Avoir 30 ans et toujours pas l’air d’un adulte
C'est une des grandes intox de l'existence, avec l'instinct maternel et le Coca Zéro: la certitude que la trentaine passée, on se met bel et bien à ressembler à des trentenaires. Autrement dit à des êtres mûrs portant sur eux les signes de leur maturité, gestes sûrs, classe naturelle, peut-être des mocassins et la ride du lion. Mais face au miroir (et aux caissiers de Denner), force est de constater qu'à 31 ans j'ai plutôt l'air d'une post-ado.
Sans vouloir froisser mes contemporains, beaucoup ont eux aussi l'air d'avoir raté le coche – des imposteurs en New Balance, des enfants en mom jeans, franges et joues rebondies. Comme l'impression que physiquement les adultes de l'époque étaient plus… adultes que nous, justement. Vieillirait-on plus lentement que nos parents?
Je ne suis pas la seule à m'interroger: le débat réémerge périodiquement sur internet, alimenté par des mèmes et des preuves implacables. Les internautes se délectent par exemple d'une photo de Grzegorz Lato, mythique footballeur polonais immortalisé sur le terrain en 1974 – calvitie avancée et… 24 ans au compteur. Il faut aussi revoir Sean Connery dans le premier James Bond, 32 ans et déjà la dégaine de daron. Bien sûr, l'âge biologique n'a que faire de l'âge chronologique. Autrement dit, le vieillissement est, et a toujours été, personnel – certains auront des mèches blanches à 27 ans, d'autres à 70, merci la roulette génétique. Les études scientifiques n'ont d'ailleurs pas pu prouver que celle des jeunes générations était plus clémente.
Mais d'autres pistes sont évoquées pour expliquer ce décalage. Les habitudes de vie – moins de cigarettes, plus de crème solaire et de compléments alimentaires, ça fait du bien à l'épiderme. Le quotidien aussi s'est adouci, les loisirs se sont substitués à l'effort physique, et certains pointent même le fait que les femmes deviennent mères plus tardivement – pour des raisons évidentes de fatigue mais aussi de génétique, avoir un enfant accélérerait le vieillissement cellulaire. Sans oublier la démocratisation de l'orthodontie, de l'acide hyaluronique et désormais des implants capillaires. Plus passionnant encore, notre biais de perception. Car forcément, on trouve aujourd'hui que les brushings seventies, les gilets en tweed et même certaines poses «font vieux» – sur les photos, on les associe donc rétroactivement au grand âge, même si les modèles avaient le nôtre. On peut aller plus loin: si ces coupes et vêtements nous semblent désormais désuets, c'est parce qu'ils furent un jour populaires auprès d'une jeunesse qui ne les a jamais vraiment remisés au placard et qui, en les portant cinquante ans plus tard, fait qu'on les associe à la catégorie senior. Conclusion: nos tote bags sont les cabas en croco de demain.
Reste qu'à l'image des modes le portrait de l'adulte contemporain évolue constamment. En 2024, on peut avoir 30 ans, porter des lunettes et des salopettes, afficher un front lisse ou des pattes d'oie, maîtriser sa compta comme The Legend of Zelda. Au final, la jeunesse, c'est dans la tête. Et dire cette phrase, c'est prendre trente ans d'un coup.
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De son côté, Apple enchaîne les ratés, plonge graduellement dans le rouge, et change de patron comme de chemise. La gamme de produits Macintosh est devenue confuse, aux antipodes de la simplicité de l'ordinateur sorti en 1984. Virer le caractériel Steve Jobs n'a pas sauvé Apple. C'est donc la manoeuvre inverse que la firme à la pomme va entreprendre au cours de l'année 1997. L'image d'Epinal de l'homme providentiel dans le milieu des nouvelles technologies naît à ce moment-là.
1997 à 2001: le «comeback kid»
Apple a fait une bonne affaire. Le coup du siècle, même, si on s'appuie sur ce qui adviendra ensuite. En rachetant NeXT, Apple récupère un système d'exploitation moderne, ou tout du moins les bases. Elle récupère également Steve Jobs, bombardé patron par intérim. Charismatique, habitué des conférences produits depuis la présentation du premier Macintosh, Jobs se lance dans une opération séduction auprès du public et des investisseurs: «Think different».
Il réoriente complètement l'entreprise et sa stratégie. Apple se sépare de milliers d'employés, et se concentre sur la production de quatre ordinateurs, autour de deux critères: la machine est-elle portable ou de bureau? Est-elle destinée au grand public ou aux professionnels?
Les deux machines grand public vont connaître un succès qui sortira Apple du trou. L'iMac G3 (1998) et l'iBook G3 (1999) sont colorés, arrondis, et immédiatement reconnaissables. Via ces machines, Apple va imposer le standard USB pour connecter les périphériques, et contribuer à populariser le wi-fi avec le module AirPort pour l'iBook.
Dernière étape de sa mue: Apple va mettre en bière le système d'exploitation hérité de l'ancienne équipe dirigeante au profit de OS X (2001), construit sur les bases posées par NeXT. Un changement qui fait office de tournant dans l'histoire du Mac, pour le spécialiste Stephen Hackett. Les tentatives de moderniser son système d'exploitation au cours des années 1990 ont échoué et ont contraint Apple de trouver une solution hors de ses murs. Selon Hackett, le retour de Steve Jobs «a eu une importance monumentale dans le sauvetage de l'entreprise, et la technologie de NeXT reste au centre de tout ce qu'Apple produit aujourd'hui», bien au-delà du Mac.
2001 à 2020: iPod, iPhone, iPad… Et le Mac!
La décennie qui suit l'introduction de la nouvelle stratégie d'Apple sera propice à une approche complémentaire: celle de lancer des produits périphériques au Mac. Ça commence en 2001 avec l'iPod, pour emporter sa bibliothèque musicale dans sa poche. Malgré son succès fulgurant, le baladeur d'Apple va rapidement céder sa place à l'iPhone, en 2007. Contrairement à l'iPod, l'iPhone fonctionne sur un dérivé de OS X, allégé pour fonctionner sur un ordinateur de poche. Apple n'a pas inventé le smartphone, Mais son arsenal marketing l'a imposé comme une évidence dans une société qui commençait seulement à réaliser l'impact révolutionnaire d'internet.
Cette approche consistant à proposer toute une gamme d'ordinateurs complémentaires continuera en 2010 avec l'iPad et en 2015 avec l'Apple Watch. Tous partagent un peu du code du Mac. La réciproque est également vraie: les progrès qui ont vu le jour avec l'iPhone ou l'iPad se retrouvent intégrés au Mac quelques années plus tard, comme la mise en veille instantanée de l'appareil.
2020: Apple Silicon
La dernière grande étape dans la vie du Mac, à ce jour, est sans aucun doute son passage à «Apple Silicon». Jadis, le processeur des Mac, leur cerveau, était conçu par Moto
Apple a réussi le pari fou de se construire une niche face à l’omniprésence du PC traditionnel
rola, puis par IBM (Big Brother avait du bon), et enfin par Intel. Frustrée par les choix technologiques entrepris par ces derniers dans le courant des années 2010, Apple a opté pour une solution radicale: faire la transition vers des puces conçues par eux, pour eux. Une logique qu'Apple employait déjà sur ses autres appareils depuis le premier iPad, en 2010, et que l'entreprise déclinera dès lors sur iPhone et Apple Watch.
Ces processeurs ne sont toutefois pas 100% made in Apple, car l'entreprise dépend de TSMC, firme taïwanaise experte des microprocesseurs, pour leur fabrication. Reste qu'«Apple Silicon» a donné un indéniable coup de jeune à toute la gamme des Mac: meilleures performances, meilleure autonomie de batterie, et la possibilité de concevoir des machines plus spécialisées et plus légères.
Quarante ans après le premier Macintosh, Apple a réussi le pari fou de se construire une niche face à l'omniprésence du PC traditionnel. Si un ordinateur Apple n'est pas fondamentalement différent d'un PC Windows, il se distingue par son histoire de choix radicaux, d'adoption et de popularisation de technologies novatrices. Outre le marketing, les conférences lénifiantes, et l'air de «cool» que l'entreprise souhaite se donner, ce qui distingue le Mac, c'est l'art d'une exécution réussie. Quitte à parfois emprunter les bonnes idées là où elles se trouvent.
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