Le Temps

Gil Roman, le faux pas de trop

En 2021, un audit mettait en évidence les accès d’humeur du directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne, parfois injurieux. Le conseil de fondation annonçait une tolérance zéro. L’artiste est remercié pour avoir enfreint le code de bonne conduite fixé

- ALEXANDRE DEMIDOFF @alexandred­mdff

C'était donc sa dernière danse. En décembre, Gil Roman, 63 ans, se projetait dans la peau d'un homme laminé par la routine des jours. Cela s'appelait Nivagation, le spectacle était signé Marc Hollogne et l'artiste finissait par prendre le large sur un voilier. Un mois plus tard, le directeur artistique du Béjart Ballet Lausanne (BBL) est licencié. Plus qu'un grain, comme disent les marins, c'est un séisme. L'artiste ne tenait-il pas la barre du vaisseau depuis le décès de Maurice Béjart en 2007?

Mais comment le conseil de fondation du BBL en est-il arrivé à cette extrémité? «Gil Roman a invité l'ancien directeur de production du BBL, licencié pour des attitudes relevant du harcèlemen­t sexuel, lors d'une soirée à l'Opéra de Paris où se produisait la compagnie», explique Grégoire Junod, syndic de la ville de Lausanne et président ad interim de la Fondation du BBL. «Le cadre défini par l'audit de 2021 était clair: nous ne tolérerion­s aucun manquement aux règles fixées. La présence inadmissib­le de cette personne a blessé des danseuses et danseurs.» Pour comprendre cette décision, il faut rappeler la précédente crise. En 2021, le directeur de l'Ecole Rudra – qui depuis n'existe plus – était licencié pour avoir humilié des élèves. Le conseil de fondation commandita­it un audit sur l'ensemble de la structure qui mettait en lumière la rudesse de Gil Roman, injurieux et colérique en certaines circonstan­ces. Une charte était établie. «Il était clair que nous ne tolérerion­s aucune infraction à ces règles», poursuit Grégoire Junod.

Le chorégraph­e a été reçu lundi par le conseil de fondation. Le couperet est tombé mardi. Quel avenir alors pour le BBL? Les droits des oeuvres de Maurice Béjart sont détenus par la Fondation Maurice Béjart présidée par… Gil Roman. «Notre volonté est de trouver au plus vite un successeur à Gil Roman, dont le contrat prend fin le 30 avril, ajoute Grégoire Junod. Ce n'est en aucun cas la fin du BBL.»

D'accord. Mais peut-on imaginer que la Fondation Maurice Béjart n'accorde pas les droits des pièces au BBL? «Non, répond Renée Auphan-Fitting, vice-présidente de l'organe. Je suis évidemment stupéfaite, j'ai appris la décision du conseil de fondation du BBL mardi. Que Gil Roman soit notre président ne devrait rien changer. Il devrait y avoir une majorité de membres favorables à la poursuite de la collaborat­ion avec le BBL. Nous sommes d'ailleurs sur le point de signer une nouvelle convention avec l'institutio­n.»

La nomination d'un successeur devrait intervenir assez vite, promet Grégoire Junod. L'héritier de Maurice Béjart, lui, prend la porte. C'est ce qu'on appelle un changement d'ère ou une petite révolution. ■

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