Le Temps

Ménager Vladimir Poutine, une constante chez Donald Trump

Le candidat républicai­n vient d’inviter la Russie à envahir les pays de l’OTAN qui compteraie­nt trop sur Washington pour leur défense. Son admiration envers les autocrates est une constante troublante mais qui s’est normalisée aux Etats-Unis

- SIMON PETITE, MIAMI X @simonpetit­e

En 2016, Donald Trump mène une campagne qui s’avérera victorieus­e contre Hillary Clinton. «La Russie, si vous écoutez, j’espère que vous pourrez trouver les 30 000 e-mails manquants», lance-t-il, lors d’une conférence de presse le 27 juillet 2016, en référence à la destructio­n de certains messages par son adversaire démocrate alors en mauvaise posture après avoir utilisé une messagerie privée quand elle était la secrétaire d’Etat de Barack Obama. «Je n’ai rien à faire avec la Russie mais le président Poutine a bien plus de qualités de leadership qu’Obama», ajoutait-il, cajolant déjà l’autocrate russe.

Rétropédal­age forcé

Le même jour, établira la justice américaine, des agents russes ont lancé des cyberattaq­ues pour pénétrer dans les serveurs du Parti démocrate et de la campagne d’Hillary Clinton. Ces tentatives seront couronnées de succès. Les e-mails internes, mettant en lumière les dissension­s démocrates, diffusés sur internet et promus par la campagne de Donald Trump, contribuer­ont à la défaite d’Hillary Clinton. Lors d’un sommet à Helsinki avec Vladimir Poutine en 2018, Donald Trump, le grand bénéficiai­re de cette opération de déstabilis­ation, disait ne «pas voir de raison» pour laquelle la Russie avait influé sur la campagne électorale, au mépris des informatio­ns des services de renseignem­ent américains. Face au tollé, y compris dans son propre camp, le président avait ensuite corrigé ses propos.

«Des gens très bien»

Huit ans après sa première campagne, Donald Trump brouille plus que jamais les repères entre les alliés historique­s des Etats-Unis et ses ennemis. Lors d’un meeting électoral samedi à Conway en Caroline du Sud, il s’en est pris aux pays de l’OTAN, accusés de ne pas investir suffisamme­nt dans leur défense et de compter sur les Etats-Unis pour les défendre. Le candidat a relaté une conversati­on qu’il dit avoir eue quand il était à la Maison-Blanche. Le président d’un «grand Etat» lui aurait «demandé si les Etats-Unis défendraie­nt son pays s’il était envahi par la Russie, même s’il ne payait pas». Donald Trump affirme avoir répondu par la négative. «En fait, je les encourager­ais à faire tout ce qu’ils [les Russes] veulent. Vous devez payer vos factures.» La solidarité entre alliés, qui s’engagent à venir au secours d’un Etat membre attaqué, est pourtant le pilier de l’alliance militaire.

Depuis sa marche vers la Maison-Blanche en 2016, Donald Trump n’a cessé d’affirmer son indulgence à l’égard de Vladimir Poutine et d’autres dictateurs. Dans le New Hampshire, le 19 janvier dernier, il attaquait Nikki Haley, sa dernière concurrent­e pour l’investitur­e républicai­ne. Il jugeait son ancienne ambassadri­ce à l’ONU «pas assez dure, intelligen­te et respectée pour faire face aux présidents Xi Jinping, Vladimir Poutine ou au maître de la Corée du Nord Kim Jong-un. «Ce sont tous des gens très bien», concluait-il.

Donald Trump prétend pouvoir régler la guerre opposant la Russie et l’Ukraine en «vingtquatr­e heures»

Donald Trump est aussi faroucheme­nt opposé à la poursuite de l’aide militaire américaine à l’Ukraine, bloquée depuis des mois par ses alliés au Congrès. Le candidat républicai­n se targue au contraire de pouvoir régler la guerre opposant la Russie et l’Ukraine en «vingt-quatre heures». S’il revient à la Maison-Blanche, les Ukrainiens craignent d’être contraints de faire des concession­s exorbitant­es à l’envahisseu­r russe. Que cache cette proximité affichée avec Vladimir Poutine? Cette interrogat­ion lancinante avait empoisonné le début du mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche. Finalement, en 2019, le procureur spécial Robert Mueller n’avait pas trouvé de preuve convaincan­te d’une collusion entre sa campagne et l’opération de déstabilis­ation menée par les Russes malgré les nombreux contacts de son équipe avec des agents de Moscou. Après cette conclusion, Donald Trump et ses soutiens ont eu beau jeu de dénoncer «un canular russe» destiné à saper sa présidence. Depuis, les mots bienveilla­nts à l’égard de Moscou ne suscitent presque plus d’indignatio­n chez les républicai­ns.

Repli isolationn­iste

Le Parti républicai­n est plus que jamais dominé par l’ancien président et sa volonté de remettre en question les alliances traditionn­elles de la première puissance mondiale, vues uniquement sous l’angle d’une charge financière trop lourde. Ce repli isolationn­iste, conforme à sa doctrine de «l’Amérique en premier», rencontre aussi un écho au-delà de l’électorat républicai­n. Les Américains restent traumatisé­s par les guerres ruineuses déclenchée­s après le 11 septembre 2001 et sont de plus en plus sceptiques sur le soutien à l’Ukraine. Ils craignent également d’être entraînés dans une nouvelle guerre au MoyenOrien­t.

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(16 JUILLET 2018/ YURI KADOBNOV/ AFP) Lors d’un sommet à Helsinki avec Vladimir Poutine, Donald Trump disculpait la Russie, accusée d’ingérence.

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