Le procès Pétain ou la France face à la Collaboration
L’historien Julian Jackson restitue les plaidoiries des pro- et anti-maréchal et donne les clés d’un débat qui ne cesse de resurgir
Le 22 octobre 1940, le maréchal Pétain qui, quelques mois plus tôt, a signé l’armistice avec l’Allemagne, rencontre Hitler dans le village de Montoire-sur-le-Loir. La rencontre, immortalisée par une photo qui montre les deux hommes se serrant la main, symbolise parfaitement la question située au centre du Procès Pétain. Vichy face à ses juges de Julian Jackson. Le patriarche de 84 ans, que les circonstances ont placé à la tête de l’Etat français, le héros de Verdun, qui jouit d’une notoriété et d’une popularité considérables, a-t-il ainsi trahi son pays en actant le déshonneur de la France ou, comme le veulent ses défenseurs, a-t-il épargné le pire à celle-ci?
Traître ou protecteur
Cinq ans plus tard, à l’été 1945, se tiendra pendant trois semaines à Paris le procès de cet homme qui prétendait avoir fait don de sa personne à la France, que ses adversaires veulent condamner à mort pour trahison et dans lequel ses partisans continuent à vénérer la gloire de son pays. Julian Jackson, à qui l’on doit une magistrale biographie du général de Gaulle, s’est attaché à retracer l’histoire de ce procès dans un ouvrage remarquable. Non content de resituer avec autant de précision que de talent les circonstances de l’époque et de suivre au jour le jour les différentes parties de ce procès, l’historien anglais complète sa présentation par une centaine de pages consacrées au retentissement de cet événement dans la mémoire des quelque 78 années qui nous en séparent et montre comment la figure de Pétain continue à polariser la vie politique française.
Le procès de Pétain fut – nécessairement – l’occasion d’un retour sur soi de la conscience publique française. A ce titre, il fut l’objet de toutes les passions. La France avait-elle été la simple victime ou la complice de ce qui lui était arrivé? Pétain devait-il être vénéré comme l’homme du sacrifice de soi ou comme le traître opportuniste que beaucoup virent en lui?
Un procès jamais clos
Ce n’est pas le moindre mérite de cet ouvrage que de faire un tableau dépassionné de l’affrontement de ces passions. Julian Jackson sait à merveille recréer aussi bien l’atmosphère de la salle des débats que la personnalité des intervenants. Son sens de la mesure le rend d’autant plus convaincant que sa connaissance des dossiers est impeccable.
Comme l’écrivait à l’époque François Mauriac, «un procès comme celui-là n’est jamais clos et ne finira jamais d’être plaidé». Du moins les lecteurs désireux de se prononcer détiennent-ils désormais toutes les informations nécessaires pour le faire. John E. Jackson
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