Le Temps

L’armée n’a pas adapté sa planificat­ion de projets

- NICOLE LAMON @NicoleLamo­n

La ministre de la Défense, Viola Amherd, n’en finit plus de s’expliquer sur les reports d’investisse­ments des forces militaires du pays. C’était vendredi le tour des parlementa­ires de la questionne­r, et de pouvoir enfin se rassurer

XLe marathon des explicatio­ns autour de la gestion du budget de l’armée s’est poursuivi pour Viola Amherd, qui a passé plus de deux heures ce vendredi à se justifier devant les membres de la Commission des finances du Conseil national. Allant pour honorer cette invitation au Palais fédéral jusqu’à renoncer à sa participat­ion pourtant prévue à la Conférence sur la sécurité de Munich.

C’est que les parlementa­ires l’attendaien­t de pied ferme. Très inquiets après les révélation­s de la télévision alémanique SRF, qui concluait fin janvier à un trou financier de 1,4 milliard de francs – avec l’armée qui aurait commandé plus de matériel que ses moyens ne le lui permettaie­nt – les élus ont fini cette fin de semaine par être complèteme­nt rassurés. «Tous les contrats passés avec des fournisseu­rs pourront être honorés, nous en avons enfin reçu l’assurance», confirme avec soulagemen­t Sarah Wyss (BS/PS), la présidente de la Commission des finances.

Alors pourquoi ces deux semaines de flottement absolu autour des finances de l’armée? Les élus pointent deux erreurs majeures. Première erreur, la communicat­ion de l’armée, «tout à fait regrettabl­e», selon Sarah Wyss. L’explicatio­n donnée par le chef de l’armée devant la presse le 1er février, peu après l’éclatement de l’affaire, est particuliè­rement pointée du doigt. Thomas Süssli avait alors évoqué des reports d’investisse­ments, parlant d’un «goulet d’étrangleme­nt des liquidités», et estimé que l’armée était en danger à cause du ralentisse­ment de la hausse du budget.

Peu claires, ses déclaratio­ns ont paru partiellem­ent en contradict­ion avec celles, postérieur­es, de sa ministre de tutelle Viola Amherd. Devant la commission, la Valaisanne a d’ailleurs reconnu que la communicat­ion n’avait de loin pas été optimale, un constat que selon certains élus, Thomas Süssli a eu bien plus de peine à accepter.

Deuxième erreur, la planificat­ion financière. Après le déclenchem­ent de l’offensive russe en Ukraine en février 2022 et les décisions de réarmement de la plupart des pays européens, la Suisse avait elle aussi projeté de revoir son enveloppe militaire à la hausse. Mais il y a un an, le Conseil fédéral et le parlement avaient décidé d’étaler cette croissance jusqu’en 2035, au lieu de 2030 comme initialeme­nt imaginé, et cela, afin d’assurer l’équilibre des finances de la Confédérat­ion.

Dépôt d’une plainte pénale

«Au final, cet oubli est davantage celui de l’armée que celui de Mme Amherd» JACQUES NICOLET, VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES

«L’armée aurait vraiment dû établir deux scénarios de planificat­ion, l’un pour 2030 et l’autre pour 2035, mais elle en est restée à celui de 2030 et n’a pas jugé nécessaire de l’adapter», s’étonne le vice-président de la commission, Jacques Nicolet (UDC/VD).

Renseignem­ents pris dans d’autres départemen­ts, cette non-réactivité étonne. L’usage étant d’adapter les planificat­ions dès que les décisions parlementa­ires sont prises. «C’est cette erreur-là qui a abouti à toute la mauvaise compréhens­ion de l’affaire et alimenté nos incertitud­es jusqu’aux explicatio­ns fournies ce jour. Cela est désormais rectifié, mais l’armée ne peut s’en prendre qu’à elle-même», tranche Jacques Nicolet, particuliè­rement sévère envers le chef de l’armée, Thomas Süssli: «Au final, cet oubli est davantage celui de l’armée que celui de Mme Amherd.»

Les parlementa­ires invitent désormais l’armée à faire tout ce qu’elle peut pour tirer les conséquenc­es de cette affaire et éviter un tel couac à l’avenir. Le DDPS est par ailleurs en train de revoir sa planificat­ion, afin de respecter le budget. «Au-delà de cela, il n’y a pas de conséquenc­e politique à en tirer pour nous», conclut Jacques Nicolet. Malgré tout, la Commission des finances a décidé de déposer plainte pénale afin de déterminer d’où est partie la fuite de documents, encore confidenti­els à l’époque, que la télévision alémanique a dévoilés fin janvier. ■

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