A La Chaux-de-Fonds, les loups canadiens n’y sont pas encore
Le projet de Centre éthologique du loup porté par l’Université de Neuchâtel est mal emmanché. Au-delà des nombreuses autorisations qu’il doit encore obtenir, il suscite déjà la grogne dans différents milieux
Des loups importés du Canada qui s’ébattent dans un enclos sous l’oeil attentif de scientifiques: tel est le projet porté par l’Université de Neuchâtel (UniNE), qui entend créer un Centre éthologique du loup en bordure de forêt au nord de La Chaux-de-Fonds. L’objectif? Observer le comportement et les modes de communication de ces canidés issus de lignées non-croisées avec des chiens. Soutenu par la métropole horlogère et la Confédération, le projet doit encore surmonter de nombreux obstacles avant d’éventuellement voir le jour.
Sur le plan administratif, de multiples autorisations sont nécessaires, précise le Conseil d’Etat dans sa réponse à une question déposée par le député écologiste Patrick Erard. Elles concernent l’expérimentation animale, l’animalerie, l’exposition d’animaux, leur importation, leur détention, ainsi que le défrichement d’une zone forestière. A cela s’ajoute une dérogation pour construction à moins de 30 mètres de la forêt. La demande pour la première autorisation, qui conditionne les autres, est en cours de traitement.
Protecteurs de la nature et agriculteurs mécontents
Patrick Erard demandait aussi au Conseil d’Etat d’indiquer si cette étude lui semblait digne d’intérêt. Sans répondre à la question, il souligne avoir été informé que «les associations de protections de la nature et les milieux agricoles ne sont pas enthousiastes à l’idée de la réalisation de ce centre, et c’est un euphémisme».
Président de Pro Natura Neuchâtel, le député socialiste Christian Mermet confirme: «Ce projet ne nous semble pas pertinent. Il n’est pas lié au retour du loup dans notre région, que nous souhaitons serein, et prévoit de créer un laboratoire dans un environnement artificiel qui ne sera pas en contact avec le reste de la faune. C’est un exercice de style qui ne correspond pas au développement de la biodiversité et des milieux naturels tel qu’on le défend.»
Le député PLR Stéphane Rosselet, président de la Chambre neuchâteloise d’agriculture et de viticulture, se montre nettement plus remonté. «Des exploitations agricoles sont proches des terrains visés et cela soulève des questions. L’Université ferait mieux de payer un voyage aux Canada à ses chercheurs pour qu’ils fassent leur étude là-bas!» Il s’agace également de voir qu’une autorisation de défrichement pour une surface forestière de 10 000 m² pourrait être délivrée, alors que «lorsque les agriculteurs demandent un m²pour compenser d’autre surface, c’est perdu d’avance». Il reconnaît cependant que le contexte a aussi son importance: «Il y a 20 ans, ça se serait peut-être passé autrement. Mais vous savez, le loup, en ce moment…»
Contactée, l’UniNE indique ne pas pouvoir répondre à nos questions durant la phase d’avant-projet. Et précise que davantage de détails pourront être donnés si l’autorisation d’expérimentation est obtenue. «Il faut toutefois relativiser la question de l’accueil fait au dossier, tempère le responsable communication de l’institution. Il est usuel que des discussions exploratoires aient lieu, et elles ont justement pour but d’identifier les questions qui pourraient surgir et ainsi faire évoluer les projets»,
Le Département du développement territorial et de l’environnement (DDTE) reste vague sur l’opportunité que pourrait constituer ce projet pour le canton. «Sur le fond, le Conseil d’Etat réserve sa position d’abord à l’évaluation en cours en matière de protection des animaux, puis en matière de protection de la nature», indique son secrétaire général Nicolas Ruedin.
Quant à savoir si le projet «est un peu mort-né», comme le déclarait samedi Patrick Erard à Arcinfo en regrettant que s’il ne se fait pas à Neuchâtel, «il se concrétisera ailleurs en Suisse ou en Europe», le DDTE considère «qu’il est périlleux de donner un jugement de valeur sur ses chances d’aboutir», dans le sens où le Département et le Conseil d’Etat jouent le rôle d’autorités de recours dans ce type de dossiers.
«Nous ne pouvons ainsi pas prêter le flanc à la critique par de potentiels opposants et recourants, conclut Nicolas Ruedin. Et vu les réactions enregistrées, nous pouvons nous attendre à de nombreuses oppositions formelles à ce projet. Les obstacles sont effectivement importants.»
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«C’est un exercice de style qui ne correspond pas au développement de la biodiversité et des milieux naturels tel qu’on le défend»
CHRISTIAN MERMET, PRÉSIDENT DE PRO NATURA NEUCHÂTEL