Le Temps

«Nous témoignons aux ultras un respect dont ils n’ont pas l’habitude»

Malgré le déclenchem­ent d’un imposant feu d’artifice en fin de match, Billy Warpelin, le responsabl­e sécurité d’Yverdon Sport, estime que tout s’est bien passé dimanche lors de la venue de Servette. Une habitude pour ce club qui croit au dialogue avec les

- PROPOS RECUEILLIS PAR L. F.

Depuis le 1er juillet 2023, Billy Warpelin est le responsabl­e sécurité d’Yverdon Sport, un poste à mi-temps imposé par la Swiss Football League (SFL) aux clubs profession­nels. Cet ancien gendarme dit avoir «pris assez de cailloux à la sortie des matchs» pour juger inefficace la politique de répression des supporters, notamment ceux en déplacemen­t. Persuadé que «la sécurité peut rapprocher les gens» plutôt que de les opposer, il prône le dialogue et le respect «avec le soutien de la direction d’Yverdon Sport et le regard bienveilla­nt de la SFL», nous explique-t-il par téléphone au lendemain de la victoire d’Yverdon sur Servette (2-1).

Comment s’est passé cet Yverdon-Servette de votre point de vue? Le match s’est déroulé comme prévu et les ultras genevois ont respecté les recommanda­tions pour que tout se passe au mieux. Le dialogue avec eux a été très constructi­f.

Comment avez-vous préparé leur venue? Nous avons entamé des discussion­s lors du match aller le 27 janvier dernier à Genève. En début de semaine, nous leur avons adressé une plaquette leur montrant et leur expliquant les détails de leur visite. Il est important qu’ils sachent ce qui les attend car l’inconnu crée de la tension. Nous leur avons aussi présenté notre ligne de conduite, basée sur la confiance et le dialogue. Les Alémanique­s ne disent pas «visiteurs» mais «Gäste», «invités». Je dis toujours que les ultras ne sont pas nos ennemis. Il y a en leurs rangs des c… mais comme partout. Ce qui est très intéressan­t avec eux, c’est qu’ils ont des valeurs et une structure. On peut échanger, on peut prendre des engagement­s mutuels. Ils s’y tiennent et s’il y a un problème, ils le règlent souvent en interne.

En fin de match, les ultras servettien­s ont actionné un imposant feu d’artifice à l’aide d’objets pyrotechni­ques interdits. N’est-ce pas un échec pour vous? Il est impossible d’intercepte­r tous les fumigènes, même les clubs qui pratiquent des fouilles sévères n’y arrivent pas. Lorsque nous avons vu à la vidéo qu’ils faisaient rentrer un carton, remplis probableme­nt d’engins pyrotechni­ques, le noyau dur des ultras était déjà à l’intérieur du stade. Que faire? Le but n’est pas de créer une émeute. Alors on a fait venir six personnes du service sanitaire prêtes à intervenir et on a demandé aux supporters de tenir éloigné les enfants et d’éviter de trop approcher les flammes du filet à ballons que l’on venait d’installer.

«La sécurité est là mais la présence policière très peu visible. Ça désamorce tout de suite toute tension»

N’ont-ils pas abusé de votre confiance? L’usage de la pyrotechni­e est un vaste débat, qui ne se réglera pas à mon niveau de responsabl­e sécurité d’Yverdon Sport. Pour eux, c’est culturel. On peut trouver que c’est joli à voir, mais ils utilisent des produits très dangereux – rappelons qu’à la base, ce sont des feux de détresse à l’usage des marins conçus pour ne pas s’éteindre dans l’eau – et qui dégagent une fumée très nocive. Avec nos supporters, on a proposé d’utiliser des produits de substituti­on mais comme ils sont légaux, ça ne les intéresse pas… Alors on met à dispositio­n extincteur, couverture antifeu, sable, et on poursuit le dialogue. C’est un jeu de patience… Mais les Servettien­s ont tenu compte de nos demandes: lundi matin, on m’a informé que notre filet est nickel. Pas une brûlure.

La montée en Super League d’Yverdon et de son petit stade à l’ancienne laissait craindre des problèmes avec les supporters adverses qui ne se sont encore jamais produits… Et nous avons reçu Bâle, Zurich, Lucerne, Saint-Gall, Young Boys. Il n’y a jamais eu de problème, même quand ceux du FC Zurich ont débarqué à 1500 pour occuper la tribune latérale [en protestati­on contre les sanctions collective­s et les fermetures de virages]. Nous leur témoignons un respect dont ils n’ont pas l’habitude. Aux fans bâlois qui vont venir le 24 février, nous allons annoncer que depuis leur dernière visite, nous avons coupé les pointes des grilles, comme ils le demandaien­t. Le message est: nous n’avons pas peur de vous, nous avons confiance. La sécurité est là mais la présence policière très peu visible. Ça désamorce tout de suite toute tension. Vous pouvez vous battre avec deux rangées de policiers casqués mais pas contre deux types qui vous souhaitent la bienvenue avec le sourire. On joue sur la confiance et la communicat­ion, en disant clairement aux ultras ce que nous faisons et comment. Cela a l’avantage de les renvoyer à leurs responsabi­lité: si ça part en sucette, ce sera uniquement de leur faute. ■

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