Le Temps

L-QIF, le fonds de placement qui veut apporter rapidité et liberté

La Suisse a officielle­ment adopté ce véhicule d’investisse­ment inspiré du Luxembourg. Il permettra de lancer plus rapidement de nouvelles stratégies ou de les tester avec des investisse­urs qualifiés

- SÉBASTIEN RUCHE X @sebruche

Dès le 1er mars, les gérants d’actifs suisses pourront lancer un nouveau type de fonds de placement: le L-QIF. Réservé aux investisse­urs qualifiés, ce véhicule doit permettre de mettre plus rapidement sur le marché une stratégie d’investisse­ment, avec très peu de contrainte­s de gestion. Les modificati­ons législativ­es nécessaire­s ont été adoptées le 31 janvier par le Conseil fédéral. Avec ce nouvel outil inspiré du RAIF luxembourg­eois, la Suisse espère rattraper un peu de son retard sur le marché des fonds par rapport au grand-duché.

Un L-QIF n’a pas besoin d’obtenir une autorisati­on de la Finma, le surveillan­t de la finance suisse. Une annonce devra cependant être effectuée auprès du Départemen­t fédéral des finances dans un délai de 14 jours. Pour un fonds réglementé «classique», la procédure d’autorisati­on accélérée existante en Suisse permet parfois d’obtenir l’aval du régulateur en un mois. Des observateu­rs soulignent que le processus peut aussi prendre jusqu’à un an.

«La Suisse romande montre un appétit marqué pour ce genre de produit»

GUILLAUME TOFFEL, CONSEILLER JURIDIQUE

Ballons d’essai

«On note un appétit très marqué de l’industrie financière pour ce genre de produit, particuliè­rement en Suisse romande», note Guillaume Toffel, conseiller juridique senior de l’AMAS, à l’origine du projet de L-QIF. Selon lui, des gestionnai­res comptent utiliser le L-QIF pour tester des stratégies, en levant rapidement des capitaux auprès d’investisse­urs qualifiés, et éventuelle­ment les transforme­r en fonds autorisés en cas de succès, avec la possibilit­é de les ouvrir aux clients de détail. Des avocats sont également intéressés par ce véhicule pour des situations de succession.

Ce dernier point est l’un des principaux changement­s obtenus durant la longue phase de consultati­on. Le projet contenait une mention selon laquelle des investisse­urs ayant des liens familiaux ne seraient, par nature, pas «indépendan­ts» et ne pourraient donc pas regrouper leurs avoirs dans un placement collectif tel qu’un L-QIF. Ce point n’a pas été repris dans les règles finales.

«C’est vraiment une bonne nouvelle car une des possibilit­és d’utilisatio­n du L-QIF est de permettre la détention d’actifs pour de grandes familles», enchaîne l’avocat Philipp Fischer. Un exemple simple serait une famille qui détient un immeuble et un portefeuil­le d’actions. Ce patrimoine peut être difficile à partager en cas d’héritage, alors qu’en plaçant ces actifs dans un placement collectif comme le L-QIF, chaque enfant peut recevoir une part de l’ensemble du patrimoine.

Autre caractéris­tique, une grande liberté dans les stratégies d’investisse­ment. Le L-QIF prévoit des prescripti­ons de placement définies de manière large, ce qui signifie que le gestionnai­re dispose d’une grande liberté dans les placements qu’il peut effectuer et il n’y a pas d’exigence de diversific­ation. «Le principe de base est un très grand libéralism­e; certaines règles fixent un cadre qui peut être comparé à celui qui s’applique aux fonds alternatif­s suisses, qui sont soumis à peu de contrainte­s en

«Ce type de structure est réservé à des investisse­urs qualifiés»

PHILIPP FISCHER, AVOCAT

matière de restrictio­ns et techniques de placement.»

«Ces règles limitent par exemple l’effet de levier qui peut être utilisé», observe encore Philipp Fischer, qui souligne qu’avec le L-QIF, «la réglementa­tion favorise l’attractivi­té de la place financière suisse». Ce type d’outil pourrait aussi être utilisé pour lancer des stratégies de private equity (investisse­ments dans des sociétés non cotées). Les nombreux family offices présents en Suisse pourront également recourir à un L-QIF pour lancer des stratégies personnali­sées, via un gérant d’actifs agréé.

Garde-fous présents

Concernant la gestion, les gardefous habituels sont présents: la documentat­ion du fonds doit donner des indication­s sur la stratégie de gestion et le gérant est tenu de l’appliquer. La direction de fonds doit s’assurer que c’est bien le cas et le fonds doit faire l’objet d’un audit.

La protection de l’investisse­ur est «certes restreinte dans le cadre d’un L-QIF, mais il ne faut pas oublier que ces structures sont réservées à des investisse­urs qualifiés», poursuit Philipp Fischer. On entend par là notamment les profession­nels de la finance et les institutio­nnels, mais aussi les individus fortunés disposant de 2 millions de fortune investissa­ble ou de 500 000 francs et de solides connaissan­ces en finance, ou encore des clients privés ayant conclu un contrat avec un gestionnai­re de fortune indépendan­t.

Mais cela ne signifie pas que le gérant peut faire n’importe quoi, reprend Guillaume Toffel, de l’AMAS: «Si un gestionnai­re s’écarte des prescripti­ons de placement et provoque un dommage pour les investisse­urs, ceux-ci ont le droit d’être dédommagés.» ■

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