La fièvre porcine africaine se rapproche
L’épizootie est présente au nord de l’Italie, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière suisse. Au Tessin, les autorités se préparent à affronter cette maladie aux conséquences importantes pour la population
«La question n’est pas si la peste porcine africaine (PPA) arrivera en Suisse, mais quand.» C’est ce que précise Luca Bacciarini, le vétérinaire cantonal du Tessin. Car entre le foyer italien le plus proche à Pavie (en Lombardie) et Chiasso, la commune la plus méridionale du pays, il y a 65 kilomètres de distance. Dans la péninsule, on n’arrive pas à freiner le virus et sa propagation se poursuit. Le Parc naturel de la vallée du Tessin, à cheval sur la Lombardie et le canton du sud des Alpes, est un couloir naturel emprunté par les sangliers pour aller vers le nord.
Maladie virale très contagieuse, très douloureuse, caractérisée par une fièvre hémorragique, le plus souvent mortelle, qui touche les sangliers et les porcs, la PPA sévit actuellement dans plusieurs pays européens. En Italie, où elle fait rage en Lombardie, au Piémont, en Ligurie et en Emilie-Romagne, des dizaines de milliers de bêtes ont dû être éliminées. Car la découverte d’un cas dans un élevage rend nécessaire l’abattage de tout le cheptel.
Le virus de la PPA n’est pas transmissible à l’être humain, mais celui-ci est le principal responsable de sa propagation rapide sur de grandes distances (les sangliers la propagent lentement, sur de plus courtes distances). La maladie peut être diffusée par le biais de matériel contaminé ou d’aliments d’origine porcine. «Si vous allez en forêt et que vous marchez là où un sanglier est mort, vous transporterez alors le virus sous vos chaussures. Si vous chassez un animal infecté et vous le ramenez, vous contaminerez votre véhicule», indique Luca Bacciarini, soulignant qu’il s’agit d’une maladie difficile à neutraliser et qui a un impact important sur toute la population porcine — sauvage et domestique — dans les zones infectées.
L’offensive au Tessin pour combattre cette menace se prépare déjà depuis 2022, assure-t-il, «de façon que chacun sache quoi faire le moment venu». Au niveau fédéral, une ordonnance et une directive technique de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) fixent des paramètres clairs en cas d’épizootie, détaille-t-il. «Nous les avons adaptées aux besoins du canton.»
Il y a deux ans, le Tessin a constitué un groupe de travail incluant tous les offices intéressés – forêts, chasse et pêche, protection de l’air, de l’eau et des sols – ainsi que les associations concernées et les éleveurs. «Ensemble, nous avons regardé en détail la question — comment désinfecter, quoi faire avec les carcasses, comment contenir l’épizootie, etc. — et nous avons produit un manuel pratique pour lutter contre la PPA.» Le canton bénéficie du soutien de l’Institut supérieur pour la protection et la recherche environnementales de Bologne, et en particulier de l’expertise de Vittorio Guberti, un des meilleurs spécialistes en Europe de la PPA, qui était à Bellinzone ces jours pour sensibiliser les éleveurs.
Fermer des territoires si nécessaire
D’une part, il faut tenter de contenir les sangliers, à l’aide de barrières naturelles ou artificielles, explique Luca Bacciarini. «Si la PPA arrive au Tessin, il est fondamental de trouver tous les sangliers morts et de les analyser pour identifier le sanglier zéro à l’origine de l’épidémie, afin de la freiner dès le début.» Enfin, il faudra bloquer des zones entières, les interdisant d’accès aux citoyens.
«Cela pour éviter qu’ils entrent en contact avec le virus et le propagent. Un périmètre de quelques dizaines de kilomètres autour d’un cas pourrait être inaccessible. Tout cela ne sera pas facile et pourrait coûter très cher.» Ces mesures visent à protéger les animaux et les élevages de porcs. «Au Tessin, on a à peine 2000 porcs d’élevage, c’est très peu. Le risque est que la PPA traverse de l’autre côté du Gothard – où on en compte quelque 1,4 million – entraînant de graves répercussions, notamment économiques.»
La perspective de la PPA préoccupe les éleveurs tessinois. «C’est clair que nous sommes très inquiets, mais nous nous préparons depuis quelques années pour être le plus efficaces possible si la maladie arrive», indique Sem Genini, secrétaire de l’Union paysanne tessinoise et membre du groupe de travail cantonal. Il se dit soucieux pour les élevages de porcs qui pourraient connaître de grandes pertes mais aussi pour ceux des alpages, «qui possèdent certes moins de bêtes, mais qui courent néanmoins des dangers puisque les risques qu’elles croisent des sangliers sont très grands».
Porte-parole de l’OSAV, Tiziana Boebner-Lombardo signale que celui-ci informe régulièrement les détenteurs d’animaux et les vétérinaires de l’évolution de la situation. Pour éviter l’introduction de l’épizootie en Suisse, des restrictions concernant les importations de porcs vivants, de génétique porcine, de viande et de produits à base de viande de porc et de sous-produits animaux de l’espèce porcine en provenance des zones touchées ont été mises en place. «Une deuxième campagne de prévention, notamment via les réseaux sociaux, sera également menée pour sensibiliser, entre autres, les travailleurs agricoles saisonniers d’Europe de l’Est qui entrent en Suisse.» ■
Le virus n’est pas transmissible à l’être humain, mais ce dernier est le principal responsable de sa propagation rapide