Petit précis de géo-cinétique psycho-politique
Face à la complexité d’à peu près tout, et pour l’affronter, j’ai cru comprendre que les plus hautes instances de la science et de la recherche misaient beaucoup sur l’interdisciplinarité.Ou, si vous préférez, sur le développement des compétences transversales. Le vocable est raide, mais l’approche est bonne: dans le siècle où tout se mélange, à commencer par l’homme et la machine, mieux vaut savoir un peu croiser les protocoles.
N’étant pas scientifique pour un sou, donc libre de toutes les audaces, je propose ici une science nouvelle: la géo-cinétique psycho-politique. Pour faire quoi? Pour explorer les effets de la rotation du globe terrestre sur l’âme des peuples. Parfaitement. Et postuler une première hypothèse dont je ne suis pas peu fier: nos tropismes politiques pourraient devoir quelque chose à la force de Coriolis.
La force de Coriolis, vous le saviez mais je vous le rappelle, c’est le fameux tourbillon dans la baignoire, qui se vide dans un sens dans l’hémisphère Nord, et dans l’autre dans l’autre. Pour la faire très courte, la force de Coriolis dévie la trajectoire d’un objet quand il se déplace sur un autre objet qui tourne sur lui-même. Par exemple, la Terre. Avec cette conséquence fantastique: au nord de l’équateur et quelle que soit la direction choisie par un objet, il dévie toujours à droite. Et au sud, il tire à gauche. C’est comme ça.C’est vrai pour le vent, c’est vrai pour l’eau, c’est vrai pour tout ce que vous voudrez, même imperceptiblement. C’est tellement organiquement vrai qu’il n’y a aucune raison que ça ne le soit pas aussi pour nous. Un peu, beaucoup, à la folie et parfois pas du tout, la force de Coriolis agit forcément sur nos schémas mentaux, et donc nos choix, individuels ou de société.Quelques indices auraient déjà dû nous mettre sur la piste depuis longtemps. Les Grecs anciens, pour commencer. Quand ils observaient les augures, ils tournaient le dos au sud. Ils avaient donc l’est à droite, et avec lui le lever du soleil. A gauche, ils avaient la nuit. A droite la lumière; à gauche les ténèbres. Dont il fallait se méfier.
Les Romains ont pris le relais, qu’ils ont transmis aux Italiens, et à leur sinistra. Du latin sinister, le mauvais présage. En français ça marche aussi, puisque si la droite est droite, le contraire est logiquement de travers. Et puis comme un feu de paille, l’idée a fini par percoler dans toutes les traditions, jusqu’à forcer de pauvres générations de petits gauchers à rentrer dans le rang des droitiers, celui de la normalité supposée. Notre civilisation penche à droite depuis les siècles des siècles.
Dans quel sens lisons-nous? De gauche à droite. Dans quel sens tourne l’aiguille d’une montre ou d’un chronomètre qu’on déclenche? Vers la droite. Tout comme les vents sous nos latitudes, quand ils fuient les anticyclones. Et qu’essuyons-nous quand quelque chose ne se passe pas comme prévu? Un revers. En politique, c’est pareil. Dès que la pression monte, que les temps se durcissent et que les angoisses l’emportent: à droite toute. La vieille Europe en sait quelque chose, et la Suisse avec elle. Quand le ciel s’obscurcit ou que les perspectives se bouchent, les espoirs de gauche sont systématiquement refroidis par la droite et son réalisme de glace.
Même la vénérable République populaire de Chine n’a plus de gauche que la couleur du drapeau, à l’ère de la concurrence planétaire et du tous contre tous. Et s’il fallait achever de vous convaincre, considérez l’Amérique latine: il n’y a qu’au sud, désormais global, que le souffle de gauche est parvenu à emporter un continent entier hasta la victoria pendant quelques décennies.Il n’y a plus de doute, je crois: la géo-cinétique infléchit bien nos psychés. Mais il en va de Coriolis comme de toutes les inflexions: on peut les suivre ou les refuser. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si d’Einstein à MichelAnge, en passant par Maradona et Aristote, on doit souvent à des génies gauchers d’avoir pris l’ordinaire à contrepied pour chambouler l’ordre établi. Il faut alors en conclure que si le déterminisme a la dent dure, y compris celui qui nous occupe, il n’est jamais qu’un défi lancé par le destin. S’y soumettre ou s’en extraire, telle est la question.
All right?
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Dès que la pression monte, que les temps se durcissent et que les angoisses l’emportent: à droite toute