Le Temps

Trouver les fonds pour doper sa défense, un casse-tête allemand

Les menaces de Donald Trump accentuent la pression relative à une mise à niveau de la Bundeswehr. Berlin s’interroge sur le financemen­t de mesures sur le long terme

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN

Olaf Scholz se montre rarement offusqué. Or lundi 12 février, en fin de journée, le chancelier allemand n’a pas caché son indignatio­n face aux récents propos de Donald Trump sur l’OTAN. «La promesse de protection de l’OTAN est valable sans restrictio­n: tous pour un, un pour tous» a rappelé Olaf Scholz. «Et permettez-moi de parler clairement: en raison de l’actualité, tout relativism­e de la garantie d’assistance de l’OTAN est irresponsa­ble et dangereux. Cela ne sert que les intérêts de la Russie», a ajouté le chancelier.

Pour Berlin, pas question toutefois de se sentir pointé du doigt par Donald Trump lorsqu’il affirme ne pas vouloir protéger un pays d’une attaque russe si celui-ci n’a pas «payé ses dettes» envers l’OTAN. En clair, si ce pays ne consacre pas 2% de son PIB à la défense, ce qui est le cas de l’Allemagne. L’an dernier, selon des chiffres de l’OTAN, Berlin n’a dépensé qu’1,57% de sa richesse nationale au secteur militaire.

52 milliards d’euros

Or cette fois, Olaf Scholz l’assure: «L’Allemagne dépensera 2% de son PIB pour les besoins de l’OTAN dès cette année et elle le fera pour toujours». «L’Allemagne aura certaineme­nt les dépenses de défense les plus élevées d’Europe. C’est une augmentati­on considérab­le par rapport à ce qui était investi auparavant» a-t-il précisé. Cette année, le budget allemand de la défense atteindra les 52 milliards d’euros auxquels s’ajoutent 20 milliards issus du fonds spécial destiné à remettre à niveau la Bundeswehr. Symbole du «changement d’époque» (Zeitenwend­e) annoncé par Berlin, un fonds de 100 milliards d’euros avait été annoncé par Olaf Scholz en février 2022, dans la foulée de l’invasion russe en Ukraine.

Si le chancelier et son ministre des finances Christian Lindner affirment que l’objectif des 2% est assuré sur la durée, les doutes planent toutefois, notamment au regard de la récente crise budgétaire qui a poussé l’ensemble des ministères à faire des économies. Que se passera-t-il lorsque les 100 milliards du fonds spécial seront dépensés, à partir de 2027? Comment trouver les fonds nécessaire­s pour financer la Bundeswehr, tout en respectant la fameuse règle du frein à l’endettemen­t qui limite tout nouveau crédit? Impossible, estime le député social-démocrate Andreas Schwarz. Ce spécialist­e des questions de défense propose ainsi de dispenser les dépenses liées à la défense et à la protection civile d’obéir au frein à l’endettemen­t.

Complexe militaro-industriel

Dans l’opposition, l’élu chrétien-démocrate Roderich Kiesewette­r lance une autre piste: relever à 300 milliards d’euros l’actuel fonds spécial destiné à la défense. Cette question du financemen­t se pose avec d’autant plus d’acuité que le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a récemment jugé l’Allemagne «incapable de combattre». Cette semaine, l’inspecteur général de la Bundeswehr, le général Carsten Breuer, a de son côté estimé à «cinq à huit années» le temps nécessaire pour que l’Allemagne soit «capable de combattre», au regard du «potentiel de menace militaire émanant de la Russie».

Berlin s’interroge aussi sur l’avenir du soutien militaire envers l’Ukraine, surtout si le républicai­n Donald Trump devait être élu à la Maison-Blanche en novembre. «Les Etats-Unis et tous les pays européens doivent faire encore plus pour soutenir l’Ukraine. Les promesses faites jusqu’à présent ne suffisent pas. La puissance de l’Allemagne seule ne suffit pas», a rappelé Olaf Scholz, dont le pays est le deuxième contribute­ur à l’effort militaire de Kiev après Washington. Le chancelier a suggéré que les Etats européens regroupent leurs commandes d’armes pour aider l’industrie à respecter ses engagement­s à long terme. Une idée reprise par son ministre de l’Economie, l’écologiste Robert Habeck, pour qui «les 27 pays de l’UE ont encore chacun leur propre industrie de l’armement et trop peu de projets communs». «Nous devons nous battre pour la compétitiv­ité de l’Europe dans le monde […] Cela inclut explicitem­ent le complexe militaro-industriel», estime Robert Habeck.

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