Le Temps

Une occasion ratée pour la Suisse

- FRÉDÉRIC KOLLER @fredericko­ller

Pas moins de 50 chefs d’Etat et de gouverneme­nt ainsi qu’une centaine de ministres sont attendus dès vendredi à Munich pour la Conférence sur la sécurité. Olaf Scholz, Emmanuel Macron, Kamala Harris ou encore Wang Yi sont annoncés pour un rendez-vous qualifié de Davos de la défense. Tous les Etats européens et tous les membres de l’OTAN, ainsi que de nombreux Etats asiatiques, africains et américains, seront représenté­s au plus haut niveau. Tous? Pas tout à fait, puisque la Russie et l’Iran ne sont plus invités. Et la Suisse? Elle se distinguer­a par l’absence de tout ministre.

L’an dernier, alors que les Européens serraient les rangs face à l’agression russe de l’Ukraine, Viola Amherd et Ignazio Cassis avaient fait le déplacemen­t. Il fallait réexplique­r une neutralité suisse devenue illisible pour des voisins demandeurs de solidarité. Cette année, la présidente de la Confédérat­ion, d’abord annoncée, a finalement décliné en raison de réunions sur les finances de l’armée. Comptant sur la présence de sa collègue, le ministre des Affaires étrangères n’avait pour sa part pas prévu de s’y rendre. Résultat: Berne sera représenté par un secrétaire d’Etat et une ambassadri­ce, tous deux fraîchemen­t nommés.

Dans un monde apaisé, on pourrait excuser ce manque d’empresseme­nt. Il se trouve que les dividendes de 70 ans de paix se sont envolés. Le rebond russe menace un peu plus la stabilité du continent. Le scénario d’un retour à la présidence des EtatsUnis de Donald Trump sème un vent de panique dans les états-majors européens. La constructi­on d’une défense commune est plus que jamais d’actualité. Qu’est-ce que la Suisse, dont les militaires prônent un rapprochem­ent avec l’OTAN, pense de tout cela?

En début d’année, le Conseil fédéral s’est engagé à organiser un sommet pour la paix. Ignazio Cassis est allé à New York, puis s’est embarqué dans une tournée asiatique pour expliquer cette initiative un peu folle, mais qui a le mérite d’exister. Comment se fait-il qu’aucun ministre, ce week-end, ne trouve le temps de faire 300 kilomètres pour rejoindre Munich et vendre cette idée suisse? Ou alors craint-on des questions gênantes sur la neutralité et la réexportat­ion d’armes?

L’absence de conseiller­s fédéraux ne fera sans doute pas de vagues chez notre plus grand voisin. Mais le désistemen­t de la présidente de la Confédérat­ion est un mauvais signal à un moment où l’Allemagne s’engage pour la sécurité du continent. Les actes de présence, même symbolique­s, comptent. Cette 60e édition de la Conférence de Munich apparaît d’ores et déjà comme une occasion ratée pour se faire entendre. C’est, pour tout dire, incompréhe­nsible.

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