retirer de la course pour le Conseil national, sachant que vous deviez fournir l'extrait de votre casier judiciaire, ce que nous n'avions pas discuté plus avant.»
L'élue ajoute que le parti ignorait l'existence de cette condamnation lorsqu'il a été désigné président de l'UDC genevoise, en décembre dernier. La constitution d'un comité d'éthique est envisagée afin de passer au crible les candidats à de tels postes. C'est alors que Lionel Dugerdil se serait montré menaçant, durant la réunion: «Vous voulez ma démission? Vous ne l'aurez pas! Je ne vais pas me laisser faire, et si ça continue, tout le monde va y laisser des plumes!»
Une affaire rocambolesque
Cinq jours avant le coup de fourche, qui a ensanglanté son voisin à la tête, Lionel Dugerdil avait été cambriolé. Une affaire rocambolesque qui avait conduit les policiers venus sur place à ramener l'un des malfrats au domicile du vigneron, lequel n'exclut pas de lui avoir ainsi infligé «des gifles avec le poing fermé», selon son témoignage devant le procureur, rapporté par Blick. A noter que cette procédure vise les agents intervenus au domaine du Clos du Château. «C'est le huitième cambriolage que j'ai subi», explique l'intéressé, soulignant qu'il a été entendu comme témoin et non comme prévenu.
Contacté, Lionel Dugerdil ne fait aucun commentaire sur la situation interne de son parti, ne précisant pas s'il entend démissionner. Pour sa part, Céline Amaudruz ne commente pas non plus, soulignant que l'essentiel de ce qu'elle avait à signaler figure dans le courriel évoqué plus haut. Présent lors de la réunion, Yves Nidegger estime que son président «a fait une bêtise, par manque de courage ou de loyauté, en omettant d'annoncer au parti qu'il avait subi une nouvelle condamnation. Cela lui a valu une vive engueulée qui n'aurait jamais dû fuiter dans la presse. Cela arrive dans tous les partis.» ■