Le Temps

Quel dégât pour la réputation de la Suisse?

Relayée par les grandes agences de presse, l’affaire du panneau à caractère antisémite placardé à Davos a eu un retentisse­ment internatio­nal

- FRÉDÉRIC KOLLER @fredericko­ller

«Nous observons cela avec attention», explique Alexandre Edelmann, le directeur ad interim de Présence Suisse. Cela? Lundi, la presse alémanique reproduisa­it la notice d’un restaurate­ur de Davos indiquant en hébreu que son matériel de ski n’était plus à louer pour les «frères juifs» après une série «d’incidents très ennuyeux», y compris un vol. Alertée, la Fédération suisse des communauté­s israélites (FSCI) dépose alors plainte «pour infraction­s à la norme pénale contre le racisme». De son côté, la police cantonale des Grisons ouvre une enquête pour soupçon de «discrimina­tion et incitation à la haine». L’après-midi même, le restaurate­ur présente ses excuses via une vidéo diffusée sur Blick. ch et retire la pancarte. Il explique avoir eu des problèmes «avec seulement une petite partie des clients juifs» et ne veut «pas mettre tout le monde dans le même panier».

Aucun commentair­e

Entre-temps, l’informatio­n est reprise par les grandes agences de presse, AFP en France, AP aux Etats-Unis et Keystone-ATS donnant à l’incident un retentisse­ment internatio­nal en associant Davos et la Suisse à une pancarte antisémite. «L’affaire est importante et grave par ce qu’elle révèle de la nature humaine dans un climat déjà lourd où tous les voyants sont au rouge s’agissant des recensemen­ts d’actes antisémite­s dans le monde», réagit Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la Coordinati­on intercommu­nautaire contre l’Antisémiti­sme et la Diffamatio­n (Cicad), qui redoute les répercussi­ons pour l’image de la Suisse. Il en veut pour preuve la reprise de ces dépêches d’agence dans les médias des pays voisins et anglo-saxons. Hors d’Europe, le média officiel russe Russia Today a aussi relayé l’informatio­n en évoquant un «énorme scandale».

«C’est significat­if, mais le volume et la tonalité des articles à l’étranger sur ce sujet ne constituen­t pas à ce jour une crise d’image», tempère Alexandre Edelmann dont les services réalisent une revue de presse sur les articles consacrés à la Suisse dans les médias internatio­naux. Le directeur ad interim souligne que l’informatio­n a été reprise de manière factuelle, avec la réaction des autorités, et n’a suscité aucun commentair­e. «Nous n’avons pas identifié de texte d’opinion soulignant un lien particulie­r entre la Suisse, Davos et l’antisémiti­sme sur la base de cet incident, y compris en Israël.» Aucune référence non plus au fait que la station accueille chaque année le Forum économique mondial. On est très loin de la couverture de la faillite de Crédit Suisse ou du refus du Conseil fédéral d’autoriser la réexportat­ion d’armes suisses vers l’Ukraine, les deux faits majeurs ayant eu une incidence sur l’image de la Suisse en 2023. Présence Suisse rendra son rapport annuel en mars prochain.

«La tonalité des articles à l’étranger ne constitue pas à ce jour une crise d’image»

ALEXANDRE EDELMANN, DIRECTEUR AD INTERIM DE PRÉSENCE SUISSE

Appel à la minorité silencieus­e

Les Alpes grisonnes n’en sont pas à leur premier acte discrimina­toire envers les juifs. En 2017, un hôtel d’Arosa priait ses «clients juifs, femmes, hommes et enfants, de prendre une douche avant et après la baignade». Une affaire qui avait eu un écho internatio­nal plus important, note Alexandre Edelmann, en particulie­r en Israël. En septembre dernier, le directeur de l’Office du tourisme de Davos se plaignait dans deux interviews du comporteme­nt des juifs orthodoxes. Chaque été, plus de 4000 d’entre eux se retrouvent dans la station. «Une partie de ce groupe d’hôtes a sensibleme­nt du mal à respecter les règles de la vie en commun», déplorait alors Reto Branschi dans la Davoser Zeitung.

Face à cette multiplica­tion d’incidents, le secrétaire général de la FSCI, Jonathan Kreutner, lançait hier dans la Jüdische Allgemeine «Un appel à la majorité silencieus­e de Davos». «L’idée qu’au coeur de l’Europe du XXIe siècle, des services soient refusés à des personnes simplement parce qu’elles sont juives est insupporta­ble. Beaucoup se demandent si Davos a un problème d’antisémiti­sme», écrit-il. Reto Branschi expliquait lundi à l’agence Keystone-ATS qu’«en tant qu’organisati­on touristiqu­e, nous sommes en contact avec toutes les parties et essayons de faciliter le dialogue». Il déplorait la «formulatio­n très malheureus­e» du restaurate­ur dont il se distanciai­t. Tout en précisant, à propos d’une «partie des hôtes juifs orthodoxes» qu’elle «se comporte parfois de manière très irrespectu­euse envers les hôtes et autres prestatair­es de services».

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland