Le Temps

«Griselda», le destin d’une mère trafiquant­e

-

«Tu n'arrives pas à arrêter», lance son amie, née aux Etats-Unis, à Griselda Blanco (Sofia Vergara) quand elle arrive à Miami. Elle a caché dans la valise du plus jeune de ses trois fils 1 kilo de cocaïne qu'elle compte écouler sur le marché local, elle qui a quitté un mari impliqué dans le trafic depuis Medellin. Elle ne peut s'arrêter…

Doug Miro et Carlo Bernard non plus. Emmenés par Chris Brancato, ils avaient créé la saga Narcos en 2015, qui a connu de beaux succès dans ses déclinaiso­ns colombienn­e et mexicaine. Le premier auteur n'est plus dans le navire, mais les deux autres remettent l'ouvrage sur le métier avec Griselda, toujours sur Neflix. Une histoire pour l'essentiel authentiqu­e et étonnante: l'ascension de cette femme débarquée en Floride en 1978, qui va batailler pour gagner une place dans le trafic local, puis vouloir devenir la seule patronne, dite «la marraine». Les auteurs posent leur filiation, puisque Pablo Escobar lui-même aurait dit de Griselda qu'elle «est le seul homme dont j'ai peur». La citation figure en exergue du premier épisode.

La dimension féminine, cette mère qui s'impose au fur et à mesure que tombent les caïds de Miami – ou qu'elle les fait tomber – est d'autant plus significat­ive que dans le camp de la loi, la figure dominante est aussi une femme. June (Juliana Aidén Martinez), évidemment chambrée par ses ânes de collègues mâles, se trouve être la seule à imaginer qu'il y a peut-être une femme derrière certains meurtres. La série prend peu à peu la dimension d'un duel à distance entre les deux femmes, jusqu'à un dialogue final assez touchant, et horrible sur le fond, entre elles. Cependant, le personnage de Griselda n'a rien d'attachant. Les auteurs comme l'actrice ont le mérite de la dépeindre avec ce qu'on imagine être une certaine franchise. La croisade de la femme dans ce milieu de brigands apparaît au fil du temps, surtout, comme une fringale de pouvoir qui vire à la cruauté absurde et abjecte. C'est peut-être la plus grande preuve de réalisme de Griselda: ce milieu rend dingue et tue, qu'il s'agisse.

«Griselda». Une mini-série de Doug Miro, Ingrid Escajeda et Carlo Bernard (2024), en six épisodes de 55’. A voir sur Netflix.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland