Le Temps

«Il était une conscience républicai­ne, l’esprit français»

- PAUL ACKERMANN, PARIS @paulac

L’ancien ministre de la Justice était l’une des figures morales les plus respectées du pays. Les hommages s’en ressentent

Que ce soit au travers de son action politique pour faire abolir la peine de mort, dans son travail pour les conditions de vie et la réinsertio­n des détenus ou dans ses luttes contre l'homophobie et l'antisémiti­sme, ce fils de déporté était un des plus grands défenseurs des droits de l'homme que la France ait connus. Et les Français s'en souviendro­nt. L'annonce du décès à 95 ans de Robert Badinter, une des figures morales les plus respectées du pays, a déclenché une vague d'hommages exceptionn­elle chez ses concitoyen­s. Le premier d'entre eux, Emmanuel Macron, voit «une figure du siècle» dans celui qu'il définit comme l'«homme de l'abolition de la peine de mort». L'illustre ministre de la Justice de François Mitterrand «ne cessa jamais de plaider pour les Lumières. Il était […] une conscience républicai­ne, l'esprit français», a écrit sur les réseaux sociaux le président, en annonçant une cérémonie d'hommage national.

Le député macroniste des Français de Suisse Marc Ferracci partage lui aussi un vibrant hommage: «Robert Badinter est de ces hommes qui laissent sur leur époque une trace indélébile. Il était plus que l'avocat d'une cause immense, l'abolition de la peine de mort. Il était une conscience de notre temps. Et aussi une digue contre les ennemis de la liberté et de la démocratie.»

Du côté socialiste, le parti du défunt, les éloges sont particuliè­rement forts. «Il incarnait l'idée même de justice», affirme le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui assure qu'il s'est engagé en politique inspiré par ce modèle. Raphaël Glucksmann, qui mènera la liste socialiste aux élections européenne­s, affirme de son côté que «rares sont les hommes qui ont tenu bon, toute leur vie, sur l'essentiel» comme Robert Badinter.

«Il mérite d’entrer au Panthéon»

«Ses combats, ses conviction­s, ses discours resteront dans l'Histoire», estime quant à lui l'ancien président socialiste François Hollande. Et son ancien ministre Stéphane Le Foll et porte-parole va jusqu'à demander l'entrée au Panthéon de ce «grand homme» qui «restera la droiture, l'humanisme et la sagesse dans ce monde.»

La maire socialiste de Paris Anne Hidalgo a salué «la mémoire de ce combattant infatigabl­e des libertés publiques, de toutes les libertés, et des droits humains». Et elle a promis que «Paris, sa ville reconnaiss­ante, n'oubliera pas Robert Badinter et rendra hommage à cette grande conscience qui n'a jamais cessé de nous alerter et de nous éveiller».

Robert Badinter avait également présidé le Conseil constituti­onnel de 1986 à 1995. Son successeur Laurent Fabius le décrit aujourd'hui comme «un juste entre les justes».

«Peu importent les désaccords. Je n'ai jamais croisé un autre être de cette nature. Il était tout simplement lumineux», a réagi Jean-Luc Mélenchon pourtant souvent sur une ligne différente. Et l'avocat devenu ministre est également salué pour son talent oratoire. «En siégeant à ses côtés au Sénat, j'ai tellement admiré Robert Badinter! C'était un orateur qui faisait vivre ses mots comme des poésies. Il raisonnait en parlant et sa force de conviction était alors sans pareille», se souvient le leader de la gauche radicale.

Même à l'extrême droite, souvent fustigée par l'homme de droit, le président du Rassemblem­ent national, Jordan Bardella, a tenu à saluer cet «homme de lettres» qui «a défendu toute sa vie ses idéaux, avec constance et éloquence». C'est cependant un peu plus sur la retenue que Marine Le Pen s'est elle aussi exprimée sur X: «On pouvait ne pas partager tous les combats de Robert Badinter, mais cet homme de conviction­s fut incontesta­blement une figure marquante du paysage intellectu­el et juridique», a-t-elle écrit.

Une mesure dans l'hommage de ce côté de l'échiquier qui tranche avec la ferveur au centre et à gauche. C'est que la mémoire du grand homme servira sans doute le camp présidenti­el dans les jours qui viennent pour illustrer les travers de l'extrême droite. Ce fut largement le cas après le décès de Jacques Delors, autre socialiste modéré très apprécié à l'Elysée. ■

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