Ménager Vladimir Poutine, une constante chez Donald Trump
Le candidat républicain vient d’inviter la Russie à envahir les pays de l’OTAN qui compteraient trop sur Washington pour leur défense. Son admiration envers les autocrates est une constante troublante mais qui s’est normalisée aux Etats-Unis
En 2016, Donald Trump mène une campagne qui s’avérera victorieuse contre Hillary Clinton. «La Russie, si vous écoutez, j’espère que vous pourrez trouver les 30 000 e-mails manquants», lance-t-il, lors d’une conférence de presse le 27 juillet 2016, en référence à la destruction de certains messages par son adversaire démocrate alors en mauvaise posture après avoir utilisé une messagerie privée quand elle était la secrétaire d’Etat de Barack Obama. «Je n’ai rien à faire avec la Russie mais le président Poutine a bien plus de qualités de leadership qu’Obama», ajoutait-il, cajolant déjà l’autocrate russe.
Rétropédalage forcé
Le même jour, établira la justice américaine, des agents russes ont lancé des cyberattaques pour pénétrer dans les serveurs du Parti démocrate et de la campagne d’Hillary Clinton. Ces tentatives seront couronnées de succès. Les e-mails internes, mettant en lumière les dissensions démocrates, diffusés sur internet et promus par la campagne de Donald Trump, contribueront à la défaite d’Hillary Clinton. Lors d’un sommet à Helsinki avec Vladimir Poutine en 2018, Donald Trump, le grand bénéficiaire de cette opération de déstabilisation, disait ne «pas voir de raison» pour laquelle la Russie avait influé sur la campagne électorale, au mépris des informations des services de renseignement américains. Face au tollé, y compris dans son propre camp, le président avait ensuite corrigé ses propos.
«Des gens très bien»
Huit ans après sa première campagne, Donald Trump brouille plus que jamais les repères entre les alliés historiques des Etats-Unis et ses ennemis. Lors d’un meeting électoral samedi à Conway en Caroline du Sud, il s’en est pris aux pays de l’OTAN, accusés de ne pas investir suffisamment dans leur défense et de compter sur les Etats-Unis pour les défendre. Le candidat a relaté une conversation qu’il dit avoir eue quand il était à la Maison-Blanche. Le président d’un «grand Etat» lui aurait «demandé si les Etats-Unis défendraient son pays s’il était envahi par la Russie, même s’il ne payait pas». Donald Trump affirme avoir répondu par la négative. «En fait, je les encouragerais à faire tout ce qu’ils [les Russes] veulent. Vous devez payer vos factures.» La solidarité entre alliés, qui s’engagent à venir au secours d’un Etat membre attaqué, est pourtant le pilier de l’alliance militaire.
Depuis sa marche vers la Maison-Blanche en 2016, Donald Trump n’a cessé d’affirmer son indulgence à l’égard de Vladimir Poutine et d’autres dictateurs. Dans le New Hampshire, le 19 janvier dernier, il attaquait Nikki Haley, sa dernière concurrente pour l’investiture républicaine. Il jugeait son ancienne ambassadrice à l’ONU «pas assez dure, intelligente et respectée pour faire face aux présidents Xi Jinping, Vladimir Poutine ou au maître de la Corée du Nord Kim Jong-un. «Ce sont tous des gens très bien», concluait-il.
Donald Trump prétend pouvoir régler la guerre opposant la Russie et l’Ukraine en «vingtquatre heures»
Donald Trump est aussi farouchement opposé à la poursuite de l’aide militaire américaine à l’Ukraine, bloquée depuis des mois par ses alliés au Congrès. Le candidat républicain se targue au contraire de pouvoir régler la guerre opposant la Russie et l’Ukraine en «vingt-quatre heures». S’il revient à la Maison-Blanche, les Ukrainiens craignent d’être contraints de faire des concessions exorbitantes à l’envahisseur russe. Que cache cette proximité affichée avec Vladimir Poutine? Cette interrogation lancinante avait empoisonné le début du mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche. Finalement, en 2019, le procureur spécial Robert Mueller n’avait pas trouvé de preuve convaincante d’une collusion entre sa campagne et l’opération de déstabilisation menée par les Russes malgré les nombreux contacts de son équipe avec des agents de Moscou. Après cette conclusion, Donald Trump et ses soutiens ont eu beau jeu de dénoncer «un canular russe» destiné à saper sa présidence. Depuis, les mots bienveillants à l’égard de Moscou ne suscitent presque plus d’indignation chez les républicains.
Repli isolationniste
Le Parti républicain est plus que jamais dominé par l’ancien président et sa volonté de remettre en question les alliances traditionnelles de la première puissance mondiale, vues uniquement sous l’angle d’une charge financière trop lourde. Ce repli isolationniste, conforme à sa doctrine de «l’Amérique en premier», rencontre aussi un écho au-delà de l’électorat républicain. Les Américains restent traumatisés par les guerres ruineuses déclenchées après le 11 septembre 2001 et sont de plus en plus sceptiques sur le soutien à l’Ukraine. Ils craignent également d’être entraînés dans une nouvelle guerre au MoyenOrient.
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