Une minorité de républicains maintient l’espoir d’une aide militaire à Kiev
Le Sénat américain a voté lundi 95 milliards de dollars pour soutenir les alliés de Washington, principalement l’Ukraine. Vingt-deux élus républicains ont défié la majorité de leur parti alignée derrière Donald Trump qui bloque ce compromis à la Chambre des représentants
«Nous devons être du côté du monde libre», a argumenté hier à l’aube le sénateur républicain de Caroline du Nord Thom Tillis, haranguant ses collègues en faveur d’une aide de 95,3 milliards de dollars pour les alliés des Etats-Unis, dont 60 milliards pour l’Ukraine, le volet le plus controversé à Washington. Vingt et un autres élus républicains se sont alliés aux démocrates pour approuver cette loi (au total 70 voix contre 29). Ce paquet comprend une aide à Israël et à Taïwan ainsi qu’une augmentation des aides humanitaires, y compris aux Palestiniens, mais pas par le biais de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dont certains employés sont accusés par Israël d’avoir participé au massacre du 7 octobre.
Pour entrer en vigueur, ce compromis doit maintenant être approuvé par la Chambre des représentants à majorité républicaine. Mais elle refuse de s’en saisir. Ce blocage illustre les profondes divisions du Parti républicain entre une aile traditionnelle, attachée au rôle international des Etats-Unis, et une majorité isolationniste rangée derrière Donald Trump. En position de force pour être le candidat du parti à la présidentielle de novembre, l’ancien président veut mettre fin à la guerre en Ukraine en «vingt-quatre heures» et considère que le soutien américain prolonge le conflit.
Le vote de défiance des sénateurs républicains ressemble à un baroud d’honneur face au trumpisme triomphant. «Nous sommes une nation exceptionnelle et nous sommes un repère pour les espoirs de démocratie dans le monde, a plaidé le sénateur Thom Tillis. Si nous nous retirons, qui va remplir ce vide? Vous aurez de la peine à trouver une autre nation aussi puissante et capable que les Etats-Unis, malgré tout le respect que j’ai pour nos amis de l’OTAN. Si nous nous détournons, vous verrez que l’alliance soutenant l’Ukraine va s’effondrer, et en fin de compte, la Chine en sera renforcée.»
Parmi ces élus républicains, on trouve aussi le vieux leader de la minorité républicaine au Sénat. Mitch McConnell, 81 ans, est de plus en plus la cible des partisans de Donald Trump. Certains des sénateurs qui ont soutenu les milliards pour l’Ukraine sont d’anciens militaires. La plupart d’entre eux siègent de longue date, soulignant une fracture générationnelle sur le rôle historique des Etats-Unis dans le monde. Ces élus mettent aussi en avant les retours sur investissements des aides militaires accordées aux alliés des Etats-Unis, car elles servent avant tout à fabriquer des armes sur le sol américain.
Tyrannie de la minorité
Le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, un proche de Donald Trump, ne l’entend pas de cette oreille. Avant même le vote d’hier, il avait prévenu qu’il n’était pas question de se saisir de cette loi. «Il faut sécuriser d’abord notre frontière [avec le Mexique, ndlr] avant d’envoyer de l’aide supplémentaire à travers le monde», a-t-il réclamé.
Pourtant, le troisième personnage de l’Etat s’était opposé la semaine dernière à un compromis négocié depuis des mois pour freiner l’afflux de migrants sans précédent depuis le Mexique. Ce projet, accusé par la droite de ne pas fermer hermétiquement la frontière, avait été torpillé par Donald Trump. Le président Joe Biden reproche aux républicains de ne pas vouloir régler la crise migratoire pour pouvoir continuer de l’instrumentaliser jusqu’aux élections de novembre.
Paradoxalement, il est probable que l’aide à l’Ukraine trouverait une majorité aussi à la Chambre des représentants avec le soutien des démocrates et de républicains dissidents. Mais seul le «speaker» Mike Johnson a le pouvoir de mettre des lois au vote. Une disposition permet de contourner cet obstacle mais la barre est située très haut. D’autant que les voix de l’aile gauche du Parti démocrate, opposée à la poursuite d’une aide inconditionnelle à Israël en raison du carnage à Gaza, pourraient faire défaut. Donald Trump, lui, a une autre idée: ne plus aider les alliés des Etats-Unis mais leur accorder des prêts.
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«Nous sommes un repère pour les espoirs de démocratie dans le monde. Si nous nous retirons, qui va remplir ce vide?»
THOM TILLIS, SÉNATEUR RÉPUBLICAIN DE CAROLINE DU NORD