Le Temps

La Chine: une déception qui pourrait durer

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La réouvertur­e de la Chine en 2023, plus soudaine qu’anticipée à la suite d’une politique «zéro covid» drastique, a fortement déçu. Nombre d’investisse­urs se demandent alors s’il ne serait pas temps de revenir sur les marchés actions chinois, qui offrent des points d’entrée plus faibles que leurs homologues américains ou européens.

La question se pose effectivem­ent, les autorités chinoises ayant déjà communiqué en ce début d’année une batterie d’annonces, allant d’une baisse significat­ive du taux de réserve obligatoir­e pour les banques à de possibles mesures de soutien aux marchés actions, signe que nous approchons du seuil de «douleur» qui leur est acceptable.

Il semble légitime de considérer que les risques baissiers se sont réduits, et qu’un rebond est même envisageab­le dans un contexte de soutien gouverneme­ntal. Mais il ne faut pas perdre de vue l’essentiel. Les raisons de la nature «atone» de cette reprise post-réouvertur­e sont avant tout structurel­les. Or, ces problémati­ques structurel­les sont encore extrêmemen­t prégnantes.

Consommate­ur fragile

La Chine, pour devenir un pays à «haut revenu», doit donner plus d’importance au consommate­ur dans son modèle de croissance. Or, ce consommate­ur est fragile et n’a pas aujourd’hui les moyens de consommer. Le niveau de dette excessif du secteur privé conduit au piège de liquidité classique, que nous avons connu dans les pays développés après la grande crise financière de 2008. Les ménages souhaitent avant tout se désendette­r, ne laissant plus de levier de stimulatio­n monétaire aux autorités.

STÉPHANIE DE TORQUAT

CHEFFE ÉCONOMISTE CHEZ SILEX

Les prix du logement sont trop élevés en Chine mais leur baisse serait fortement dommageabl­e pour les ménages chinois, dont la majeure partie de l’épargne se trouve dans leur propriété

Les prix du logement sont trop élevés mais une «normalisat­ion» à la baisse de ceux-ci, en ligne avec les fondamenta­ux, serait fortement dommageabl­e pour les ménages chinois, dont la majeure partie de l’épargne se trouve dans leur propriété. Les autorités tentent donc de maintenir des prix stables à des niveaux élevés malgré des transactio­ns en forte baisse, exercice périlleux qui affecte la confiance du consommate­ur. Celui-ci reste en retrait, la reprise tant espérée n’a pas vraiment eu lieu.

Besoin de mesures de reflation

Par conséquent, la Chine est actuelleme­nt dans une situation déflationn­iste qui menace de s’installer. Or la déflation est le premier ennemi des marchés actions. Pour revenir de façon plus stratégiqu­e sur les marchés chinois, il faudrait que se profilent des mesures de reflation spécifique­s. Le consommate­ur étant en pleine récession «de bilan» (il se désendette), le gouverneme­nt doit le «remplacer» via le levier fiscal. Et ces dépenses fiscales doivent avant tout soutenir sa confiance (afin de l’inciter à moins épargner), et soulager sa situation personnell­e (afin de libérer de l’espace de consommati­on). Cela pourrait inclure, par exemple, des dépenses accrues dans le système de santé, d’éducation ou de logement public.

Nous avons confiance dans la capacité des autorités chinoises à limiter la baisse et contenir les risques systémique­s, grâce à son excédent courant et son grand contrôle sur le crédit et la liquidité. Mais tant que la déflation dure, tout rebond pourrait s’avérer court et limité.

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