Face à l’Iran menaçant, un plan de paix complexe au Moyen-Orient
Qui sont les gagnants des deux conflits armés qui se déroulent actuellement aux marches de l’Europe? Aux yeux de l’historien Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales, ce sont les pasdarans iraniens. Ils répriment les protestations internes, «contribuent à l’insécurité européenne en armant les Russes et en accélérant leur programme nucléaire. Leur soutien au terrorisme militarisé du Hamas leur a permis d’abattre le mythe de l’invincibilité d’Israël. » Ils ont de plus stoppé momentanément le rapprochement entre ce pays et l’Arabie saoudite.
Ils ont rejoint les BRICS. Frappés de lourdes sanctions par les Occidentaux, ils ont rappelé à ces derniers la vulnérabilité des voies maritimes en appuyant les houthistes en mer Rouge. (Le Figaro du 01.02.2024). L’auteur compte les Européens parmi les perdants.
Cependant, ce qui se passe en Méditerranée orientale témoigne de la forte présence américaine dans la région, démentant dans les faits que les Etats Unis veuillent se retirer du
Moyen-Orient. Preuve en est l’existence des bases militaires qu’ils entretiennent dans le Golfe, les opérations de la Sixième Flotte dont plusieurs unités sont déployées au large d’Israël et enfin les combats résiduels menés face à l’Etat islamique en Syrie et en Irak.
Aujourd’hui, Washington apparaît seul en mesure d’affronter les groupes armés soutenus par l’Iran, seul à dissuader l’Iran elle-même, seul à assurer la liberté de navigation en mer Rouge et à éviter l’escalade du conflit aux frontières d’Israël. Qui plus est, les Etats-Unis semblent en mesure de jouer de leur influence politique pour proposer une solution d’ensemble au conflit israélo-palestinien à la faveur de la crise de Gaza. La presse américaine et britannique met en relief un plan à moyen terme attribué à l’administration Biden, dont les étapes s’emboîteraient comme autant de poupées russes.
La première échéance serait d’en arriver au cours des prochaines semaines à un cessez-le-feu d’une certaine durée qui favoriserait le retour d’une partie des otages en échange de la libération de prisonniers palestiniens. On évoque la date du début du ramadan, vers le 10 mars prochain.
Cependant la trêve ne saurait être une fin en soi: elle déboucherait sur une solution politique à laquelle Washington travaille avec les puissances régionales, Arabie saoudite, Egypte, Jordanie, Emirats arabes unis, Qatar notamment. Celle-là même qui échappe aux médiateurs depuis cinquante ans. L’objectif central est d’aboutir à la création de l’Etat palestinien, autour d’une Autorité palestinienne «rénovée», d’obtenir la reconnaissance de cet Etat par Israël, et de normaliser les relations d’Israël avec l’Arabie saoudite et d’autres Etats arabes. L’administration de Gaza serait restituée à l’Autorité palestinienne rénovée. La sécurité serait notamment assurée par une force internationale avec diverses composantes.
Les négociateurs ne se font pas d’illusion: il faudra beaucoup d’efforts et de temps pour surmonter les obstacles sur la route d’une solution politique aussi complexe. Les pressions vont s’accentuer sur le premier ministre Benyamin
Netanyahou qui s’y oppose et dont le taux de popularité est tombé à 15%. Mahmoud Abbas pourrait devoir se concentrer sur ses tâches représentatives et perdre ses pouvoirs exécutifs au profit d’un premier ministre plus apte à les assumer.
Par-dessus tout, ce plan dépend de la réélection du président Joe Biden le 5 novembre prochain. Les diplomates savent jouer du temps qui leur est mesuré par un calendrier politique urgent. Certains éléments dépendent du Congrès, notamment la validation de la coopération militaire et nucléaire que réclame l’Arabie saoudite pour prix de son engagement.
On ne parviendra sans doute pas à réaliser tous les points de ce programme au cours de l’année 2024; il y faudra au moins les premiers mois du second mandat de Joe Biden. Mais ce qui importe à ce stade est l’affirmation d’une volonté politique, largement partagée au sein de l’Union européenne et du Royaume-Uni. Stabiliser le MoyenOrient en s’attaquant aux problèmes de fond est l’impératif stratégique de l’heure dans les chancelleries.
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Ce qui se passe en Méditerranée orientale témoigne de la forte présence américaine dans la région