Le Temps

Faut-il un bon vin pour faire une bonne sauce?

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Le prix est imbattable: 2,95 francs le litre, au supermarch­é, pour ce «vin blanc léger et fruité, agréable et bien épanoui». Et ce n'est pas tout. Il est également «idéal pour la cuisine», selon sa descriptio­n. Mais qu'est-ce que cela signifie? Que certains vins seraient plus appropriés que d'autres pour concocter ses mets? Pour l'élaboratio­n de ses plats, peut-on utiliser des nectars bas de gamme? La qualité d'un vin n'a-telle que peu d'importance en cuisine?

Pour avoir un avis qui compte, autant demander au meilleur. Et le meilleur en matière de gastronomi­e, en Suisse romande, c'est Franck Giovannini. A la tête du Restaurant de l'Hôtel de Ville de Crissier, le chef est auréolé de trois étoiles au Guide Michelin et d'un 19/20 au GaultMilla­u. Pour celles et ceux qui ne le connaîtrai­ent pas, ça vous situe le bonhomme. Et ça force le respect.

Alors, faut-il un bon vin pour faire de la bonne cuisine? «Oui et non», répond Franck Giovannini. Ce qui ne nous avance pas dans notre quête de vérité. Mais le chef précise: «Pour les sauces, les bons vins sont plutôt utilisés pour la finition que pour le démarrage.» En cuisine, on utilise donc des vins de différente­s qualités, selon l'étape à laquelle on se trouve. Franck Giovannini prend l'exemple d'une sauce au vin blanc. Pour la réduction, un nectar standard fera l'affaire. «On perd la typicité du vin en le cuisinant et en ajoutant de la crème, par exemple. On ne le reconnaîtr­a donc pas», précise-t-il. Champagne ou vin blanc standard, du pareil au même, donc. En revanche, pour la touche finale, c'est tout autre chose. «C'est important d'avoir un bon vin pour faire la différence. On le choisira en fonction de ce que l'on cherche comme typicité de la sauce. Un dézaley peut, par exemple, apporter un côté vif et une touche d'acidité.»

Et c'est idem pour les rouges. «Lorsque l'on fait un boeuf bourguigno­n, avec une grosse réduction, le vin n'a pas d'importance, car il perd sa typicité en cuisant avec la garniture et la viande. On préférera simplement un vin plus tannique à un nectar plus léger, si l'on souhaite une sauce plus corsée.» En résumé: «Cela ne sert à rien de faire une réduction avec un Château Margaux», sourit Franck Giovannini. En revanche, un très grand vin peut sublimer une sauce. Il est déjà arrivé au chef de l'Hôtel de Ville de Crissier de terminer une sauce avec du Château d'Yquem (vin liquoreux de Bordeaux, produit par le domaine du même nom). «Cela fait toute la différence», assuret-il. Mais reconnaît-on le nectar lors de la dégustatio­n du plat? «A l'aveugle, si on ne le sait pas, c'est difficile. Mais si on est averti et que l'on fait attention, on le ressent.» Parole de chef triplement étoilé.

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