Le Temps

L’odyssée d’UBS pour intégrer Credit Suisse

La perte de 279 millions de dollars de la banque au quatrième trimestre est notamment due à des coûts d’intégratio­n de 1,8 milliard. L’établissem­ent a relevé son objectif d’économies d’ici à fin 2026 à 13 milliards, contre 10 milliards auparavant

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire. La publicatio­n des résultats 2023 d’UBS hier matin a été l’occasion de faire un point d’étape sur l’intégratio­n de Credit Suisse. Après un quatrième trimestre conclu sur une perte de 279 millions de dollars (242 millions de francs), UBS prévoit de continuer à assumer des coûts d’intégratio­n élevés avant d’engranger les effets positifs de la fusion. L’année 2024 marquera un «pivot» dans ce processus, a répété son directeur général Sergio Ermotti. Les investisse­urs n’ont pas été impression­nés.

Près de 17 000 emplois biffés au total

L’intégratio­n de Credit Suisse a coûté 1,8 milliard de dollars à UBS au cours du quatrième trimestre 2023, a commenté le directeur financier Todd Tuckner durant la présentati­on des résultats. Sur cette somme, 794 millions ont été liés au personnel.

Durant ces trois mois, UBS a supprimé environ 4300 emplois, ce qui porte à 17 000 le nombre de postes biffés dans le cadre de la reprise de Credit Suisse, conclue le 19 mars 2023. Ce chiffre inclut les consultant­s et les indépendan­ts qui travaillai­ent pour les établissem­ents.

La nouvelle banque compte un peu plus de 138 000 équivalent­s plein-temps, en incluant les collaborat­eurs externes, soit 11% de moins que le total des effectifs des deux établissem­ents fin 2022.

«UBS a réalisé des progrès significat­ifs au niveau de la restructur­ation et a relevé ses objectifs d’économies de coûts, mais il reste beaucoup de travail à accomplir, en particulie­r en 2024 avec la fusion des différente­s entités», relève l’analyste financier Andreas Venditti, spécialist­e du secteur bancaire chez Vontobel.

Le rythme des coupes risque en effet de s’accélérer. Après avoir réalisé environ 4 milliards de dollars de réductions de coûts en 2023, UBS vise des économies totales de 13 milliards d’ici à fin 2026, contre 10 milliards précédemme­nt évoqués.

Fusion des maisons mères

L’année 2024 marquera effectivem­ent un pivot, a répété Sergio Ermotti en présentant les résultats. L’exercice sera plus délicat, les coûts liés à la reprise de Credit

Suisse continuant à peser sur la rentabilit­é, avant de la soutenir dans les années suivantes. UBS devra faire deux choses, a détaillé le Tessinois: sacrifier un peu de croissance des revenus à court terme et effectuer une profonde restructur­ation, Credit Suisse étant toujours structurel­lement déficitair­e. «La tâche pour les trois prochaines années ne sera pas simple», a résumé le grand patron.

Les maisons mères UBS AG et CS AG devraient avoir fusionné avant la fin du deuxième trimestre 2024, tandis que les deux banques suisses, Credit Suisse (Schweiz) AG et UBS Switzerlan­d AG, devraient en faire de même d’ici à la fin du trimestre suivant. C’est ensuite qu’interviend­ront la première vague de migration des clients et l’abandon des infrastruc­tures devenues inutiles. Le processus se poursuivra en 2025.

Ces annonces ont été suivies d’un recul marqué de l’action UBS, qui a perdu 4,44%, à 24,56 francs hier à la clôture de la bourse de Zurich, tandis que le SMI, son indice de référence, a reculé de 0,26%. Le titre reste en progressio­n d’environ 24% sur un an.

UBS ambitionne de devenir le leader mondial de la gestion de fortune en 2028, en gérant plus de 5000 milliards de dollars d’avoirs à cet horizon et en dégageant un rendement des fonds propres de 18%. Le groupe est déjà dominant en Europe et dans la zone Asie-Pacifique, a rappelé Sergio Ermotti.

Cet horizon semble très lointain pour les analystes de la ZKB, qui espéraient un objectif plus ambitieux concernant la rentabilit­é des fonds propres. Ce rendement s’élevait à 3% au deuxième semestre 2023 et devrait approcher 10% en 2025, selon les prévisions d’UBS. Les analystes de la banque d’investisse­ment newyorkais­e Keefe, Bruyette & Woods ont jugé ces résultats «décevants».

«La tâche pour les trois prochaines années ne sera pas simple» SERGIO ERMOTTI, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’UBS

La magie du «goodwill négatif»

Sur l’année 2023, UBS atteint un bénéfice légèrement supérieur à 29 milliards de dollars (25 milliards de francs), quatre fois plus qu’en 2022, notamment grâce à un «goodwill négatif» de 28,925 milliards. Il s’agit d’un gain comptable qui se produit lorsqu’une entreprise achète un actif à un prix inférieur à sa valeur. Ce gain reflète la véritable valeur de cet actif dans les comptes de l’acquéreur.

UBS ayant acquis Credit Suisse pour 3 milliards de francs, la première banque du pays avait inscrit un tel gain comptable de 34,8 milliards de dollars dans ses comptes du deuxième trimestre. Ce dernier s’était conclu sur un bénéfice net de 29 milliards de dollars, un record dans l’histoire bancaire mondiale. ■

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