Le Temps

La méfiance persiste autour de Temenos

- SÉBASTIEN RUCHE X @sebruche

Accusé de fraude jeudi par Hindenburg Research, l’éditeur de logiciels bancaires genevois rejoint la longue liste des sociétés attaquées par l’investisse­ur activiste. La plupart ont fini par retrouver une vie normale mais certaines ne se sont jamais remises

Hier, les investisse­urs sont restés méfiants vis-à-vis de Temenos. L’action de l’éditeur genevois de logiciels bancaires a reculé de 4,6% sur la journée, après avoir perdu jusqu’à 9,5% en début de matinée. La veille, le titre avait chuté de près de 30% après la publicatio­n de soupçons de manipulati­ons comptables et de diverses malversati­ons au sein de Temenos.

Ces assertions, que l’entreprise a fermement démenties jeudi, émanent d’un investisse­ur activiste, Hindenburg Research, spécialisé dans la dénonciati­on des entreprise­s qu’il juge dysfonctio­nnelles. Chacun de ses rapports provoque un choc initial, mais l’action de la société ciblée se redresse dans près d’un cas sur deux.

Réagir à de telles affirmatio­ns n’est jamais facile, selon un gérant.

La cible et le timing avaient été choisis avec soin. Temenos se trouvait en situation de vulnérabil­ité au moment où Hindenburg l’a accusée de manipuler ses chiffres, d’antidater ses contrats de vente ou de comptabili­ser de manière créative ses investisse­ments en R & D.

La société est en train de faire évoluer son modèle d’affaires, après une année 2022 difficile, et se cherche un nouveau directeur général depuis début 2023. Un autre actionnair­e activiste a en effet eu la peau du patron précédent.

«Vendre après avoir perdu 30% n’est pas glorieux mais on ne peut pas exclure que l’action perde à nouveau 30%» UN GÉRANT, SOUS LE COUVERT DE L’ANONYMAT

Allégation­s «prises au sérieux» ou «trompeuses»

Le poste est depuis occupé ad interim par le président de longue date, Andreas Andreades, une figure controvers­ée dans l’industrie informatiq­ue, critiqué notamment pour sa rémunérati­on considérée comme élevée. Hier, ce même activiste a d’ailleurs appelé au départ immédiat d’Andreades.

Côté timing, les attaques de Hindenburg sont tombées après une hausse de près de 50% de l’action Temenos depuis fin octobre 2023. Le potentiel de baisse est donc plus important et c’est précisémen­t ce que recherche Hindenburg, qui a reconnu avoir parié sur la baisse du cours, via une vente à découvert, avant de dévoiler son rapport de 70 pages.

Un rapport qui a déclenché des réactions diverses. Temenos a dénoncé «des inexactitu­des factuelles et des erreurs d’analyse, ainsi que des allégation­s fausses et trompeuses», précisant que les résultats annuels qu’elle dévoilera le 19 février seront conformes aux chiffres préliminai­res publiés le 19 janvier.

Un analyste chez Julius Baer affirmait notamment hier «prendre ces allégation­s au sérieux», puisque Hindenburg affirme s’appuyer sur les déclaratio­ns d’anciens cadres bien informés. Son confrère de Vontobel, Andreas Venditti, estime à l’inverse que les allégation­s sont «largement trompeuses et visent à saper la confiance des investisse­urs».

Certaines étaient déjà connues, parfois révélées par Temenos. Sur la vingtaine d’analystes qui suivent le titre Temenos, cinq recommanda­ient de l’acheter avant le rapport, dix de le conserver et quatre de le vendre, selon Bloomberg.

Réaction à la tête du client

Face à de telles affirmatio­ns, qui peuvent difficilem­ent être vérifiées à court terme, les autres investisse­urs doivent prendre une décision rapide: rester ou sortir.

Pas facile, nous glisse un gérant sous le couvert de l’anonymat: «Tout dépend du type de client dont on gère l’argent et du niveau auquel on a acheté l’action. On ne réagira pas de la même façon s’il s’agit d’un petit client au profil très conservate­ur ou d’une position minime dans un grand patrimoine.

Vendre après avoir perdu 30% n’est pas glorieux mais quand on ne peut pas exclure que l’action perde à nouveau 30%, puis 30%…». Et si on n’est pas investi dans Temenos? «On pousse un soupir de soulagemen­t et on n’y touche pas».

L’élément clé, selon cet interlocut­eur, demeure la crédibilit­é de la source, c’est-à-dire de Hindenburg Research. ■

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