Le Temps

Les prix du cacao flambent, mais c’est le lait qui inquiète les chocolatie­rs suisses

La politique agricole fédérale et les prix nationaux élevés des produits laitiers et du sucre désavantag­ent les industriel­s locaux vis-à-vis de leurs concurrent­s étrangers, selon Chocosuiss­e

- R. ET.

Les prix du cacao flambent. Ils ont même atteint des niveaux jamais vus cette semaine, à plus de 5800 dollars la tonne, contre environ 2500 dollars un an plus tôt. Des sécheresse­s, qui seraient des conséquenc­es d'El Niño, et des maladies qui frappent les cacaoyers, notamment au Ghana et en Côte d'Ivoire, les deux principaux pays producteur­s.

La situation pourrait durer car les producteur­s de cacao de ces pays ouest-africains manquent d'engrais, une conséquenc­e de la guerre en Ukraine, et il n'y a guère d'autres fournisseu­rs. Les journaux anglo-saxons et les sites spécialisé­s s'en alarment particuliè­rement en ce début d'année car la tendance haussière s'est encore accélérée. La tonne de cacao vaut plus de 1000 dollars de plus que début janvier. En Suisse cela dit, un autre problème préoccupe davantage l'industrie chocolatiè­re.

Rembourser les droits de douane

«Les prix du cacao nous préoccupen­t moins que la politique agricole suisse. La hausse des prix est en effet la même pour tout le secteur dans le monde», indique Thomas Juch, porte-parole de Chocosuiss­e, la Fédération des fabricants suisses de chocolat. Autrement dit, tout le monde est au moins logé à la même enseigne. «Les chocolatie­rs suisses sont par contre confrontés à des prix du lait en poudre et du sucre bien plus élevés que leurs concurrent­s à l'étranger, en grande partie pour des questions politiques, ce qui met en danger les chocolats suisses non pas à long terme mais à moyen terme», affirmet-il.

Le lobbyiste relève que l'industrie sucrière suisse, incarnée par le groupe Sucre Suisse SA, est dans une position de monopole. Elle peut d'autant plus fixer les prix, à la hausse, qu'elle bénéficie de la protection des frontières. «La solution de substituti­on à la loi chocolatiè­re, en vigueur depuis 2019, est certes moins idéale pour notre industrie, mais elle est essentiell­e pour compenser quelque peu la pression des coûts sur notre production en raison de la protection des frontières agricoles», indique Thomas Juch.

La loi chocolatiè­re permettait à la Confédérat­ion de rembourser les droits de douane pour le lait contenus dans les produits tels que le chocolat et d'ainsi compenser les désavantag­es des prix élevés du lait suisse. Le chocolat national est composé de lait en poudre et de sucre du sérail, qui doivent être achetés sur un marché protégé. Une solution de remplaceme­nt, conforme aux règles de l'OMC, a été mise en place mais elle est actuelleme­nt remise en question par les Chambres fédérales à Berne.

«Près des trois quarts des chocolats suisses sont destinés à l'exportatio­n, or, dans certains pays comme l'Allemagne, la sensibilit­é au prix est élevée. En Suisse aussi, les produits étrangers gagnent des parts de marché pour des questions de coûts», signale Thomas Juch. Il cite le cas du chocolatie­r bernois Gysi, qui a fermé ses portes en 2020, et de la maison Pfister Chocolatie­r, qui a délocalisé sa production de Zurich vers la France en 2017.

De l’énergie aux emballages

Le groupe Mondelez a d'ailleurs fait part l'été dernier de son intention de délocalise­r une partie de la production de Toblerone à Bratislava. Ses célèbres triangles au nougat étaient produits depuis un siècle dans le canton de Berne.

Les prix du lait et du sucre sont, avec l'inflation, également plus élevés à l'internatio­nal, tout comme ceux de l'énergie et des emballages. Si bien qu'un grand nombre de chocolatie­rs, suisses ou non, ont annoncé des tarifs en hausse.

En Suisse, les importatio­ns de cacao ont légèrement augmenté l'an dernier (à 142 400 tonnes contre 141 800 en 2022) et les tarifs ont à peine bougé. La hausse mondiale des cours du cacao ne se reflète donc pas (encore) dans les prix des importatio­ns. ■

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