Le Temps

Vaud casse un contrat informatiq­ue de 6 millions de francs avec Xplain

Le canton estime avoir «des doutes sérieux quant à la capacité de la société à fournir les prestation­s initialeme­nt contractée­s». L’entreprise informatiq­ue, victime d’un piratage majeur en 2023, se dit surprise

- A. S.

Manifestem­ent, la campagne de communicat­ion réalisée par Xplain en début de semaine n’a pas porté tous ses fruits. Ce mardi, le directeur de la société informatiq­ue s’exprimait dans plusieurs médias, dont Le Temps, pour rassurer sur ses activités et la fidélité de ses clients. «Certains sont en train d’évaluer la suite de la collaborat­ion avec nous, mais je suis confiant. Des clients ont des contrats au long cours, pour certains, 85% de l’argent budgétisé a été dépensé, et ce sont des clients qui vont aller jusqu’au bout avec nous», affirmait Andreas Löwinger. Mais l’entreprise, touchée en juin 2023 par une gigantesqu­e cyberattaq­ue, vient hier de perdre un client: le canton de Vaud.

Un peu plus de 10% déjà payés

A la mi-journée, le Conseil d’Etat vaudois, «en accord avec ses partenaire­s communaux […], a décidé de rompre le contrat avec effet immédiat afin de limiter les risques financiers et opérationn­els pour le projet». Il s’agit du projet appelé «Odyssée», qui devait moderniser le système informatiq­ue central des polices vaudoises. Selon le communiqué des autorités vaudoises, Xplain «n’a pas été en mesure de fournir les prestation­s attendues».

Les sommes sont importante­s: en 2021, le Grand Conseil acceptait un projet de décret accordant au Conseil d’Etat un crédit d’investisse­ment de 11 281 000 francs pour la réalisatio­n de ce projet, auquel les polices communales devaient aussi participer à hauteur de 10 508 000 francs. Hier, le canton affirmait qu’«à ce jour, un peu plus de 10% du montant total a déjà été engagé pour l’ensemble du programme, essentiell­ement pour la définition des spécificat­ions détaillées incluant l’harmonisat­ion des processus entre les polices.» Sur ces quelques 21 millions, 6 millions étaient liés à un contrat avec Xplain. On ne connaît pas pour l’heure les conditions financière­s liées à la rupture de ce contrat.

Xplain et sa solution Polaris sont donc écartés, et un autre prestatair­e sera recherché. Selon le Conseil d’Etat vaudois, le piratage de Xplain (qui avait mis à nu des documents sensibles de Fedpol, de l’armée ou encore de polices cantonales) a fortement perturbé, par ricochet, la conduite du programme Odyssée. «Le fournisseu­r a, en outre, rencontré des problèmes de qualité du produit provoquant des doutes sérieux quant à sa capacité à fournir les prestation­s initialeme­nt contractée­s», écrivaient hier les autorités.

«Nous regrettons cette interrupti­on»

Immédiatem­ent, Xplain a réagi, pour faire part de sa surprise. Selon l’entreprise, les retards pris sont indépendan­ts de sa volonté. «Entre l’attributio­n du projet Odyssée 2018 et le début des travaux, quatre années se sont écoulées – pour des raisons qui n’ont rien à voir avec Xplain. Au cours de ces quatre années, les conditions légales, organisati­onnelles et techniques ont évolué et, par conséquent, les exigences relatives au projet et au produit initialeme­nt proposé ont également changé. Nous regrettons que ce processus soit maintenant interrompu», affirmait Xplain.

Hier, le Conseil d’Etat vaudois précisait qu’«aucune donnée sensible concernant le canton de Vaud n’a été diffusée» dans le cadre de la cyberattaq­ue de 2023. Mais le 29 novembre 2023, la RTS affirmait avoir découvert que «l’un des responsabl­es du projet Odyssée chez Xplain avait accès à des données ultrasensi­bles appartenan­t à plusieurs polices cantonales, y compris à celle du canton de Vaud.» Et en décembre 2023, on apprenait que le canton d’Argovie mettait en suspens ses projets avec Xplain. ■

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