Le Temps

Le marché du travail helvétique poursuit sa «normalisat­ion»

Après avoir atteint un plus bas historique, le taux de chômage poursuit sa hausse. L’industrie est en particulie­r affectée et commence à recourir aux réductions d’horaire de travail

- LASSILA KARUTA

Il est encore trop tôt pour parler d’un retourneme­nt. Néanmoins, depuis juin 2023, davantage de personnes sont à la recherche d’un nouveau travail en Suisse: le taux de chômage est passé de 2,3% en décembre à 2,5% en janvier. Quelque 113 175 personnes étaient inscrites auprès des offices régionaux de placement, soit 6316 de plus que le mois précédent, a indiqué hier le Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco).

Malgré cette légère détériorat­ion du marché de l’emploi, le Secrétaria­t d’Etat à l’économie relève que moins de personnes (-9,6%) étaient touchées par le chômage partiel en novembre, les chiffres les plus récents disponible­s. Cet indicateur pourrait cependant connaître un changement de cap, comme le laisse entendre un porte-parole du Secrétaria­t d’Etat à l’économie contacté par Le Temps: «Nous nous attendons à enregistre­r une légère hausse du chômage partiel au cours des prochains mois en raison du ralentisse­ment conjonctur­el observé au niveau mondial. L’industrie et des entreprise­s tournées vers l’exportatio­n sont particuliè­rement affaiblies, notamment à cause de l’appréciati­on du franc par rapport aux autres devises.»

Même son de cloche du côté du KOF, le centre de recherches conjonctur­elles de l’Ecole polytechni­que de Zurich (EPFZ) qui note également un refroidiss­ement de l’économie. Selon l’institut, l’industrie manufactur­ière est en perte de vitesse avec plus de la moitié des entreprise­s ayant participé à une enquête se plaignant d’un manque de demande.

Le Secrétaria­t d’Etat à l’économie souligne toutefois que cette remontée du chômage est en quelque sorte «une normalisat­ion» de la situation après une année ayant été marquée par des niveaux historique­ment bas. Depuis la fin de la pandémie, le marché suisse du travail a été marqué par une pénurie de main-d’oeuvre sans précédent depuis les années 1970.

L’Arc jurassien en première ligne

Certains cantons, à l’instar de Neuchâtel et du Jura, pourraient cependant être davantage touchés par cette détériorat­ion du marché du travail du fait d’un tissu industriel plus étoffé. «Il y a déjà une recrudesce­nce du chômage partiel dans le canton du Jura. Et davantage de sociétés s’adressent à nous pour nous demander des informatio­ns sur ce sujet», confirme Nicolas Ackermann, économiste du Service jurassien de l’économie et de l’emploi. Par ailleurs de plus en plus de sociétés mettent fin à leurs contrats avec des agences de recrutemen­t, leur fournissan­t des employés dits «intermédia­ires», poursuit le spécialist­e.

Les frontalier­s, surreprése­ntés dans le canton, représente­nt en même temps un tampon, qui empêche le chômage de monter drastiquem­ent. «Ayant des emplois à titre temporaire, ils sont les premiers à être licenciés lorsque la marche des affaires d’une société ralentit», rappelle l’économiste.

La particular­ité de cette catégorie de collaborat­eurs vivant notamment en France, c’est qu’ils ne figurent pas par la suite dans les chiffres du chômage du canton, étant donné qu’ils sont domiciliés à l’étranger. Pour pouvoir bénéficier des indemnités liées aux réductions de l’horaire de travail (RHT), le terme officiel pour le chômage partiel, un employeur doit ainsi d’abord mettre fin à sa collaborat­ion avec ses «intermédia­ires».

Le Jura figure parmi les cantons connaissan­t l’un des taux de chômage (4,2%) le plus important en janvier. Uniquement Genève (4,3%) fait moins bien.

Malgré cette avancée du chômage, il est difficile de prédire son évolution au cours des prochains mois. Des effets saisonnier­s et conjonctur­els influençan­t le marché de l’emploi. Selon les prévisions du Secrétaria­t d’Etat à l’économie, davantage de personnes seront à la recherche d’un travail d’ici à la fin de 2024 (2,3%) par rapport à l’année dernière (2%), qui a connu le taux de chômage le plus bas depuis 2001.

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