Le Temps

Un frein aux velléités dirigistes des syndicats policiers

Le Tribunal fédéral a rejeté un recours déposé contre un règlement du Conseil d’Etat visant à créer quatre unités au sein de la nouvelle grande gendarmeri­e. Les syndicats estimaient qu’ils auraient dû encore être consultés et que ces dispositio­ns violaien

- FATI MANSOUR @fatimansou­r Arrêt 8C_367/2023, du 12 janvier 2024

Fin de partie pour les syndicats de la police genevoise dans leur combat contre un règlement du Conseil d’Etat visant à créer quatre unités au sein du nouveau corps de gendarmeri­e ainsi qu’un poste de commandant adjoint. Dans un arrêt, daté du 12 janvier dernier et mis en ligne récemment, le Tribunal fédéral douche leurs derniers espoirs en rejetant intégralem­ent le recours. Une page de ce psychodram­e, qui aura marqué la fin de la dernière législatur­e, est tournée. Demeure la question sensible de la formation des agents qui va encore certaineme­nt faire des vagues.

Consultati­on pas nécessaire

Rappelons le contexte politique de cette querelle. Le 3 novembre 2022, le Grand Conseil votait une réforme organisati­onnelle afin de ressuscite­r une police composée de deux corps, à savoir la gendarmeri­e et la police judiciaire. Les syndicats, qui avaient fomenté, poussé et soutenu ce changement, afin de revenir à l’ancienne formule d’avant la «loi Maudet» de 2016, pouvaient crier victoire. Mais c’était compter sans un règlement, adopté dans la foulée par l’exécutif, sur propositio­n de l’ancien conseiller d’Etat Mauro Poggia, qui subdivisai­t cette nouvelle grande gendarmeri­e en quatre unités opérationn­elles.

S’estimant court-circuités et dénonçant des dispositio­ns réglementa­ires contraires à la volonté du législateu­r, l’Union du personnel du corps de police (UPCP) et le Syndicat de la police judiciaire (SPJ), ainsi que leurs présidents respectifs, tous représenté­s par Me Romain Jordan, avaient saisi la Chambre constituti­onnelle de la Cour de justice genevoise. Sans succès. Leur recours devant le Tribunal fédéral connaît le même triste sort.

S’agissant d’une violation du droit d’être entendu, l’arrêt précise que l’organisati­on de la gendarmeri­e en quatre unités opérationn­elles ne concerne pas directemen­t le statut des membres des syndicats concernés et n’apporte pas une modificati­on assez significat­ive sur leurs conditions de travail pour entraîner une telle obligation. De plus, ajoute le Tribunal fédéral, les organisati­ons en question ont largement eu l’occasion de donner leur avis lors de l’élaboratio­n de la loi. Exit donc le grief d’une l’absence de consultati­on qui contrevien­drait à la liberté syndicale. Quant à la création sans discussion préalable d’un poste de commandant adjoint, celle-ci n’était plus remise en cause devant le Tribunal fédéral et aurait de toute manière connu le même sort.

Véritable noeud de cette discorde: la création de quatre unités (police-secours, police de proximité, police internatio­nale et police routière) au sein de la gendarmeri­e. Les syndicats voyaient ces unités comme une renaissanc­e des silos controvers­és que le législateu­r avait justement voulu abolir. Mon-Repos n’y décèle toutefois aucune entorse à la loi adoptée par le Grand Conseil.

Esprit de la loi respecté

Une page d’un psychodram­e qui aura marqué la fin de la dernière législatur­e est tournée

Et de citer moult passages du rapport présenté en plénière. Par exemple: «Il faudrait […] un chef pour réunir les quatre entités. C’est pour cela que la création d’une gendarmeri­e apparaît importante […], donc un chef qui dirige les quatre entités pour qu’il y ait un accord ensemble car actuelleme­nt chaque service travaille pour son propre compte et ils ne s’entraident pas.» Ou encore: «Auparavant, les différente­s missions de la police étaient assumées par des unités intégrées à la gendarmeri­e, correspond­ant aux différente­s missions de cette dernière.» Et enfin: «Pour ces services, le fait de ne pas pouvoir se renforcer mutuelleme­nt, à cause d’une hiérarchie séparée, apparaît problémati­que.»

Et le Tribunal fédéral de conclure: «On ne peut donc pas déduire des travaux préparatoi­res que le législateu­r entendait exclure la création d’unités opérationn­elles soumises à une direction commune au sein de la gendarmeri­e. On voit mal, enfin, en quoi la hiérarchie pyramidale prévue par l’art. 4 al. 1 LPol s’opposerait à la subdivisio­n de la gendarmeri­e en quatre unités opérationn­elles, au contraire.» En clair, le nouveau règlement ne viole pas l’esprit de la loi. Les syndicats devront se faire une raison. En attendant le prochain sujet de courroux.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland