Le Temps

«L’Amérique ne peut pas battre en retraite»

- FRÉDÉRIC KOLLER, MUNICH @fredericko­ller

La vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, tente de rassurer ses alliés européens alors que le scénario d’une réélection de Donald Trump fait craindre un retour à l’isolationn­isme du pilier de l’OTAN

Dans un monde de plus en plus instable, les Européens s’interrogen­t sur le leadership des Etats-Unis? Kamala Harris est venu les rassurer. «Je sais que vous vous posez des questions. Vous avez clairement montré que vous restiez unis derrière l’Ukraine. Je veux que vous sachiez que le président Biden et moi nous nous tenons à vos côtés, aux côtés de l’Ukraine. L’Amérique ne battra pas en retraite», a déclaré la vice-présidente des EtatsUnis en ouverture de la Conférence de Munich sur la sécurité.

Un travail de déminage nécessaire aux yeux de l’establishm­ent militaire européen alors que les craintes se font de plus en plus entendre sur la capacité de l’allié américain à tenir son rôle dans la perspectiv­e des élections présidenti­elles. Le scénario d’une seconde victoire de Donald Trump fait désormais partie de l’équation stratégiqu­e du continent. Et avec elle, le risque d’un retour à une posture isolationn­iste de la part du principal pilier de l’OTAN. Première conséquenc­e: la suspension

«Je suis ici pour vous dire que nous sommes avec nos alliés» KAMALA HARRIS, VICE-PRÉSIDENTE DES ÉTATS-UNIS

de l’aide militaire américaine à Kiev – bloquée par les républicai­ns au Congrès – dont les effets se font désormais durement sentir sur le terrain.

Kamala Harris n’a pas esquivé le débat interne en cours dans son pays. «Voulons-nous regarder le monde ou tourner le regard à l’intérieur? Voulons-nous nous battre pour la démocratie ou accepter l’avènement des autocratie­s? Sommes-nous avec nos alliés ou seuls? Je suis ici pour vous dire que nous sommes avec nos alliés.» La vice-présidente ajoute qu’il ne s’agit pas de charité mais de défendre les intérêts bien compris des Américains. Un retrait du leadership des Etats-Unis entraînera­it, selon elle, une déstabilis­ation plus grande d’un ordre mondial déjà mal en point. «Imaginez que nous tournions notre dos à l’Ukraine, que nous abandonnio­ns l’Europe, que nous laissions Poutine agir. Demain, ce serait toute l’Europe qui serait en danger. Et nos intérêts avec.»

«Pas de cadeau pour Poutine»

Présente pour la troisième fois à Munich – seul Joe Biden était venu aussi souvent en tant que vice-président – Kamala Harris veut croire que «la guerre de Poutine est déjà un énorme échec pour la Russie». Non seulement Kiev a résisté, mais l’Ukraine a récupéré une bonne part des territoire­s conquis dans un premier temps par Moscou. «La Russie a perdu deux tiers de ses tanks, un tiers de sa flotte en mer Noire et 300 000 hommes ont été mis hors de combat. C’est cinq fois plus que ce qu’ils avaient perdu en dix ans en Afghanista­n.» La vice-présidente affirme que son administra­tion «travaille en vue d’une solution pour livrer des armes à l’Ukraine. Un échec reviendrai­t à faire un cadeau à Poutine.»

Dans les couloirs de Munich, ce discours ne suffit pas à rassurer. Comme l’exprime un agent du renseignem­ent d’un pays européen le sentiment est que «le temps travaille pour Poutine qui attend patiemment une élection de Donald Trump». La réalité est que les troupes russes redoublent leurs assauts sur le front ukrainien avec ou sans la perspectiv­e d’une victoire du futur candidat républicai­n.

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