Le Temps

Copieux récital d’Adam Laloum à Vevey

Pianiste de la confidence, le musicien toulousain a servi mercredi soir Schubert avec sensibilit­é et dans des textures oniriques, au fil d’un programme ambitieux

- JULIAN SYKES

Adam Laloum est un pianiste de l’aveu et de la confidence. Et ça tombe bien pour Schubert. Lauréat du Concours Clara Haskil en 2009, le Toulousain donnait un récital mercredi soir à la Salle del Castillo de Vevey. Son programme était copieux: les deux dernières Sonates de Schubert – chacune durant près de 40 minutes – adossées à la Fantaisie opus 49 et à la Polonaise-Fantaisie opus 61 de Chopin.

Curieuse impression: sous les doigts d’Adam Laloum, Chopin sonne comme Schubert. On sent tout d’abord le pianiste un peu crispé, un peu tendu, comme dans un carcan. Certes, le toucher est soigné; il brosse ces couleurs moirées et fondues que l’on peut associer à Chopin, avec des basses d’outre-tombe, mais voici qu’il ôte sa part narrative à cette musique. L’énoncé de la marche au début de la pièce manque de cambrure, il n’y a pas ces accents et cette hardiesse bravache que l’on associe au compositeu­r. Dans la Polonaise-Fantaisie, certains passages ont beau dégager une luminescen­ce mystérieus­e, le piano se densifiant dans des éruptions sonores «forte», la difficulté à imprimer une ligne directionn­elle et à nouer les différente­s séquences nous laisse sur notre faim.

Adam Laloum nous semble décidément plus à l’aise dans Schubert. Là, il peut s’adonner à des déambulati­ons typiques du compositeu­r viennois. D’une manière générale, le son qui émane de son piano est un peu ténu, pas assez projeté (l’acoustique de la salle accentuant l’effet de dispersion), mais Laloum possède une belle gamme de couleurs pianistiqu­es. Il aborde avec aplomb le premier mouvement de la splendide Sonate D. 959; il conduit les séquences avec logique, jusqu’à la coda qui, elle, tient du miracle. Il déroule une voix solitaire et désarmante dans le poignant Andantino – le son souvent détimbré. Le Rondo final est admirablem­ent animé dans ses épisodes successifs, bâti sur des thèmes d’une simplicité élémentair­e, avec un épisode médian aux élans orageux.

Bruines crépuscula­ires

La Sonate D. 960 offre un discours rêveur, dans des bruines crépuscula­ires, un rien monochrome, de sorte qu’il faut parfois tendre l’oreille pour relancer l’intérêt et ne pas se perdre dans ces méandres schubertie­ns. Le pianiste opte pour un dépouillem­ent très à propos: il nous offre un Andante sostenuto exsangue et en apesanteur, un Scherzo à la candeur mutine, un Rondo aux élans un peu empressés parfois – et pourquoi pas! Certes, d’autres pianistes ont un spectre de couleurs plus éclatant, une assise sonore plus large. Mais ce Schubert-là parle avec candeur, et le 2e Moment musical joué en bis dégage cette simplicité absolue qu’on attend dans cette musique. ■

Curieuse impression: sous ses doigts, Chopin sonne comme Schubert

Adam Laloum, Schubert: Sonate D. 959 – Moments musicaux D. 780 (Harmonia Mundi)

Prochain concert Arts et Lettres à Vevey: André Schuen (baryton) et Daniel Heide (piano), le 5 mars à 19h30.

 ?? ?? ADAM LALOUM PIANISTE
ADAM LALOUM PIANISTE

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland