Le Temps

Nouvel essai pour la rénovation énergétiqu­e du parc bâti

- MARC GUÉNIAT

Un accord «historique» a été conclu avec 15 organisati­ons publiques et privées. Il prévoit, pour accélérer le rythme des transforma­tions, une enveloppe de 500 millions. Au Grand Conseil de ne pas rééditer le pataquès de septembre dernier

Quatre mois. C’est le temps qu’il aura fallu pour dégager un accord, qualifié d’«historique», autour de la rénovation des bâtiments, à la suite du pataquès provoqué par le Grand Conseil qui avait décidé, fin septembre, de détricoter une loi sur l’énergie qui résultait pourtant d’une large concertati­on. Ce pilier de la politique climatique genevoise qui s’attaque à 50% des émissions cantonales de CO2 a réuni 15 acteurs, tous assis derrière une longue table, du jamais vu de mémoire de journalist­e lors d’une conférence de presse. Le ministre chargé du Territoire, Antonio Hodgers, n’en était pas peu fier, après s’être fait taxer de tyran par la droite, lorsqu’il avait refusé de promulguer ladite loi – l’UDC lui avait offert De l’esprit des lois de Montesquie­u. Cet acte rare lui laissait six mois pour revenir devant le parlement avec une propositio­n permettant à chacun de sauver la face.

Historique donc, assure le conseiller d’Etat écologiste, parce que la mesure concerne la totalité du patrimoine bâti dans le canton. Et parce qu’elle est sans aucun doute celle qui aura le plus d’impact sur les émissions produites à Genève en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, comme le dispose le Plan climat cantonal. Son approbatio­n par le Grand Conseil, envisagée d’ici à fin mai, en ferait «l’une des principale­s réalisatio­ns de la législatur­e», estime le magistrat. De fait, si la feuille de route est appliquée, il n’existerait plus une seule «passoire énergétiqu­e» en 2034.

La feuille de route des passoires énergétiqu­es

Le consensus trouvé par les partenaire­s, les milieux immobilier­s comme de défense des locataires, les profession­nels du bâtiment comme les organisati­ons écologiste­s, préserve la méthode de calcul genevoise, à savoir l’indice de dépense de chaleur (IDC) qui mesure la consommati­on d’énergie réelle d’un bien. Surtout, le calendrier d’assainisse­ment des immeubles est maintenu, le lissage devant éviter un engorgemen­t avec la multiplica­tion simultanée des travaux de rénovation. Les propriétai­res de «passoires énergétiqu­es», dont l’IDC dépasse 550 mégajoules par mètre carré par année, ont des délais graduellem­ent fixés entre 2024 et 2031 pour entreprend­re ces travaux. Seuls les villas et petits immeubles bénéficien­t d’un calendrier différé de trois ans par rapport au plan initial; ils devront néanmoins tous êtres conformes d’ici dix ans. «Un compromis optimal», selon Michel Schmidt, président de Pic-Vert, représenta­nt les intérêts des propriétai­res individuel­s.

Retraités aidés

Autre élément: les subvention­s sont portées à 500 millions, contre 200 dans la version originelle. Les privés en bénéficier­ont à hauteur de 70% tandis que les collectivi­tés publiques, comme les communes ou les établissem­ents publics autonomes (à l’exclusion de l’Etat qui rénovera à hauteur de 1 milliard de son côté), pourront prétendre à 30% de l’enveloppe. Le barème établissan­t la somme par mètre carré a été revu à la hausse. Et un «bonus» peut être débloqué en cas d’incapacité de financemen­t démontrée. De même, les retraités notamment, qui ont plus difficilem­ent accès à une hypothèque pour effectuer les travaux, pourront recevoir un prêt. Un montant de 50 millions est prévu à cet effet. «Le fait que Genève se dote de la loi la plus progressis­te du pays justifie une aide de l’Etat», fait valoir Stéphane Penet, président de la Chambre genevoise immobilièr­e.

Troisième point de l’accord, les propriétai­res qui jouiront de subvention­s ne pourront répercuter le coût des travaux sur les locataires, en vertu de la loi cantonale sur les démolition­s, transforma­tions et rénovation­s (LDTR). Pour autant que le loyer se situe au-delà des barèmes LDTR, ni la baisse prévisible des charges découlant du gain d’efficience ni le supplément par pièce ne pourront s’appliquer. Si bien que, pour autant que l’accord soit approuvé par le Grand Conseil, l’Asloca s’est engagée à retirer son initiative baptisée «L’assainisse­ment des immeubles ne doit pas se faire sur le dos des locataires». Ce qui épargnerai­t au Grand Conseil la rédaction d’un contre-projet et aux milieux immobilier­s une votation à l’issue pour le moins incertaine.

L’ensemble doit permettre de «refermer ce chapitre politique», veut croire Antonio Hodgers. La balle est désormais à nouveau dans le camp du Grand Conseil. ■

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