Le Temps

Une vie trop courte au service de la paix

CINÉMA Biopic signé Reinaldo Marcus Green, «Bob Marley: One Love» a le mérite de se concentrer sur une courte période, celle qui verra le chanteur enregistre­r à Londres le chef-d’oeuvre «Exodus»

- STÉPHANE GOBBO X @stephgobbo

Mort d’un cancer de la peau à 36 ans, Bob Marley (1945-1981) est devenu une icône révolution­naire, une sorte de Che Guevara rasta. Douze ans après Marley, un passionnan­t et très complet documentai­re de Kevin McDonald, voici Bob Marley: One Love, un biopic coproduit par Plan B – maison de production dirigée par Brad Pitt – et les héritiers du chanteur via Tuff Gong, le label qu’il avait lui-même même fondé en 1970. On craignait dès lors l’hagiograph­ie paresseuse tentant simplement d’alimenter la légende, et heureuseme­nt le film est plus que cela.

Plutôt que de tenter un portrait évoquant les blessures d’enfance d’un homme qui n’a quasiment pas connu son père anglais pour se terminer sur son combat contre la maladie, le réalisateu­r américain Reinaldo Marcus Green – qui passe du tennis (La Méthode Williams) au reggae – se concentre sur les années 19761978, période charnière juste entrecoupé­e de quelques flashback permettant de comprendre l’évolution de la musique de Marley et de sa relation avec son épouse Rita, qui restera son socle malgré ses nombreuses aventures extraconju­gales.

Isolé par le succès

Ces trois années s’ouvrent et se ferment sur deux concerts pour la paix. Le 5 décembre 1976, alors que la Jamaïque semble au bord de la guerre civile à l’approche d’élections législativ­es tendues, Marley – qui prône l’unité entre les peuples – organise l’événement gratuit Smile Jamaica dans le but d’apaiser les tensions. Et il refusera de l’annuler alors que deux jours auparavant il a été victime d’une tentative d’assassinat dont il est sorti quasiment indemne, tandis que Rita échappera miraculeus­ement à la mort.

Foncièreme­nt apolitique, se réclamant uniquement du mouvement rastafari, il choisit en janvier 1977 de s’exiler à Londres – où on le verra découvrir la contestati­on sociale et le punk-rock de The Clash – pour éviter toute récupérati­on et se protéger. C’est là qu’il enregistre­ra Exodus, son chefd’oeuvre, un neuvième album qui fera de lui une star internatio­nale. Sans jamais surligner le récit, Green montre alors comment son succès l’isolera. Tandis qu’il remplit des salles énormes en Europe, devenant un phénomène exotique, cet admirateur d’Haïlé Sélassié, dernier empereur d’Ethiopie, n’a qu’une envie: se produire en Afrique.

Le 22 avril 1978, Marley et ses fidèles Wailers retrouvent la Jamaïque pour clôturer le One Love Peace Concert, qui le voit réunir sur scène deux opposants politiques et achève d’en faire un héros national. Ainsi concentré sur dix-sept mois et construit à partir de témoignage­s de première main, Bob Marley: One Love a le mérite de laisser suffisamme­nt de place à la musique pour expliquer sa force en montrant sa fabricatio­n. Quant au Londonien Kingsley Ben-Adir, qui a déjà incarné Malcolm X (One Night in Miami…) et Barack Obama (la mini-série The Comey Rule), il s’avère totalement convaincan­t dès qu’on se concentre sur son jeu et non plus sur sa perruque. La transition entre sa voix et celle du vrai Marley pour les parties chantées est parfaite. ■

Bob Marley: One Love, de Reinaldo Marcus Green (Etats-Unis, 2024), avec Kingsley Ben-Adir, Lashana Lynch, James Norton, Tosin Cole, 1h44.

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(2024 PARAMOUNT PICTURES) Après avoir incarné Malcolm X et Barack Obama, Kingsley Ben-Adir se glisse avec succès dans la peau de Bob Marley.

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