Le nouveau périple d’Hotelplan
Migros est à la recherche d’un repreneur pour le plus grand voyagiste de Suisse. Une période de fortes incertitudes s’ouvre pour les employés de cette filiale du géant orange et la branche dans son ensemble
XL’heure est aux questions, quelques jours après l’annonce de ce qui représente la plus grande transformation de l’histoire récente de Migros. Le géant orange a annoncé vendredi la suppression de 1500 postes ainsi que la mise en vente de plusieurs sociétés, dont Hotelplan, sa filiale dédiée au tourisme, Mibelle, spécialisée dans la production de cosmétiques et de produits d’entretien de la maison, ainsi que des magasins Melectronics et SportX. Le numéro un suisse du commerce de détail entend se recentrer sur son coeur de métier et réduire une complexité devenue rédhibitoire.
En cédant Hotelplan, Migros confirme sa volonté de trancher dans le vif. Car la filiale représente une activité historique pour le géant orange. La société a été créée en 1935 par le fondateur de Migros, Gottlieb Duttweiler, avec la mission d’«aider une hôtellerie suisse proche de l’effondrement et de permettre à tout un chacun de partir en vacances». Hotelplan a longtemps été considérée comme un corps étranger dans la galaxie Migros. Depuis des années, les rumeurs bruissaient sur une éventuelle vente, au gré des performances de la filiale.
«Le centre de gravité de l’industrie du tourisme s’est déplacé vers des voyagistes de très grande dimension et d’envergure internationale ou bien spécialisés, pour lesquels la taille est un facteur décisif, justifie Migros. Si Hotelplan Group est le plus grand voyagiste de Suisse, il conserve une taille relativement modeste à l’échelle mondiale», estime le géant orange, qui ajoute que les synergies avec le coeur de métier sont limitées. Le détaillant zurichois en est arrivé à la conclusion que la société «bénéficierait de meilleures opportunités de croissance avec un nouveau propriétaire».
Des ventes record
L’annonce de Migros est intervenue seulement deux jours après qu’Hotelplan a publié des chiffres record. «La décision de chercher un nouveau propriétaire a été prise par l’administration de la Fédération des coopératives Migros (FCM)», a souligné vendredi la directrice générale du voyagiste, Laura Meyer.
Après avoir souffert de la pandémie, Hotelplan est en croissance dans tous ses segments d’activité. Le voyagiste a bouclé l’exercice 2022-2023, clos fin octobre, sur un chiffre d’affaires de 1,73 milliard de francs, en hausse de 20,6% sur un an. Mais également en progression de 45,7% par rapport à l’exercice 2019, dernière année avant l’irruption du covid. Migros assure également que l’entreprise est profitable, sans pour autant avancer de chiffres.
«Le voyagiste a non seulement réalisé deux excellentes années sur le plan opérationnel et su tirer parti du fort engouement de la population pour les voyages, affirme le détaillant. Mais il a aussi résolument mis en oeuvre la stratégie du groupe, optimisé son portefeuille, lancé de nouveaux produits, fait avancer la numérisation de l’entreprise et mis en place une organisation plus efficace. Hotelplan est donc très bien positionné.»
Maintenant que les touristes sont de retour et que les chiffres sont à nouveau bons, Migros sai
Le voyagiste Hotelplan a été créé en 1935 par le fondateur de Migros, Gottlieb Duttweiler. Ici un employé de gare renseigne les clients suisses prenant le train balnéaire qui circule depuis 1954 vers l’Italie.
sit l’occasion de négocier un prix intéressant pour Hotelplan. «La mariée est belle, confirme Stéphane Jayet, vice-président de la Fédération suisse du voyage. Hotelplan pourrait intéresser de nombreux acheteurs, aussi bien des sociétés qui veulent se diversifier que de grandes voyagistes.» Hotelplan a une offre «à 360 degrés, tant en termes de destinations que de thématiques, comme le sport, le bien-être ou la santé.»
En attendant, l’émotion est forte chez les employés. «La situation est bien sûr déstabilisante pour les près de 2500 collaborateurs du groupe et potentiellement pour les clients», relève Stéphane Jayet.
Le voyagiste a immédiatement lancé une campagne de publicité pour tenter de rassurer le grand public: «Hotelplan s’écrit sans M – Nous restons le numéro 1 pour vos vacances».
En quête d’un repreneur
La grande question est désormais de savoir qui va se lancer dans l’aventure. Selon les experts de la branche, le scénario le plus probable est que le numéro un suisse des voyages passe en mains étrangères. Comme c’est déjà le cas pour le numéro deux, Kuoni, qui avait été racheté en 2015 par DER Touristik, filiale de l’allemand Rewe, ainsi que pour le numéro trois, Tui
Suisse, détenu par le groupe allemand éponyme.
Un rachat par un concurrent pourrait avoir des conséquences massives sur le réseau d’agences d’Hotelplan, car l’entreprise ne compte pas moins de 82 succursales dans toute la Suisse. Or, les agences d’Hotelplan, Kuoni et Tui Suisse se trouvent souvent à proximité les unes des autres. Le repreneur pourrait ainsi supprimer les doublons. Migros se refuse à commenter ces spéculations, mais précise qu’aucune suppression d’emploi ni fermeture de succursale n’est actuellement prévue.
Une scission du groupe n’est du reste pas complètement écartée. Outre la marque phare Hotelplan, l’entreprise englobe Interhome Group, l’un des principaux prestataires européens de locations de vacances, le tour-opérateur de niche Hotelplan UK ainsi qu’une division de voyages d’affaires. «Si possible, l’ensemble du groupe sera cédé à un propriétaire unique, affirme Migros. Une scission ne peut toutefois pas être totalement exclue.»
Le processus de vente risque en tout cas de prendre du temps. Migros se refuse ainsi à évoquer tout calendrier. Une chose est sûre: on n’a pas fini d’entendre parler d’Hotelplan ces prochains mois.
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