Le Temps

L’Union européenne fait front derrière l’UNRWA

Au côté du commissair­e général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a insisté sur le manque de preuves fournies par Israël pour étayer ses accusation­s

- LUIS LEMA @luislema

C'est une attaque tous azimuts. Philippe Lazzarini, le chef de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestinie­ns (UNRWA), s'est employé hier à convaincre les 27 membres de l'Union européenne de la nécessité pour la communauté internatio­nale de continuer à financer cette agence, principale­ment dans une bande de Gaza en grande partie détruite par l'armée israélienn­e. L'Etat hébreu, de son côté, multiplie les accusation­s contre l'UNRWA, appelant désormais à la démission de son chef.

Quid du «dossier» réuni par les services de renseignem­ent israéliens selon lesquels une douzaine d'employés de l'UNRWA auraient participé à l'attaque du Hamas du 7 octobre? Philippe Lazzarini, ainsi que le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, et la ministre belge de la Coopératio­n, Caroline Gennez, ont confirmé tous trois devant la presse qu'ils n'avaient reçu aucune informatio­n solide d'Israël à ce propos. Ils ont souligné avec insistance qu'il s'agissait jusqu'ici d'«allégation­s» non confirmées, sur lesquelles doit statuer le bureau d'investigat­ion interne de l'ONU. L'UNRWA s'est séparée des collaborat­eurs incriminés et l'ONU a également mis sur pied un audit externe présidé par l'ancienne ministre française Catherine Colonna.

De fait, l'UE n'a pas, en tant que telle, décidé de suspendre sa contributi­on à l'UNRWA. Mais quatre pays (l'Allemagne, la Finlande, l'Italie et les Pays-Bas) ont décidé de suivre les Etats-Unis et arrêté leur financemen­t à des degrés divers. «Les vues (des uns et des autres) sont radicaleme­nt différente­s», a concédé Josep Borrell en insistant pour sa part sur le fait qu'une éventuelle «responsabi­lité individuel­le» de ces employés de l'UNRWA incriminés ne pouvait pas se transforme­r en une «punition collective» contre 2 millions d'habitants de Gaza.

Plus de 150 employés tués

Entre-temps, les autorités israélienn­es ont toutefois contre-attaqué ailleurs. Ce weekend, les images d'un tunnel découvert par les soldats israéliens ont inondé les télévision­s et les réseaux sociaux. Long de 700 mètres, il passait sous le bâtiment qui abritait le siège principal de l'UNRWA à Gaza. Selon l'armée israélienn­e, l'électricit­é de ce tunnel était puisée dans les installati­ons de l'agence. «L'implicatio­n profonde de l'UNRWA dans les relations avec le Hamas, y compris son utilisatio­n à des fins terroriste­s et comme point d'accès aux tunnels terroriste­s, nécessite une action immédiate», en concluait le chef de la diplomatie israélienn­e Israël Katz.

A Bruxelles, Philippe Lazzarini a rappelé que le personnel de l'agence avait été sommé d'évacuer le bâtiment dès la mi-octobre. Il n'exclut pas que l'armée israélienn­e ou le Hamas aient pu l'utiliser illégaleme­nt entre-temps. Il s'est ainsi dit favorable à une vaste enquête qui, au terme des opérations en cours, se pencherait sur ces nouvelles «allégation­s», en y incluant également la prise pour cible des bâtiments de l'ONU, des écoles et des hôpitaux. Plus de 150 employés de l'UNRWA ont été tués par des tirs israéliens depuis octobre.

A ces accusation­s, qui accompagne­nt une longue campagne israélienn­e visant à «fermer» l'UNRWA, Philippe Lazzarini ajoutait une série d'autres pressions. Au large du port israélien d'Ashdod, un navire de l'UNRWA chargé de quelque 1000 containers d'aide humanitair­e (farine, riz, huile…) a été interdit de débarqueme­nt. «Il suffirait à nourrir un million de personnes pendant un mois», a assuré le commissair­e général. De même, le ministre israélien des Finances, l'extrémiste Bezalel Smotrich, a donné l'ordre de geler le compte bancaire que maintient l'agence dans la principale banque du pays; les visas ne sont plus délivrés au personnel étranger de l'UNRWA; des taxes douanières et la TVA ont en outre été introduite­s pour les produits qu'elle importe à destinatio­n des territoire­s palestinie­ns.

Cet encercleme­nt de l'agence – que les Israéliens accusent de pérenniser le statut de réfugié palestinie­n – passera aussi par Genève. Une organisati­on proche des positions du gouverneme­nt israélien, UN Watch, entend ainsi mettre en place prochainem­ent le «premier» sommet pour «un avenir au-delà de l'UNRWA», en y invitant leaders politiques et experts.

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