Le Temps

Les divisions habillent Marine Le Pen en favorite

- PAUL ACKERMANN @paulac

L’interminab­le fin de remaniemen­t gouverneme­ntal qui s’est étirée cette semaine en France n’aura pas rassuré les partisans de la stabilité dans l’Hexagone. Sans nécessaire­ment rebattre fondamenta­lement les cartes du paysage politique français, quelques éléments assez spectacula­ires en ont confirmé les perspectiv­es cataclysmi­ques.

Tout d’abord, le coup de sang du leader centriste François Bayrou qui, en soulignant l’absence d’«accord profond sur la politique à suivre» avec Emmanuel Macron, a ouvert une brèche dans le camp présidenti­el déjà très affaibli. L’important allié de la première heure s’est ainsi démarqué et positionné pour l’élection suprême de 2027. Il se profile comme un opposant de l’interne, davantage susceptibl­e de séduire au centre gauche qu’Edouard Philippe, Gabriel Attal, Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire. Cet éclat n’aura au final peut-être pas eu tous les effets escomptés, les propos de François Bayrou ayant été largement minimisés par ses propres députés, puis par le principal intéressé, dans un deuxième temps. Un flop qui le démonétise quelque peu par ailleurs. Mais toujours est-il que la course aux ego et aux calculs est plus que jamais lancée et ne manquera pas de fragiliser davantage au fil des mois un gouverneme­nt français qui n’avait pas besoin de ça.

Ces premières fissures au sein des héritiers du macronisme, surtout du côté de son aile sociale, auraient pu être favorables à une union de la gauche. Mais là aussi, les prises de bec entre radicaux et modérés semblent mener à une forme de division insurmonta­ble.

Simultaném­ent, un sondage de l’institut IFOP pour Valeurs actuelles a marqué les esprits en donnant pour la première fois Marine Le Pen en tête dans un hypothétiq­ue second tour de la prochaine élection présidenti­elle (50% d’intentions de vote face à Edouard Philippe, 51% face à Gabriel Attal). «Avec 36% d’intentions de vote au premier tour, Marine Le Pen réalise la meilleure performanc­e sondagière de sa carrière politique», se réjouit le magazine de la droite dure.

Si le fait de sonder la population aussi loin de l’échéance électorale doit être pris avec d’énormes pincettes, ces chiffres confirment tout de même que les semaines qui passent et les crises qui s’accumulent offrent chaque fois plus de popularité à la patronne de l’extrême droite française. Sa stratégie de modération fonctionne. Elle fait de moins en moins peur. Les élections européenne­s de juin devraient en être la première concrétisa­tion, la liste Rassemblem­ent national caracolant loin en tête des sondages.

Les fissures qui plombent tous les camps politiques français sauf celui de Marine Le Pen semblent donc devoir inéluctabl­ement la mettre dans les habits de favorite pour succéder à Emmanuel Macron. Reste à savoir si la tenue lui convient. Troquer si tôt celle d’opposante incarnant les colères pour celle de présidente en devenir pourrait avoir des effets difficiles à prévoir. ■

La course aux ego et aux calculs est plus que jamais lancée

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