Le scandale de l’UNRWA
Faut-il supprimer l'UNRWA, l'agence de l'ONU chargée des réfugiés palestiniens? La question est légitime. La mise sous enquête de 12 de ses employés accusés par Israël d'avoir participé aux attaques du 7 octobre justifie de s'interroger sur le noyautage de l'organisation par des combattants du Hamas. Ne représenteraient-ils que 0,1% de ses employés locaux, comme le dit l'organisation, ce serait déjà 0,1% de trop. On parle – ou plus précisément des médias américains, seuls autorisés à accéder au dossier des services de renseignement israéliens, évoquent la participation à une prise d'otage (pour deux d'entre eux), de présence dans des kibboutz pris sous le feu des assaillants (pour deux autres) et de distribution d'armes (pour deux autres encore). Sept de ces douze agents seraient des enseignants.
L'ONU enquête à l'interne. L'ONU demande aussi une enquête externe. Cela peut être long, une enquête. Quelles sont les preuves? Comment ont-elles été obtenues? Sans attendre la conclusion, les Etats-Unis, premier donateur, ont suspendu fissa leur financement. Une douzaine de pays ont suivi. Plus d'un tiers du budget de l'organisation serait déjà gelé. Dans ces conditions, son chef, Philippe Lazzarini, affirme qu'il pourra mettre la clé sous la porte d'ici un mois. Trente mille employés dont 13 000 à Gaza seront sans ressources suffisantes pour faire tourner une boutique dont les bénéficiaires sont passés de 700 000 en 1949, date de sa création, à plus de 5 millions aujourd'hui dont 1,5 million à Gaza.
Faut-il supprimer l'UNRWA? C'est ce que veut le gouvernement israélien qui accuse l'organisation d'entretenir de faux réfugiés et le mythe d'un droit au retour. Pour l'ONU, ce sont pourtant bien des réfugiés, comme le reconnaissait d'ailleurs Tel-Aviv il y a 75 ans, et ils ont bien un droit à rentrer sur leurs terres, même si le nombre autorisé à le faire est l'objet d'un débat. Supprimer l'UNRWA, c'est aussi ce que défendent les soutiens des autorités israéliennes en Europe et en Suisse. On a pu entendre ces derniers jours des voix évoquant des pistes pour la remplacer: le HCR, le PAM, l'OCHA, d'autres organes onusiens, ou le CICR. Il y a confusion des rôles. Le CICR ne s'occupe ni d'écoles, ni d'hôpitaux, ni de services à des réfugiés. L'ONU rappelle qu'il en coûterait plus cher à la communauté internationale d'aider les Palestiniens par ses autres agences. Mais le but de ces critiques n'est-il pas, en réalité, plutôt que trouver d'autres voies pour l'aide aux réfugiés de supprimer l'idée même d'une diaspora palestinienne, que ce soit en Israël ou dans les pays voisins?
La survivance de l'UNRWA ne fait qu'attester de l'échec de la résolution du conflit israélo-palestinien depuis trois générations. Fait-elle partie du problème ou de la solution? La question est mal posée. Sans réponse politique au droit reconnu internationalement des Palestiniens à vivre dans leur Etat, la suppression de cette organisation ne résoudra rien. Bien au contraire. Reste cette alternative pour instaurer une paix durable: la cohabitation de deux Etats dans les frontières de 1967 ou le parachèvement d'un seul Etat israélien démocratique – et non exclusivement juif comme il se proclame aujourd'hui – qui intègre les territoires occupés. Tant que le statu quo se maintiendra, l'UNRWA sera malheureusement indispensable.
Depuis 75 ans, l'existence de l'UNRWA est en soi une anomalie. Alors que deux millions de Gazaouis sont soumis depuis bientôt quatre mois à des bombardements sans discrimination, la suspension de ses finances n'en est pas moins incompréhensible. Comment peut-on couper les derniers vivres des victimes le jour même où la Cour internationale de justice parle d'éviter un génocide? Voilà le vrai scandale.
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