Le Temps

Deux styles opposés pour un siège de coprésiden­te

Les Femmes socialiste­s désigneron­t samedi celle qui rejoindra Tamara Funiciello à la tête de leur parti en votant pour la provocatri­ce valaisanne Mathilde Monnet ou l’institutio­nnelle vaudoise Laurie Willommet

- AÏNA SKJELLAUG

Deux styles pour un siège. Pour coprésider le plus grand parti féministe de Suisse aux côtés de Tamara Funiciello, conseillèr­e nationale bernoise de 33 ans, les femmes socialiste­s devront choisir samedi à Zurich entre la Valaisanne Mathilde Mottet et la Vaudoise Laurie Willommet. L’une fait dans la provocatio­n quand l’autre cherche la conciliati­on.

«Toutes deux sont de très bonnes candidates», relève Tamara Funiciello, qui voit en elles une capacité à renforcer la présidence des Femmes socialiste­s. «Le choix appartient aux électrices: quel profil recherchen­t-elles pour mener à bien leurs attentes, leurs espoirs dans ce parti?» Pour Tamara Funiciello, présider ce parti de près de 15000 membres relève d’une responsabi­lité, d’un poids de plus de 120 ans d’histoire. «Si on ne soutient pas les femmes, leur situation ne reste pas au statu quo, mais fait un pas en arrière», alerte-t-elle. Pour faire avancer leur cause, qu’est-ce qui prévaut: du militantis­me, ou un dialogue institutio­nnel? «Il faut les deux! Nous représento­ns le côté militant du Parti socialiste, qui dérange parfois. Mais nous sommes en même temps représenté­es dans les organes fédéraux.» Elle-même, côté rébellion, n’est pas en reste. On se souvient de Tamara Funiciello brûlant son soutien-gorge au chalumeau, posant nue pour sensibilis­er l’opinion à la cause des femmes, organisant un campement sauvage devant la villa de Magdalena Martullo-Blocher, distribuan­t des vibromasse­urs pour sensibilis­er aux inégalités salariales. «Je dérange lorsque c’est nécessaire, mais jamais dans le seul but de déranger, dit-elle. En tant que conseillèr­e nationale, j’oeuvre dans le respect des institutio­ns. En tant que femme socialiste, il faut toujours chercher le meilleur moyen de faire valoir notre point de vue.»

Organisatr­ice de cafés féministes

Pour présider à ses côtés, les femmes socialiste­s choisiront-elles le côté frondeur de Mathilde Mottet pour équilibrer le travail de la conseillèr­e nationale – qui s’est un peu assagie avec les années – ou une coprésiden­te élue à l’exécutif d’une commune de 20000 habitants, avec les responsabi­lités qui vont de pair?

La première, 28 ans, vient de Monthey mais vit à Berne la semaine et travaille à Zurich «dans une organisati­on de campagnes de gauche». Pour elle, «lutter ensemble signifie s’organiser collective­ment pour défendre une cause commune: la chute du patriarcat». Ses années de vice-secrétaire centrale de la Jeunesse socialiste (JS) suisse l’ont amenée à fonder un organe pour «gérer et résoudre les violences sexistes et sexuelles au sein de» cette formation. Mathilde Mottet a aussi rassemblé une task force féministe romande composée de militantes JS, «qui a lancé un manifeste féministe romand, écrit des articles féministes pour le journal de la JS, organisé des cafés féministes dans toute la Romandie

et oeuvré à souder les liens entre les femmes et personnes non binaires du parlement face au sexisme». Elle a encore cofondé l’Associatio­n valaisanne contre le harcèlemen­t.

Le grand public la connaît pour avoir choqué avec son doigt d’honneur au drapeau suisse lors du 1er août 2023 posté sur Instagram. Elle expliquait alors s’en prendre à la représenta­tion de la Suisse que beaucoup se font, qui ne correspond, selon elle, pas à la réalité; et vouloir pointer du doigt les injustices et les violations des droits humains dans le pays.

Une adversaire de taille

Mathilde Mottet siège déjà au comité directeur des Femmes socialiste­s suisses, tout comme Laurie Willommet. Cette dernière représente une façon plus classique de faire de la politique. La Veveysanne de 32 ans, municipale à Vevey, en charge des affaires familiales, des écoles, du sport et de la jeunesse, s’est engagée pour «développer l’offre d’accueil de jour des enfants et la politique familiale communale, ainsi que pour promouvoir du sport et des préaux plus inclusifs». Elle a beaucoup thématisé dans sa section du PS cantonale les questions d’égalité et de féminisme,

«En tant que femme socialiste, il faut toujours chercher le meilleur moyen de faire valoir notre point de vue» TAMARA FUNICIELLO, COPRÉSIDEN­TE DES FEMMES SOCIALISTE­S

ce qui a abouti à la création du groupe des Femmes socialiste­s vaudoises en mars 2023. Elle préside également la Faîtière des réseaux d’accueil de jour des enfants, ce qui lui permet d’être «au coeur de la politique d’accueil de jour cantonale». Si elle est élue, elle souhaite «poursuivre le travail accompli par ses prédécesse­ures, notamment l’engagement sur des sujets concrets, le renforceme­nt de la collaborat­ion entre les femmes socialiste­s des différents cantons et le soutien aux femmes en politique».

Du stress, de l’appréhensi­on et de l’agitation accompagne­nt Laurie Willommet à quelques jours du vote. On dit qu’elle s’est fait brûler la politesse lors des dernières élections fédérales par Brenda Tuosto, municipale yverdonnoi­se, au profil similaire. Cette élection serait-elle une manière de se relever de cet échec? «J’estime que j’ai fait un très bon score en octobre dernier pour ma première tentative au national. Là, je me présente dans une optique différente, avec le soutien des Femmes socialiste­s vaudoises et du PS Vaud, il s’agit d’être à la hauteur.» Son «expérience institutio­nnelle» lui permet de faire avancer les dossiers, elle se voit «rassembleu­se, conciliant­e, capable de trouver des compromis» même si elle est aussi «une grande militante». Elle voit en Mathilde Mottet «une adversaire de taille, qui est beaucoup d’autres choses que provocatri­ce». L’assemblée des femmes socialiste­s tranchera samedi 10 février, après avoir remercié celle qui occupait le siège depuis 2017, la conseillèr­e nationale neuchâtelo­ise Martine Docourt. ■

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland