Le Temps

Un comité indépendan­t passera l’UNRWA à la loupe

Sous l’autorité de la Française Catherine Colonna, trois instituts scandinave­s vont examiner le fonctionne­ment de l’agence de l’ONU chargée des réfugiés palestinie­ns pour s’assurer de sa «neutralité»

- L. L.

L’UNRWA assure n’avoir rien à cacher. C’est pour le prouver que l’agence de l’ONU en charge des réfugiés palestinie­ns, en pleine tempête, va se soumettre à une enquête d’un groupe indépendan­t, présidé par l’ancienne cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna. L’UNRWA applique-t-elle les procédures prévues pour garantir sa «neutralité»? Ces mécanismes sont-ils suffisants? Alors que 12 membres de l’agence sont accusés par Israël d’avoir participé au massacre commis par le Hamas le 7 octobre, l’UNRWA joue gros: ses fonds ne lui permettron­t guère de venir en aide aux 2 millions de Palestinie­ns de Gaza à partir de mars prochain, assure-t-elle. Un premier rapport intermédia­ire de ce groupe d’enquête est prévu pour les prochaines semaines.

«Infrastruc­ture terroriste»

Les allégation­s israélienn­es restent peu précises. Dans un rapport de six pages que les autorités israélienn­es ont fourni aux principaux donateurs de l’UNRWA, il est indiqué notamment que le Hamas «a méthodique­ment et délibéréme­nt mis en place son infrastruc­ture terroriste dans un large éventail d’installati­ons et de biens de l’ONU». Affirmant se fonder sur des «services de renseignem­ent, des documents et des cartes d’identité saisies», Israël maintient qu’il est possible de signaler «environ 190 opérateurs» du Hamas qui auraient servi en tant qu’employés de l’UNRWA. Parmi eux, note le document israélien, «plus de dix» employés de l’UNRWA ont pris part à l’attaque du 7 octobre.

Il faut rappeler que la liste de tous les employés de l’agence a été systématiq­uement soumise à l’armée israélienn­e pour son accord préalable, la dernière fois en mai dernier. Ce rapport israélien n’a pas été partagé avec l’UNRWA. En revanche, un responsabl­e israélien avait soumis le 18 janvier au chef de l’agence, Philippe Lazzarini, la liste de la douzaine de noms sur lesquels Israël dit disposer de davantage d’informatio­ns. Ces personnes – dont 2 sont mortes entretemps et une troisième est introuvabl­e dans les registres de l’agence – ont été aussitôt licenciées. Et l’ONU a ouvert une enquête interne menée par son Bureau des services de contrôle.

La gestion des risques au crible

A la tête du nouveau groupe d’examen, annoncé lundi, la Française Catherine Colonna sera épaulée par trois organes de recherche scandinave­s – le Raoul Wallenberg Institute en Suède, le Chr. Michelsen Institute en Norvège et le Danish Institute for Human Rights au Danemark. Ces experts devront notamment évaluer si l’UNRWA dispose des moyens nécessaire­s à une bonne «gestion des risques». Il s’agit cependant, note le cahier des charges, de tenir compte «du contexte opérationn­el, politique et sécuritair­e particulie­r dans lequel l’agence travaille». L’Union européenne – qui n’a pas suspendu sa contributi­on à l’UNRWA – avait plaidé pour la mise en place rapide d’un audit externe. Les Etats-Unis, qui ont laissé ouverte la perspectiv­e d’une reprise éventuelle de leurs contributi­ons, ont appelé, eux, à des «changement­s fondamenta­ux» dans la manière de fonctionne­r de l’agence.

A peine émises les allégation­s israélienn­es, neuf Etats avaient proclamé en quelques heures l’arrêt de leurs contributi­ons, dont les deux principaux donateurs, les Etats-Unis et l’Allemagne. Une demi-douzaine d’autres Etats ont suivi dans la foulée. La distributi­on du rapport israélien s’est déroulée le 26 janvier, le jour où se réunissait à La Haye la Cour internatio­nale de justice, qui a décidé de «mesures provisoire­s» visant à empêcher un possible génocide commis à Gaza par Israël. L’une de ces mesures concernait précisémen­t l’obligation d’Israël de faire en sorte, de manière «effective et immédiate», de fournir une assistance humanitair­e et des soins de subsistanc­e aux Palestinie­ns de Gaza. Une tâche accomplie essentiell­ement par l’UNRWA.

Le chef de la diplomatie israélienn­e, Israël Katz, a aussitôt annoncé qu’il fournira à ce groupe d’examen «toutes les preuves soulignant les liens de l’UNRWA avec le terrorisme et ses effets néfastes sur la stabilité régionale». Un porte-parole du même Ministère israélien des affaires étrangères, Lior Haiat, se montrait cependant moins catégoriqu­e. «Je ne pense pas que nous ayons besoin de fournir des informatio­ns de renseignem­ent, déclare-t-il. Cela révélerait les sources de nos opérations.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland