En avril à Lausanne, BDFIL honorera Tom Tirabosco
L’édition 2024 du festival vaudois célèbre le fameux artiste genevois et l’humour, invite la Belgique et rêve d’un monde plus juste à travers dix expositions et nombre d’événements
C'est sur la piste des petits Mickey que les Lausannois les plus endurcis ont découvert, l'an dernier, au coeur de leur ville, la Rasude. Située sur le flanc oriental de la gare, cette friche industrielle, ancien bastion de La Poste, accueillait la 17 édition de BDFIL. Après une année d'interruption, le festival de bande dessinée redémarrait sous une nouvelle latitude et ouvrait de nouvelles perspectives sous la houlette d'une direction bicéphale, assurée par Gaëlle Kovaliv et Léonore Porchet.
Retour à la Rasude pour la présentation de l'édition 2024. Au sommet d'un monumental escalier roulant qui ne roule pas, un cadre dissimulé sous un drap se dresse tel un fantôme. Le voile tombe révélant l'affiche: sur une esplanade surplombant Lausanne, un palmipède en smoking contemple le paysage. On reconnaît le canard de Tirabosco qui réjouissait jadis les lecteurs de La Tribune de Genève. Il est entouré de quelques créatures fantastiques dont un patatoïde, un esprit des bois velu et un lycaon. Tom Tirabosco, auteur de nombreux livres et illustrations, initiateur de l'Ecole supérieure de bande dessinée et d'illustration de Genève (ESBDI), ami des arbres, des animaux et de toutes les créatures qu'il faut protéger, est une figure majeure de la bande dessinée suisse. La question «pourquoi lui comme invité d'honneur?» a, selon les directrices, moins de sens que «pourquoi seulement maintenant?».
Au-delà de son talent, Tirabosco est emblématique d'une manifestation soucieuse d'un monde plus juste, plus égalitaire. Les dix expositions et les nombreuses animations attestent de cette préoccupation. L'invité d'honneur est la Belgique, un pays qui a beaucoup fait pour la narration figurative, avec l'exposition Pages d’hier, regards d’aujourd’hui de la BD belge qui se concentre sur le bouillonnement créatif caractérisant les deux régions linguistiques de la patrie de Tintin. Ailleurs, le visiteur s'invite en Côte d'Ivoire sur les traces d'Aya de Yopougon et Akissi, deux «superhéroïnes du quotidien». Quant à l'exposition des Métiers de la BD, elle s'intéresse aux coloristes, ces petites mains, souvent féminines, méconnues et pourtant indissociables du plaisir de la lecture.
Troisième dimension
L'humour est à la bande dessinée ce que l'huile est à la sardine; en témoigne Rire en plan(ches): 20 dessinateurs ont relevé le défi lancé par les humoristes de Bon Ben Voilà, série de sketches sur Couleur 3. Cette croisade contre la morosité culminera avec une soirée au Capitole et la projection de Sacré Graal! des Monty Python.
Le dessin est par nature bidimensionnel. Il peut toutefois tâter de la troisième dimension. L'Exposition patrimoniale le démontre à travers quelques artefacts issus du riche fonds du Centre BD de la Ville de Lausanne, tels le bolide du rail de Schuiten sculpté dans le bois ou un présentoir de pin's Globi pour kiosque (alémanique).
Ouvert aux intempéries, au fracas des trains et à la poussière qu'ils soulèvent, le vaste espace qui accueillait l'an dernier Pénélope Bagieu et Les Tuniques bleues est spectaculaire mais peu propice à exposer de précieux originaux. «Quels originaux?» répond malicieusement Gaëlle Kovaliv. Il est vrai que les temps changent et que la sacralisation de l'encre de Chine s'atténue. Nombre d'artistes travaillent aujourd'hui sur tablette graphique et envoient un fichier informatique… Cependant, pour les carnets de Pénélope Bagieu ou les monotypes rehaussés de craie grasse de Tirabosco, on «trouve des solutions du côté de Plateforme 10, on joue avec les espaces», sourit Léonore Porchet.
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