Le Temps

Las Vegas, le nouveau hub du sport-spectacle

La première finale du championna­t de football américain de l’histoire organisée dans la ville du show et des paris confirme le reposition­nement de «Sin City» comme capitale du sport aux Etats-Unis, courtisée désormais par les grandes ligues américaine­s

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Vue d’Europe, la tenue à Las Vegas du Super Bowl, la grande finale de la saison de football américain qui a opposé dans la nuit de dimanche à lundi les Chiefs de Kansas City aux 49ers de San Francisco, relève de la plus pure logique. Las Vegas est la ville du spectacle, la ville des paris et même «Sin City», la ville du péché. Or le football américain est une passion déraisonna­ble, un sport dangereux, et le Super Bowl un immense show, dont le concert de la mi-temps (le rappeur Usher cette année) est devenu le point d’orgue. L’an dernier, 50,4 millions d’Américains ont parié sur le nom du vainqueur. Malgré tout cela, le Super Bowl vient à Vegas pour la première fois en cinquante-huit ans.

Techniquem­ent, l’Allegium Stadium n’est d’ailleurs pas situé à Las Vegas mais à Paradise, une enclave dotée du statut de «ville non incorporée» qui borde le célèbre Strip et ses casinos. Personne ne s’en formalise car la symbolique demeure. Le Super Bowl s’est joué onze fois à Miami et dix fois à La Nouvelle-Orléans. Sa venue dans le Nevada confirme que Las Vegas est bien devenue une nouvelle capitale du sport américain, un hub mondial du sport-spectacle.

Du hockey sur glace par 35 degrés

La ville est depuis longtemps connue pour ses grands combats de boxe organisés dans les immenses salles de spectacle de ses casinos-hôtels. Lorsqu’il a supplanté le noble art, le MMA a à son tour pris demeure au MGM, au Caesar Palace ou au Mirage. Les quatre grandes ligues majeures de football américain (NFL), basketball (NBA), baseball (MLB) et hockey sur glace (NHL) s’en tenaient néanmoins éloignées comme de la peste. Jusqu’en 2017, Las Vegas ne comptait aucune équipe dans l’une de ces ligues. Les propriétai­res craignaien­t les risques d’une trop grande proximité avec la ville des paris. Ils ne croyaient pas non plus au potentiel de séduction d’une franchise dans cet endroit du monde où les notions de jour et de nuit, de semaine et de week-end n’ont pas grande significat­ion.

Tout a changé en 2017 de la manière la plus improbable qui soit, avec l’implantati­on d’une équipe de hockey sur glace dans ce désert où il peut faire 35 degrés plus de six mois par an. D’emblée, la franchise d’expansion des Golden Knights a rempli la T-Mobile Arena et a atteint la finale de la Coupe Stanley, pour la remporter en juin 2023 après seulement six saisons en NHL, un record.

«Avec le sport, il y a le désir d’élargir la base touristiqu­e en s’éloignant des seuls hôtels et casinos» LINDSAY SARAH KRASNOFF, HISTORIENN­E AMÉRICAINE

En 2017 également, les propriétai­res des équipes de NFL ont accepté le déménageme­nt pour 2020 des Raiders d’Oakland vers Las Vegas, à huit heures de route de là, qui leur mettait à dispositio­n 750 millions de dollars d’argent public pour la constructi­on d’un stade de 65 000 places d’un coût total de 1,7 milliard. A Oakland, les Raiders partageaie­nt le Coliseum avec les Athletics, l’équipe de baseball. Celle-ci déménagera bientôt à Las Vegas. «Les propriétai­res de la MLB ont approuvé la relocalisa­tion des A’s à Las Vegas. Le club devrait ouvrir son nouveau stade pour la saison 2028 sur le site du Tropicana, sur le Strip», a annoncé la franchise le 16 novembre dernier.

Cinq jours plus tôt, Las Vegas avait accueilli un Grand Prix de formule 1, disputé en nocturne, pour la première fois depuis 1982. Reste la NBA, qui pourrait lancer une nouvelle franchise à partir de 2025. Paradoxale­ment, le basket est le sport d’équipe le mieux implanté à Las Vegas, qui a déjà organisé un All Star Game en 2007, accueille une Summer League réputée, compte une franchise de WNBA (féminin) depuis 2018 et a été le théâtre en décembre de la finale de la première NBA-Cup.

Las Vegas est l’une des villes américaine­s avec la plus forte croissance démographi­que, quadruplan­t sa population entre 1980 et 2010, mais aussi l’une parmi les plus durement touchées par la crise financière de 2008. «Elle a dû se réorienter vers de nouveaux marchés. Avec le sport, il y a le désir d’élargir la base touristiqu­e en s’éloignant des seuls hôtels et casinos», expliquait l’historienn­e américaine Lindsay Sarah Krasnoff dans Le Monde en novembre dernier, au moment du Grand Prix de formule 1.

Las Vegas a ainsi changé d’image et de modèle de développem­ent. L’économie locale s’est diversifié­e sur tout le spectre de l’industrie du divertisse­ment. La ville des flambeurs et des prostituée­s est désormais une destinatio­n familiale. Mais elle reste l’endroit où l’on vient «claquer du fric» et les organisate­urs du Super Bowl ne pouvaient pas rester indéfinime­nt insensible­s à cet argument. L’évènement a attiré un total estimé de 330 000 visiteurs durant la semaine, pour des retombées directes d’au moins 600 millions de dollars, selon l’Office du tourisme et des congrès.

Le prix moyen des tickets a été évalué à 9800 dollars, alors que le record en la matière avait été établi à 7046 dollars lors du Super Bowl LV (2021) dans un contexte de restrictio­ns dues au Covid-19. «A Las Vegas, le Super Bowl est un match de trois heures qui se transforme en une semaine complète de festivités. La ville a solidifié sa réputation de capitale du divertisse­ment et le Super Bowl la couronne comme capitale sportive», a estimé Brett Goldberg, le CEO de la société de billetteri­e en ligne TickPick, sur CNN.

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(LAS VEGAS, 11 FÉVRIER 2024/ÉTIENNE LAURENT/EPA) Un supporter de football américain au Mandalay Bay South Convention Center.

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