L-QIF, le fonds de placement qui veut apporter rapidité et liberté
La Suisse a officiellement adopté ce véhicule d’investissement inspiré du Luxembourg. Il permettra de lancer plus rapidement de nouvelles stratégies ou de les tester avec des investisseurs qualifiés
Dès le 1er mars, les gérants d’actifs suisses pourront lancer un nouveau type de fonds de placement: le L-QIF. Réservé aux investisseurs qualifiés, ce véhicule doit permettre de mettre plus rapidement sur le marché une stratégie d’investissement, avec très peu de contraintes de gestion. Les modifications législatives nécessaires ont été adoptées le 31 janvier par le Conseil fédéral. Avec ce nouvel outil inspiré du RAIF luxembourgeois, la Suisse espère rattraper un peu de son retard sur le marché des fonds par rapport au grand-duché.
Un L-QIF n’a pas besoin d’obtenir une autorisation de la Finma, le surveillant de la finance suisse. Une annonce devra cependant être effectuée auprès du Département fédéral des finances dans un délai de 14 jours. Pour un fonds réglementé «classique», la procédure d’autorisation accélérée existante en Suisse permet parfois d’obtenir l’aval du régulateur en un mois. Des observateurs soulignent que le processus peut aussi prendre jusqu’à un an.
«La Suisse romande montre un appétit marqué pour ce genre de produit»
GUILLAUME TOFFEL, CONSEILLER JURIDIQUE
Ballons d’essai
«On note un appétit très marqué de l’industrie financière pour ce genre de produit, particulièrement en Suisse romande», note Guillaume Toffel, conseiller juridique senior de l’AMAS, à l’origine du projet de L-QIF. Selon lui, des gestionnaires comptent utiliser le L-QIF pour tester des stratégies, en levant rapidement des capitaux auprès d’investisseurs qualifiés, et éventuellement les transformer en fonds autorisés en cas de succès, avec la possibilité de les ouvrir aux clients de détail. Des avocats sont également intéressés par ce véhicule pour des situations de succession.
Ce dernier point est l’un des principaux changements obtenus durant la longue phase de consultation. Le projet contenait une mention selon laquelle des investisseurs ayant des liens familiaux ne seraient, par nature, pas «indépendants» et ne pourraient donc pas regrouper leurs avoirs dans un placement collectif tel qu’un L-QIF. Ce point n’a pas été repris dans les règles finales.
«C’est vraiment une bonne nouvelle car une des possibilités d’utilisation du L-QIF est de permettre la détention d’actifs pour de grandes familles», enchaîne l’avocat Philipp Fischer. Un exemple simple serait une famille qui détient un immeuble et un portefeuille d’actions. Ce patrimoine peut être difficile à partager en cas d’héritage, alors qu’en plaçant ces actifs dans un placement collectif comme le L-QIF, chaque enfant peut recevoir une part de l’ensemble du patrimoine.
Autre caractéristique, une grande liberté dans les stratégies d’investissement. Le L-QIF prévoit des prescriptions de placement définies de manière large, ce qui signifie que le gestionnaire dispose d’une grande liberté dans les placements qu’il peut effectuer et il n’y a pas d’exigence de diversification. «Le principe de base est un très grand libéralisme; certaines règles fixent un cadre qui peut être comparé à celui qui s’applique aux fonds alternatifs suisses, qui sont soumis à peu de contraintes en
«Ce type de structure est réservé à des investisseurs qualifiés»
PHILIPP FISCHER, AVOCAT
matière de restrictions et techniques de placement.»
«Ces règles limitent par exemple l’effet de levier qui peut être utilisé», observe encore Philipp Fischer, qui souligne qu’avec le L-QIF, «la réglementation favorise l’attractivité de la place financière suisse». Ce type d’outil pourrait aussi être utilisé pour lancer des stratégies de private equity (investissements dans des sociétés non cotées). Les nombreux family offices présents en Suisse pourront également recourir à un L-QIF pour lancer des stratégies personnalisées, via un gérant d’actifs agréé.
Garde-fous présents
Concernant la gestion, les gardefous habituels sont présents: la documentation du fonds doit donner des indications sur la stratégie de gestion et le gérant est tenu de l’appliquer. La direction de fonds doit s’assurer que c’est bien le cas et le fonds doit faire l’objet d’un audit.
La protection de l’investisseur est «certes restreinte dans le cadre d’un L-QIF, mais il ne faut pas oublier que ces structures sont réservées à des investisseurs qualifiés», poursuit Philipp Fischer. On entend par là notamment les professionnels de la finance et les institutionnels, mais aussi les individus fortunés disposant de 2 millions de fortune investissable ou de 500 000 francs et de solides connaissances en finance, ou encore des clients privés ayant conclu un contrat avec un gestionnaire de fortune indépendant.
Mais cela ne signifie pas que le gérant peut faire n’importe quoi, reprend Guillaume Toffel, de l’AMAS: «Si un gestionnaire s’écarte des prescriptions de placement et provoque un dommage pour les investisseurs, ceux-ci ont le droit d’être dédommagés.» ■