Le Temps

Sport truqué et clan décimé

CINÉMA Sean Durkin met en scène dans «The Iron Claw» l’histoire vraie d’une fratrie de catcheurs maudite dans le Texas des années 1980-1990

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Vu d’Europe, le gros problème d’un film sur des catcheurs, c’est… le catch, cette sorte de sport-spectacle pas très sérieux qui fait un tabac outre-Atlantique (également au Mexique, sous le nom de lucha libre). Ici, on préfère encore la lutte ou la boxe à ces bagarres homériques, certes très physiques mais arrangées et flattant les plus bas instincts. Pourtant, lorsque la famille Von Erich (un pseudonyme) est frappée par une sorte de malédictio­n, à savoir la mort successive dans les années 1980-1990 de cinq des six fils d’un père déjà catcheur, le retour au réel ne peut qu’interpelle­r.

Avec The Iron Claw, l’indépendan­t Sean Durkin (auteur en 2020 du fabuleux The Nest), en a tiré un film valable, mais qui laisse un peu sur sa faim. On y découvre un père frustré de n’avoir jamais décroché la ceinture de «champion du monde» – un gag, si l’on considère le peu de cas fait du reste du monde. Ce Texan reportera dès lors son ambition sur ses fils, dont il devient l’entraîneur. C’est sur Kevin, l’aîné devancé sportiveme­nt par

Les drames commencent à s’enchaîner et on réalise que le compte n’y est pas

deux de ses frères mais pour finir le seul survivant, grâce à un mariage solide, que se concentre le scénario.

Avec cet univers incroyable pour décor et cette drôle de dynamique familiale, le film devient vite prenant. La fine Lily James y apporte une touche féminine bienvenue en séduisant l’homme-enfant campé par Zac Efron (si bodybuildé qu’il paraît passer un casting pour le prochain Hulk). Puis les drames commencent à s’enchaîner et on réalise que le compte n’y est pas. Ce n’est pas tant qu’un frère (Rich) manque à l’appel que l’impossibil­ité (pour cause de contrôle familial?) de raconter toute l’histoire. Pareil pour les coulisses du catch – l’argent, les arrangemen­ts, le dopage – et même le cadre idéologiqu­e de cette Amérique profonde – le conservati­sme, la religion, les armes – à peine effleuré. Bref, à l’arrivée, on reste loin de Foxcatcher, le chef-d’oeuvre de Bennett Miller (2014) consacré à une histoire de lutteurs quant à elle doublée d’une vraie dimension politique.

■ The Iron Claw, de Sean Durkin (Etats-Unis, Royaume-Uni, 2023), avec Zac Efron, Lily James, Jeremy Allen White, Harris Dickinson, 2h12.

N. C.

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