David Valère se perd sur le difficile chemin vers sa mère
Dans «Plantamour», à voir au Théâtricul, à Genève, le comédien évoque celle qui lui a donné la vie sans lui donner le mode d’emploi. Après un départ en fanfare, le spectacle s’égare
Ne mentons pas, d’autant que la vérité est le thème clé de la soirée. On attendait mieux, bien mieux, de Plantamour, création de David Valère dans laquelle le comédien convoque sa mère pour la questionner sur les raisons qui ont motivé ses décisions éclair. Aux côtés de Safi Martin Yé, dont le visage alterne avec une aisance stupéfiante la jeunesse lumineuse et le grand âge égaré, le comédien incarne son propre rôle, celui d’un fils ballotté par une reine noire de la nuit qui, de Lille à Genève, en passant par la Martinique et Paris, a multiplié les changements de cap et les amants blancs.
L’ennui, c’est qu’après un départ tambour battant, le spectacle s’enlise dans les impasses relationnelles entre la mère et l’enfant. Et comme David Valère est plus à l’aise dans les registres amuseur et bretteur que dans l’expression du tourment intérieur, la proposition dirigée par Céline Goormaghtigh s’étiole là où elle devrait passionner.
N’Dongo et l’homme debout
David Valère, on le connaît pour deux rôles forts qui ont marqué sa carrière. Le dictateur africain fricotant avec un président français dansN’Dongo revient, charge politique réussie de Dominique Ziegler qui a aligné les tournées depuis son avènement, il y a plus de 20 ans. Et le magnifique Un Homme debout, créé en 2009 avec Stéphane Michaud et, lui aussi, abondamment repris depuis – il sera à l’affiche du Théâtricul du 21 au 24 mars prochain. Ou comment le comédien rend en solitaire un hommage flamboyant à ses origines caribéennes et à la négritude chère à Aimé Césaire.
Précisons encore que cet acteur attachant dirige avec enthousiasme une troupe de théâtre universitaire à Genève et assure depuis six ans la cogestion du Théâtricul, à ChêneBourg, avec notamment Yvette Challande, l’âme des lieux.
Des singes aux teckels
C’est dire si on se réjouissait de découvrir la vision scénique de sa vie secouée, qu’il a déjà évoquée dans ce portrait. A savoir, une mère de 17 ans qui le place à 2 mois en nourrice à Lille pour pouvoir travailler et vient le chercher brutalement huit ans après pour l’amener non pas en Martinique, comme le fantasmait David qui rêvait de voir des singes, mais dans le quartier genevois de Champel «où il a plutôt vu des teckels»… Sur la scène du Théâtricul jusqu’au 16 février, c’est donc Safi Martin Yé, magnifique Joséphine Baker il y a trois ans, qui compose cette mère fantasque et mythomane, prétendant être parente des Windsor et avoir lutté pour le Black Power aux EtatsUnis aux côtés d’Angela Davis. La femme-flamme est en revanche moins foudroyante dans l’évocation du père de David. On comprend pourquoi plus tard, lorsqu’elle confie que ce fils est le fruit d’un rapport non consenti.
Echanges frustrants
Dans un décor subtil de Célia Zanghi qui mélange les boiseries rassurantes et le sable sauvage, le spectacle navigue entre le besoin de savoir du fils et l’incapacité de sa mère à formuler des explications claires. Les impasses relationnelles peuvent être une belle matière théâtrale, Beckett l’a prouvé avec ses dialogues suspendus où chaque personnage est enfermé dans ses obsessions.
Mais, dans Plantamour, David Valère n’a pas exploré cette veine métaphysique. Il a plutôt répété des échanges frustrants qui ne débouchent sur aucun résultat probant. Et, heureusement, a rapatrié quelques anecdotes bravaches, comme celle du Steak House, à Genève, où sa mère montre tous ses talents de femme tyran.
A cette enseigne, le début du spectacle au Keur Samba, LA boîte africaine à Paris durant les années Mitterrand est un feu et une fête. Plus de moments incarnés de ce type auraient sans doute offert une meilleure charpente au récit. Une forme de vérité que le narrateur appelle de ses voeux tout au long de la soirée. ■
Plantamour, Théâtricul, Chêne-Bourg, jusqu’au 16 février. Un Homme debout, Théâtricul, Chêne-Bourg, du 21 au 24 mars.