Les Suisses voteront à nouveau sur le nucléaire
Une initiative visant à revenir sur la volonté populaire de se passer de l’énergie générée par la fission de l’atome a été déposée. Un contre-projet pourrait intervenir. Les écologistes lanceront alors un référendum
XL’initiative «De l’électricité en tout temps (Stop au black-out)» a été déposée ce vendredi à la Chancellerie fédérale avec le nombre de signatures requis pour organiser un nouveau scrutin. La date de celui-ci dépendra du rythme de son traitement au parlement et de la volonté d’Albert Rösti de lancer un contre-projet. Les Vert·e·s ont déjà annoncé qu’ils organiseraient alors un référendum.
Le texte de l’initiative ne mentionne certes pas explicitement l’atome. Il veut introduire dans la Constitution l’article suivant: «L’approvisionnement en électricité doit être garanti en tout temps. A cet effet, la Confédération attribue les responsabilités.» L’alinéa qui suit précise les intentions des initiants: «La production de l’électricité respecte l’environnement et le climat. Toute forme de production d’électricité respectueuse du climat est autorisée.» Dans leur esprit, l’énergie atomique est la seule qui correspond à ces critères, certaines sources d’énergie renouvelables étant intermittentes et ne fournissant pas au pays la quantité de KWh dont il a besoin en hiver. La question de savoir si le nucléaire est une forme d’énergie respectueuse du climat fait par ailleurs débat.
«Avec le vote de 2017, on s’est fermé à une technologie qui a encore beaucoup à offrir» DAMIANO LEPORI, PRÉSIDENT DU CENTRE À FRIBOURG
Jeunesses de droite
En novembre 2023, le Parlement européen a décidé de l’inclure dans la liste des technologies vertes au côté des panneaux solaires, des éoliennes, des batteries ou des pompes à chaleur. Les opposants font remarquer que le stockage des déchets nucléaires reste un problème environnemental irrésolu.
Le but des initiants est donc bien de revenir sur la volonté populaire affirmée en 2017 par 58% des Suisses de se passer à terme du nucléaire comme source d’approvisionnement énergétique en ne construisant plus de nouvelle centrale. Le comité d’initiative est animé par des personnalités issues des jeunesses des partis de droite et du centre, dont Vanessa Meury, présidente du Club énergie Suisse et des Jeunes UDC de Soleure, ainsi que Damiano Lepori, président du Centre du canton de Fribourg. Pour ce dernier, avec ce vote de 2017, «on s’est fermé à une technologie qui a encore beaucoup à offrir».
En face, les opposants affirment que le nucléaire ne garantit pas un approvisionnement sécurisé, les nouvelles technologies accumulant problèmes et retards dans la livraison des centrales. Entre les oppositions et le temps nécessaire à la construction, une nouvelle installation nécessitera une bonne vingtaine d’années. Ce délai ne permettrait pas au nucléaire de répondre aux besoins énergétiques et environnementaux du pays.
«Un consensus existe sur la prolongation des réacteurs existants, rétorque Damiano Lepori. Si, dans quelques années, la technologie de la fusion de l’atome est maîtrisée, il sera rationnel d’utiliser ces mêmes sites pour exploiter de nouveaux réacteurs. Ou alors, j’invite les opposants à dire la vérité sur la décroissance qu’ils prônent.»
Cadre réglementaire
Le nucléaire animera également la prochaine session parlementaire. Le mercredi 6 mars, sont agendés au Conseil des Etats les débats autour du postulat déposé par le président du PLR, Thierry Burkart. Dans ce texte, le sénateur argovien demande au Conseil fédéral d’«exposer dans un rapport le cadre réglementaire et financier à mettre en place pour pouvoir continuer à exploiter à long terme les centrales nucléaires en service tout en assurant la sécurité des installations». Ce même rapport devra étudier «l’évolution prévue du mix électrique […] en Suisse et le volume des capacités de production d’énergie renouvelable à mettre en place (en particulier en hiver) d’ici à 2030, pour pouvoir débrancher les centrales sans risque pour l’approvisionnement. Il envisagera dans ce contexte un scénario pour la construction de nouvelles centrales nucléaires dans le cas où la mise en place d’autres capacités à faibles émissions progresserait trop lentement».
Le Conseil fédéral recommande d’adopter ce postulat. On sait Albert Rösti, ministre de l’Energie, favorable au financement de l’étude des nouvelles technologies nucléaires, afin que la Suisse ne se prive pas d’une source d’énergie propre et sûre. ■