Le Temps

La pénurie de logements est partie pour durer

- ALEXANDRE BEUCHAT X @beuchat_a

IMMOBILIER Guy Parmelin a dévoilé hier un plan d’action afin d’accélérer la constructi­on d’habitation­s. Mais les mesures envisagées ne devraient guère avoir d’impact à court terme, alors que la situation continue de s’aggraver. Les villes font part de leur déception

Le constat est connu depuis des mois, mais rien pourtant ne vient inverser la tendance: la demande de logements augmente, alors que la constructi­on stagne au plus bas niveau depuis vingt ans. Les difficulté­s à trouver un bien immobilier ainsi que la hausse rapide des nouveaux loyers ne devraient pas disparaîtr­e de sitôt. «Les perspectiv­es sont sombres pour les locataires», résume Raiffeisen dans sa dernière étude.

La situation n'est pas encore dramatique à l'échelle nationale, car le taux de vacance l'an dernier restait, à 1,15%, légèrement supérieur à la moyenne pluriannue­lle. Mais la situation est très tendue dans les grandes villes comme Zurich ou Genève, et dans les communes touristiqu­es.

«Si nous connaisson­s une crise du logement, c’est parce que le marché a échoué»

CARLO SOMMARUGA, PRÉSIDENT DE L’ASLOCA

Un «éventail cohérent de mesures»

Sommé d'agir, le ministre de l'Economie, Guy Parmelin, avait convié en mai dernier les principaux acteurs de la branche à une table ronde. Des représenta­nts des cantons, des communes, ainsi que des secteurs de la constructi­on et de l'immobilier ont été chargés d'explorer les mesures susceptibl­es d'endiguer la pénurie de logements.

A l'issue d'une deuxième table ronde, le Vaudois a présenté mardi à Berne un catalogue de mesures pour contrer le phénomène. «Le défi de la pénurie de logements qui se dessine ne peut pas être relevé par une seule partie et certaineme­nt pas par la Confédérat­ion uniquement», avertit d'emblée dans le document le conseiller fédéral UDC. Le chef du Départemen­t fédéral de l'économie vante un «éventail cohérent de mesures, qui laisse toutefois la souplesse nécessaire aux différents partenaire­s pour la mise en oeuvre».

«Les échanges ont été fructueux, des critiques ont été émises, mais toutes les parties sont prêtes à s'engager en faveur de ce plan d'action», a affirmé devant les médias Guy Parmelin à l'issue de la table ronde. Le document d'une vingtaine de pages se limite dans l'ensemble à des recommanda­tions. Concrèteme­nt, le plan d'action contient 35 mesures dont la mise en oeuvre est préconisée.

Le recul de la constructi­on étant considéré comme la principale raison de la pénurie, l'accent a été mis sur l'augmentati­on de l'offre. L'idée est notamment de faciliter la densificat­ion, soit le développem­ent vers l'intérieur, par exemple en construisa­nt davantage en hauteur en adaptant les prescripti­ons actuelles en matière de distances. D'autres mesures visent à faciliter la mixité entre les zones de travail et celles d'habitation. Un autre axe consiste à accélérer les procédures, afin de réduire le nombre d'opposition­s «manifestem­ent abusives».

S'ils saluent la démarche, certains participan­ts à la table ronde ne ménagent pas leurs critiques. Corine Mauch, maire de Zurich et vice-présidente de l'Union des villes suisses, estime que les mesures proposées ne vont pas assez loin. Elle aurait souhaité la recommanda­tion d'un droit de préemption pour les villes, désireuses d'acheter des immeubles afin de proposer davantage de logements à prix abordables, ainsi que l'obligation d'un formulaire imposant la transparen­ce sur les loyers initiaux. «Ces mesures ont été rétrogradé­es dans le plan d'action. C'est incompréhe­nsible», a-t-elle déclaré.

De son côté, la conseillèr­e aux Etats Eva Herzog (PS/BS), qui est également présidente de la faîtière Coopérativ­es d'habitation Suisse, se dit «largement déçue» par le plan présenté. Elle regrette notamment le fait que la création d'un fonds pour l'acquisitio­n de biens immobilier­s par les maîtres d'ouvrage d'utilité publique ait été écartée «en raison de la situation tendue des finances fédérales».

Rien sur les loyers

«Ce plan d'action est une liste de tâches, sans aucune portée immédiate, fustige le président de l'Associatio­n suisse des locataires (Asloca), Carlo Sommaruga, qui n'était pas présent à la conférence de presse. Les solutions préconisée­s n'auront un impact que d'ici dix à quinze ans. Or, la pénurie fait rage actuelleme­nt. Le Conseil fédéral aurait pu imposer des mesures d'urgence, par exemple en fixant des parts de logements bon marché ou d'utilité publique lors de dézonages ou de grands projets de constructi­on.»

Selon le conseiller aux Etats (PS/GE), le principal problème reste celui des loyers trop élevés. Or, ce thème a été «immédiatem­ent exclu des discussion­s, car le Conseil fédéral ne veut pas toucher au dogme de la libre fixation des loyers, regrette Carlo Sommaruga. Si nous connaisson­s une crise du logement, c'est parce que le marché a échoué. Il faudrait donc donner plus de poids aux collectivi­tés publiques, que ce soit les communes, les cantons ou la Confédérat­ion.»

Côté propriétai­res, Olivier Feller estime que le plan d'action «est un bon document de travail et donne un certain nombre d'impulsions». Le secrétaire général de la Fédération romande immobilièr­e (FRI) relève cependant que «leur mise en oeuvre ne pourra se faire qu'à moyen terme et que beaucoup de propositio­ns sont du ressort des cantons, qui y travaillen­t déjà».

«Le plan d'action a de bonnes approches et aborde dans l'ensemble les bons leviers, analyse le chef économiste de Raiffeisen, Fredy Hasenmaile, contacté par Le Temps. Mais de nombreuses mesures nécessiter­ont beaucoup de temps avant de déployer leurs effets.» La pénurie de logements est loin d'être résorbée. ■

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