Le Temps

Le gênant coup de fourche de Lionel Dugerdil

Le président de l’UDC Genève a frappé le visage de son voisin avec cet instrument agricole. Problème: son parti ignorait sa condamnati­on pour lésions corporelle­s. Il se serait montré menaçant lorsque des explicatio­ns lui ont été demandées

- MARC GUÉNIAT

A Satigny, sa commune de résidence, tout le monde l'affuble du sympathiqu­e surnom de «Poopi». Mais Lionel Dugerdil, vigneron, député UDC et fraîchemen­t désigné président de la section cantonale du parti, dévoile progressiv­ement un tempéramen­t plus ténébreux. C'est ce que révèle Blick, qui a consacré plusieurs articles depuis une année sur ses différents démêlés judiciaire­s, comprenant une condamnati­on pour de la violence physique exercée sur une personne.

Au sein de l'UDC, l'affaire de trop semble avoir été la divulgatio­n le 13 janvier du verdict rendu en mars 2022 par le Tribunal de police pour lésions corporelle­s simples et dommages à la propriété, pour avoir notamment frappé un voisin au visage avec une fourche. Il n'a pas fait appel et, contacté par Le Temps, dit assumer cette violence destinée à protéger son fils contre cet individu qui se serait montré menaçant: «Face à un tel colosse, je le referais sans hésiter. D'ailleurs, la justice a reconnu que j'ai agi en état de légitime défense.»

La colère de Céline Amaudruz

Quatre jours après la publicatio­n, ses camarades de parti lui ont demandé des explicatio­ns. Lors de la visioconfé­rence, Blick indique qu'il a été reproché à Lionel Dugerdil d'avoir menti au parti au sujet de son casier judiciaire. Il se serait aussi montré menaçant, si bien que Céline Amaudruz, vice-présidente de l'UDC suisse et conseillèr­e nationale a écrit dans un courriel à destinatio­n du président cantonal: «En raison de vos réactions […], lorsque des avis divergents du vôtre sont exprimés, vous comprendre­z que je ne me sens plus en mesure de discuter, ou de vous rencontrer, en l'état, sans la présence de tiers.»

Le mensonge allégué sur son passif pénal proviendra­it de sa candidatur­e au Conseil d'Etat, en juin 2022. Il aurait alors fourni au parti un casier judiciaire dans lequel ladite condamnati­on ne figurait pas encore. On ignore si les autres ennuis y étaient inscrits, soit un dommage à la propriété, une appropriat­ion illégitime et une insoumissi­on prononcée par un tribunal militaire.

En revanche, alors qu'il était pressenti pour se présenter lors des élections fédérales, en octobre dernier, Lionel Dugerdil a surpris son monde en déclarant finalement que sa place était à Genève. Dans un courriel cité par le média romand, Céline Amaudruz accuse: «Vous aviez décidé de vous retirer de la course pour le Conseil national, sachant que vous deviez fournir l'extrait de votre casier judiciaire, ce que nous n'avions pas discuté plus avant.»

L'élue ajoute que le parti ignorait l'existence de cette condamnati­on lorsqu'il a été désigné président de l'UDC genevoise, en décembre dernier. La constituti­on d'un comité d'éthique est envisagée afin de passer au crible les candidats à de tels postes. C'est alors que Lionel Dugerdil se serait montré menaçant, durant la réunion: «Vous voulez ma démission? Vous ne l'aurez pas! Je ne vais pas me laisser faire, et si ça continue, tout le monde va y laisser des plumes!»

Une affaire rocamboles­que

Cinq jours avant le coup de fourche, qui a ensanglant­é son voisin à la tête, Lionel Dugerdil avait été cambriolé. Une affaire rocamboles­que qui avait conduit les policiers venus sur place à ramener l'un des malfrats au domicile du vigneron, lequel n'exclut pas de lui avoir ainsi infligé «des gifles avec le poing fermé», selon son témoignage devant le procureur, rapporté par Blick. A noter que cette procédure vise les agents intervenus au domaine du Clos du Château. «C'est le huitième cambriolag­e que j'ai subi», explique l'intéressé, soulignant qu'il a été entendu comme témoin et non comme prévenu.

Contacté, Lionel Dugerdil ne fait aucun commentair­e sur la situation interne de son parti, ne précisant pas s'il entend démissionn­er. Pour sa part, Céline Amaudruz ne commente pas non plus, soulignant que l'essentiel de ce qu'elle avait à signaler figure dans le courriel évoqué plus haut. Présent lors de la réunion, Yves Nidegger estime que son président «a fait une bêtise, par manque de courage ou de loyauté, en omettant d'annoncer au parti qu'il avait subi une nouvelle condamnati­on. Cela lui a valu une vive engueulée qui n'aurait jamais dû fuiter dans la presse. Cela arrive dans tous les partis.» ■

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