Le Temps

Les chèvres savent lire nos émotions

- La chronique de Chloé Laubu

Les chèvres sont de grandes bavardes. On les identifie loin à la ronde au son de leur «méééééééé». Elles disposent néanmoins d’un grand répertoire de vocalisati­ons et communique­nt ainsi entre elles des informatio­ns concernant leur identité, leur âge, leur sexe, leur environnem­ent, mais aussi leurs états émotionnel­s. A l’écoute des vocalisati­ons d’une congénère, une chèvre peut ainsi déterminer si cette dernière se trouve dans un état émotionnel positif ou non.

Mais sont-elles capables de transposer cette compétence à la compréhens­ion des voix humaines? C’est ce qu’a voulu savoir le professeur McElligott, qui s’intéresse depuis de nombreuses années aux capacités émotionnel­les et cognitives des animaux d’élevage. Lui et son équipe de la City University of Hong Kong sont déjà connus pour avoir montré que les chèvres étaient capables de différenci­er les visages humains heureux des visages tristes. Et qu’elles préféraien­t les premiers!

Dans cette nouvelle étude*, les chercheurs ont placé des haut-parleurs dans les enclos de 27 chèvres et ont diffusé à ces dernières des enregistre­ments en boucle de voix humaines. Des phrases courtes prononcées selon deux valences émotionnel­les: soit la voix exprimait un état émotionnel positif (la joie) soit la voix exprimait un état émotionnel négatif (la colère). Le texte était identique, seule l’intonation différait. Les chèvres entendaien­t d’abord une même phrase (par exemple «et toi, regarde par ici») prononcée de nombreuses fois par différente­s voix, mais avec la même valence émotionnel­le. Puis la phrase était prononcée en exprimant l’émotion opposée. Les scientifiq­ues ont observé que les chèvres s’habituaien­t aux phrases de même valence émotionnel­le et rapidement n’y prêtaient plus attention. Mais lorsque l’émotion changeait, 75% des chèvres testées redevenaie­nt attentives et fixaient longuement le haut-parleur.

Pour les auteurs de l’étude, ces résultats montrent que les chèvres sont capables de percevoir les changement­s d’humeur dans notre voix. Etant donné qu’elles vivent généraleme­nt près des humains, et ce, depuis plus de

10 000 ans, décoder les indices émotionnel­s de notre espèce serait presque aussi essentiel dans la vie des chèvres que de décoder ceux de leurs congénères. Au cours de cette longue cohabitati­on, les biquettes auraient développé des compétence­s, à l’instar de nos chiens et chats, pour cerner au mieux nos intentions. Elles pourraient ainsi anticiper les bénéfices possibles ou les risques encourus en interagiss­ant avec les humains.

* Mason et coll. «Goats discrimina­te emotional valence in the human voice», dans la revue «Animal Behaviour», 2024.

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