Bloom Biorenewables franchit un nouveau jalon
La start-up vaudoise, qui fournit DSM-Firmenich en molécules aromatiques biodégradables, s’est aussi associée au poids lourd français des matériaux isolants, Soprema. Pour «étendre son impact», elle vise à terme le marché des biocarburants
Pour son cinquième anniversaire, en janvier, Bloom Biorenewables n’a pas organisé de grosse fête car c’est encore un poil trop tôt. Ses deux dirigeants, Rémy Buser et Florent Héroguel, disent rencontrer les difficultés inhérentes aux jeunes pousses – besoin de capitaux, mise à l’échelle – mais ils reconnaissent aussi «avoir des problèmes de riches».
La start-up est en effet en plein essor. Elle peut compter sur des partenaires solides et dans son laboratoire, à Renens, où nous nous sommes rendus une deuxième fois le 30 janvier, il y a toujours autant de blouses blanches, de pipettes, de chimie fine et de vie.
Après avoir fait part d’un premier gros partenariat en septembre avec le géant des arômes DSM-Firmenich, la société romande en a annoncé un autre cet automne, avec un poids lourd des matériaux isolants, le groupe français Soprema.
Pour le premier, elle livre des molécules similaires à celles qu’utilise le parfumeur suisso-batave. Mais celles de Bloom Biorenewables sont faites à partir de biomasse et non de pétrole. Pour le second, elle fait de même avec des fragments de lignines durables appelés à remplacer les polyols dérivés du pétrole utilisés jusqu’à présent dans les mousses isolantes.
Créée en 2019, Bloom Biorenewables est issue de recherches menées à l’EPFL par le professeur Jeremy Luterbacher et Florent Héroguel, qui sont parvenus à créer une quantité autrement plus importante de molécules aromatiques à partir de la biomasse non alimentaire que ce qui était possible jusqu’alors. Une chimie susceptible d’offrir enfin une alternative sérieuse aux produits pétroliers dans de nombreuses industries. Elle a notamment valu à la société vaudoise le Prix SUD 2023 («start-up durable»), décerné par Romande Energie et Le Temps, qui s’accompagne d’une couverture médiatique importante.
«Nous essayons d’avancer étape par étape. Nous avons démontré que nous sommes capables de répliquer des molécules issues du pétrole à partir de biomasse pour le marché très exigeant des arômes. Avec Soprema, nous avons franchi un nouveau jalon, en montrant que nous sommes capables d’offrir de nouveaux ingrédients rivalisant avec les standards basés sur le pétrole en termes de prix et de performances, tout en étant durables», affirment ses deux patrons. «Mais pour étendre notre impact, nous visons ensuite les marchés des emballages et des biocarburants», disent-ils.
Le groupe développe deux types de produits: des répliques de molécules issues du pétrole qui, comme elles sont identiques à ce qui existe déjà sur le marché, sont automatiquement homologuées et peuvent être rapidement commercialisées. Bloom Biorenewables en a développé une dizaine à ce jour, des arômes qui lui ont valu son partenariat avec DSM-Firmenich. L’entreprise planche aussi sur des molécules différentes, plus fidèles à leurs origines végétales, aux bénéfices environnementaux donc beaucoup plus importants, mais qui doivent franchir les barrières régulatoires avant une éventuelle mise sur le marché.
On sent un mélange de prudence et de confiance chez Rémy Buser et Florent Héroguel. De prudence, car tout reste à faire et que lever des fonds, à cause des incertitudes générées par la guerre en Ukraine notamment, est devenu plus difficile, selon eux. Ils sont pourtant en contact avec différents financiers et certaines discussions seraient sur le point d’aboutir.
Performance, durabilité, bons prix
De prudence toujours, car s’ils ont démontré que leur chimie fonctionne, il faut pouvoir la déployer, et trouver d’autres partenaires industriels. «Les entreprises qui sont trop grandes ont tendance à nous dire que nous sommes trop petits, que nous ne pouvons pas faire assez de volume. Nous ne voyons donc pas trop gros», indique Florent Héroguel.
«En même temps, nous sommes les seuls à pouvoir produire des molécules associant performance, durabilité et bons prix. Etre vert ne suffit pas pour vendre, il faut les deux autres piliers, estime Rémy Buser. Et nous avons déjà des clients qui sont prêts à nous acheter de grosses quantités de molécules, pour une start-up c’est fantastique. A nous de produire plus, c’est pour l’instant notre goulet d’étranglement.»
Bloom Biorenewables imagine s’associer à des industriels de par le monde selon un modèle de licence, ce qui doit permettre d’accélérer la cadence. Mais aussi d’ajouter des cordes aux arcs de l’économie circulaire: comme matières premières, le groupe veut valoriser la biomasse de l’industrie papetière, qui utilise la cellulose du bois mais pas sa lignine et son hémicellulose. Or ce sont précisément ces ingrédients que Bloom Biorenewables parvient à exploiter. La société entend ainsi faire fructifier davantage les résidus des papetiers, mais aussi d’autres industries, de la canne à sucre aux coquilles de noix.
Le groupe romand emploie une vingtaine de personnes, répartis entre un centre de R & D à Renens et une première unité de production à Fribourg. Il donne l’impression d’être dans les starting-blocks.
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