Le Temps

A Berne, les étudiants élèvent la voix

Le programme de mobilité universita­ire est prévu dans les négociatio­ns avec l’UE, mais son financemen­t n’est pas réglé. Etudiants et parlementa­ires de la gauche et du centre se sont donné rendez-vous vendredi pour une action sur la place Fédérale

- SOPHIE GAITZSCH @s_gaitzsch

Il y a quelques mois seulement, rares étaient ceux qui croyaient encore à une réassociat­ion de la Suisse à Erasmus +, programme européen dont elle avait été exclue en 2014. Politiquem­ent peu audible, le sujet des échanges d’étudiants végétait depuis dix ans dans l’ombre d’Horizon Europe, le partenaria­t pour la recherche et l’innovation de l’UE, clairement prioritair­e pour Berne.

Mais surprise: en décembre dernier, Erasmus +a fait un retour remarqué. Le programme de mobilité estudianti­ne figure dans le projet de mandat de négociatio­n avec l’Union européenne présenté par le Conseil fédéral, actuelleme­nt en consultati­on. «Un pas très étonnant», déclare Gazmendi Noli, coprésiden­t de l’Union des étudiants de Suisse, qui se réjouit du retourneme­nt de situation.

Afin de profiter de ce nouvel élan et d’appeler le Conseil fédéral à s’engager pleinement, étudiants et associatio­ns de jeunesse, accompagné­s par des parlementa­ires de la gauche et du centre, se sont donné rendez-vous ce vendredi pour une action sur la place Fédérale. La date n’a pas été choisie au hasard. Il y a pile une décennie, le 14 février 2014, la Suisse était bannie d’Erasmus après le oui à l’initiative «Contre l’immigratio­n de masse».

Un système parallèle qui n’est plus tenable

«Après la reprise des négociatio­ns à Bruxelles, il faut maintenant poser les jalons de la politique intérieure», a déclaré Nadège Widmer, coprésiden­te de l’UNES. Le Conseil fédéral doit envoyer un signal clair pour faire avancer les négociatio­ns avec l’Union européenne (UE) et garantir la réassociat­ion de la Suisse au programme de mobilité.

«Aujourd’hui, il est clair que la «solution suisse» mise en place après cette exclusion pour que les étudiantes et étudiants puissent continuer de partir à l’étranger est de plus en plus difficile à tenir», insiste Gazmendi Noli. Dans ce système parallèle, les séjours ne reposent pas sur le vaste réseau européen Erasmus, mais sur de laborieux partenaria­ts conclus de manière bilatérale entre établissem­ents. Une situation qui embarrasse les université­s, qui se voient écartées des nouveaux formats de mobilité et des coopératio­ns en matière d’enseigneme­nt développés ces dernières années dans le cadre d’Erasmus +, et qui prétérite les étudiants. Aujourd’hui, même si la mobilité estudianti­ne augmente, elle est bien loin de l’objectif de 20% que la Confédérat­ion s’était fixé. «La Suisse se trouve sur un strapontin», illustrait en septembre dernier Luciana Vaccaro, rectrice de la HES-SO et présidente de Swissunive­rsities.

Un milliard sur sept ans

De son côté, Fabien Fivaz, conseiller national vert (NE) qui a pris la parole lors de la manifestat­ion, souligne qu’il n’y a à ce stade pas de message du Conseil fédéral sur l’associatio­n à Erasmus et sur son financemen­t. «C’est le principal obstacle. Pour Horizon Europe, la planificat­ion et une enveloppe de 6,2 milliards ont déjà été votées en 2020 en prenant en compte plusieurs scénarios. Il faut régler la question d’Erasmus le plus rapidement possible», insiste le parlementa­ire. «Je crains que, face à la situation financière actuelle de la Confédérat­ion, le Conseil fédéral joue la montre, alors qu’il faudrait anticiper, poursuit-il. S’il attend de boucler les négociatio­ns pour élaborer son message, le mettre en consultati­on et le soumettre au parlement, on en aura encore pour deux ans.»

Combien coûterait une réassociat­ion de la Suisse à Erasmus? Le Secrétaria­t d’Etat à la formation l’estime à 1 milliard de francs sur sept ans, soit environ 143 millions de francs par an, indique Fabien Fivaz, qui souligne que ce montant pourrait être amené à augmenter. C’est bien plus que les 60 à 70 millions annuels prévus dans le cadre de la «solution suisse», qui ne porte toutefois que sur la mobilité estudianti­ne, alors que le périmètre d’Erasmus est bien plus important. Au parlement, à l’exception de l’UDC, tous les partis souhaitent une participat­ion au programme européen. ■

«La «solution suisse» actuelle pour la mobilité estudianti­ne est de plus en plus difficile à tenir» GAZMENDI NOLI, COPRÉSIDEN­T DE L’UNION DES ÉTUDIANTS DE SUISSE

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