«Cessez le massacre!» A Genève, Jean-Luc Mélenchon a clamé son soutien à la Palestine
Le leader de La France insoumise a participé samedi à une manifestation en faveur du peuple palestinien. Le bras levé, sur la place des Nations, il a appelé les «puissants qui nous gouvernent» à faire «cesser l’âge des armes»
Le logo de La France insoumise flotte parmi les drapeaux palestiniens. Le bleu-blancrouge des écharpes des députés de l’Hexagone se mêle au noir et blanc des keffiehs. Ce samedi après-midi à Genève, une manifestation se tient pour soutenir le peuple palestinien. Ce n’est de loin pas la première au bout du lac depuis le 7 octobre et l’attaque du Hamas contre Israël, mais celle-ci est un peu spéciale. Un participant bien connu est attendu: JeanLuc Mélenchon, leader de La France insoumise (LFI). Il se joint à la cinquantaine d’organisations de Suisse et de France qui ont allié leurs voix pour appeler à un cessez-le-feu.
Il est peu après 14h45, sur le quai devant le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Les premiers discours s’enchaînent. Les slogans retentissent. Et la marche démarre vers le siège de l’ONU. Les manifestants appellent à l’arrêt du «génocide» du peuple palestinien, à «la fin du régime d’apartheid». Ils sont 1400 selon la police; 2000 selon Keystone-ATS. Ils exigent un «cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza». Déplorent la «confusion entre antisionisme et antisémitisme».
«Manifester pour exprimer mon sentiment d’impuissance»
Ils chantent: «Occuper est un crime, résister est un droit» et clament: «Israël terroriste. Viva Viva Palestina!» «Je suis là parce que manifester est le seul moyen d’exprimer mon indignation et de combler mon sentiment d’impuissance», livre une jeune femme. Parmi les slogans, un «Macron criminel, Macron complice!», scandé par un jeune garçon dans un micro, rappelle la teinte internationale de la manifestation. Jean-Luc Mélenchon s’est frayé un chemin dans le cortège, accompagné par plusieurs députés de La France insoumise. Comment expliquer que la figure de la gauche radicale française ait fait le déplacement? Carlo Sommaruga, présent lui aussi, un badge «Free Palestine» fixé à la veste, salue l’engagement de LFI pour la Palestine. Le sénateur genevois avance que la venue du tribun est sans doute liée à «la chance de pouvoir manifester devant l’ONU». Il n’exclut pas non plus un climat de liberté de parole différent entre les deux pays: «Je rappelle qu’en France, la solidarité avec le peuple palestinien est disqualifiée, ostracisée, qualifiée d’antisémite ou soupçonnée de liens avec le Hamas. Il y a beaucoup moins cette tendance en Suisse romande.»
Ton solennel et applaudissements
Reste que Jean-Luc Mélenchon est une personnalité clivante, même au sein de son propre camp. Accusations d’antisémitisme, refus de qualifier le Hamas d’organisation terroriste: rappelons que les polémiques se sont enchaînées pour l’homme politique, allant jusqu’à l’explosion de la grande alliance des gauches, la Nupes. On peut se demander si sa présence à Genève sert la cause pour laquelle les manifestants marchent. «Il sert la cause, assure l’ex-maire de Genève Rémy Pagani, de l’Union populaire. La manifestation est sous le sigle antiraciste, elle proscrit l’antisémitisme, pas un seul manifestant n’entonne «Allah est grand!» Pancho Gonzalez, membre du PS genevois, estime surtout que «se focaliser sur les clivages et dérapages personnels» est contreproductif et «nous détourne du vrai sujet: le conflit». Nadia, une autre manifestante, nous glisse que Jean-Luc Mélenchon a en tout cas l’avantage d’amener les médias à l’événement, elle qui déplore leur absence lors des précédentes manifestations.
Le cortège des pancartes et drapeaux arrive sur la place des Nations. Près de l’estrade où s’enchaînent les discours, c’est la fourmilière. Jean-Luc Mélenchon attend son tour. Il est accessible, au milieu des manifestants. On se bouscule. Nous tentons: «Pourquoi êtesvous venu en Suisse?» L’homme ne répond pas. Deux sympathisantes le font à sa place: «Parce qu’en France on est muselés! Les soutiens à la Palestine, les gens de gauche.»
C’est l’heure. Le leader de la LFI monte à la tribune, entouré de plusieurs parlementaires insoumis. La place se tait. «Cessez le feu! Cessez le massacre! Arrêtez de tuer!» Durant une dizaine de minutes, l’homme politique a le bras levé et le ton grave, solennel. Il est bon orateur, il remercie l’ONU et en particulier son secrétaire général Antonio Guterres, de ses efforts: «Heureusement qu’il y a l’ONU, sinon il n’y aurait que la barbarie.» Il appelle les «puissants» à «cesser de livrer des armes […], cesser d’aider de quelque manière que ce soit les meurtres qui ont lieu»; au respect du droit international. Et termine en affirmant qu’à Gaza, «ce n’est pas un problème religieux, ce n’est pas un problème ethnique, c’est un problème de territoire qui confronte la colonisation et l’occupation au droit sacré et imprescriptible à la résistance et à l’autodétermination».
Applaudissements, sifflements et cris. JeanLuc Mélenchon quitte la foule, reste impassible face à ceux qui tentent encore de lui poser une question. Il s’engouffre dans une voiture blanche et disparaît en lâchant un salut de la main. Si nombre de manifestants n’étaient pas venus pour lui mais pour la Palestine, ce samedi, il aura toutefois été écouté et entendu.
■