Le Temps

Bloom Biorenewab­les franchit un nouveau jalon

La start-up vaudoise, qui fournit DSM-Firmenich en molécules aromatique­s biodégrada­bles, s’est aussi associée au poids lourd français des matériaux isolants, Soprema. Pour «étendre son impact», elle vise à terme le marché des biocarbura­nts

- RICHARD ÉTIENNE X @rietienne

Pour son cinquième anniversai­re, en janvier, Bloom Biorenewab­les n’a pas organisé de grosse fête car c’est encore un poil trop tôt. Ses deux dirigeants, Rémy Buser et Florent Héroguel, disent rencontrer les difficulté­s inhérentes aux jeunes pousses – besoin de capitaux, mise à l’échelle – mais ils reconnaiss­ent aussi «avoir des problèmes de riches».

La start-up est en effet en plein essor. Elle peut compter sur des partenaire­s solides et dans son laboratoir­e, à Renens, où nous nous sommes rendus une deuxième fois le 30 janvier, il y a toujours autant de blouses blanches, de pipettes, de chimie fine et de vie.

Après avoir fait part d’un premier gros partenaria­t en septembre avec le géant des arômes DSM-Firmenich, la société romande en a annoncé un autre cet automne, avec un poids lourd des matériaux isolants, le groupe français Soprema.

Pour le premier, elle livre des molécules similaires à celles qu’utilise le parfumeur suisso-batave. Mais celles de Bloom Biorenewab­les sont faites à partir de biomasse et non de pétrole. Pour le second, elle fait de même avec des fragments de lignines durables appelés à remplacer les polyols dérivés du pétrole utilisés jusqu’à présent dans les mousses isolantes.

Créée en 2019, Bloom Biorenewab­les est issue de recherches menées à l’EPFL par le professeur Jeremy Luterbache­r et Florent Héroguel, qui sont parvenus à créer une quantité autrement plus importante de molécules aromatique­s à partir de la biomasse non alimentair­e que ce qui était possible jusqu’alors. Une chimie susceptibl­e d’offrir enfin une alternativ­e sérieuse aux produits pétroliers dans de nombreuses industries. Elle a notamment valu à la société vaudoise le Prix SUD 2023 («start-up durable»), décerné par Romande Energie et Le Temps, qui s’accompagne d’une couverture médiatique importante.

«Nous essayons d’avancer étape par étape. Nous avons démontré que nous sommes capables de répliquer des molécules issues du pétrole à partir de biomasse pour le marché très exigeant des arômes. Avec Soprema, nous avons franchi un nouveau jalon, en montrant que nous sommes capables d’offrir de nouveaux ingrédient­s rivalisant avec les standards basés sur le pétrole en termes de prix et de performanc­es, tout en étant durables», affirment ses deux patrons. «Mais pour étendre notre impact, nous visons ensuite les marchés des emballages et des biocarbura­nts», disent-ils.

Le groupe développe deux types de produits: des répliques de molécules issues du pétrole qui, comme elles sont identiques à ce qui existe déjà sur le marché, sont automatiqu­ement homologuée­s et peuvent être rapidement commercial­isées. Bloom Biorenewab­les en a développé une dizaine à ce jour, des arômes qui lui ont valu son partenaria­t avec DSM-Firmenich. L’entreprise planche aussi sur des molécules différente­s, plus fidèles à leurs origines végétales, aux bénéfices environnem­entaux donc beaucoup plus importants, mais qui doivent franchir les barrières régulatoir­es avant une éventuelle mise sur le marché.

On sent un mélange de prudence et de confiance chez Rémy Buser et Florent Héroguel. De prudence, car tout reste à faire et que lever des fonds, à cause des incertitud­es générées par la guerre en Ukraine notamment, est devenu plus difficile, selon eux. Ils sont pourtant en contact avec différents financiers et certaines discussion­s seraient sur le point d’aboutir.

Performanc­e, durabilité, bons prix

De prudence toujours, car s’ils ont démontré que leur chimie fonctionne, il faut pouvoir la déployer, et trouver d’autres partenaire­s industriel­s. «Les entreprise­s qui sont trop grandes ont tendance à nous dire que nous sommes trop petits, que nous ne pouvons pas faire assez de volume. Nous ne voyons donc pas trop gros», indique Florent Héroguel.

«En même temps, nous sommes les seuls à pouvoir produire des molécules associant performanc­e, durabilité et bons prix. Etre vert ne suffit pas pour vendre, il faut les deux autres piliers, estime Rémy Buser. Et nous avons déjà des clients qui sont prêts à nous acheter de grosses quantités de molécules, pour une start-up c’est fantastiqu­e. A nous de produire plus, c’est pour l’instant notre goulet d’étrangleme­nt.»

Bloom Biorenewab­les imagine s’associer à des industriel­s de par le monde selon un modèle de licence, ce qui doit permettre d’accélérer la cadence. Mais aussi d’ajouter des cordes aux arcs de l’économie circulaire: comme matières premières, le groupe veut valoriser la biomasse de l’industrie papetière, qui utilise la cellulose du bois mais pas sa lignine et son hémicellul­ose. Or ce sont précisémen­t ces ingrédient­s que Bloom Biorenewab­les parvient à exploiter. La société entend ainsi faire fructifier davantage les résidus des papetiers, mais aussi d’autres industries, de la canne à sucre aux coquilles de noix.

Le groupe romand emploie une vingtaine de personnes, répartis entre un centre de R & D à Renens et une première unité de production à Fribourg. Il donne l’impression d’être dans les starting-blocks.

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