La méfiance persiste autour de Temenos
Accusé de fraude jeudi par Hindenburg Research, l’éditeur de logiciels bancaires genevois rejoint la longue liste des sociétés attaquées par l’investisseur activiste. La plupart ont fini par retrouver une vie normale mais certaines ne se sont jamais remises
Hier, les investisseurs sont restés méfiants vis-à-vis de Temenos. L’action de l’éditeur genevois de logiciels bancaires a reculé de 4,6% sur la journée, après avoir perdu jusqu’à 9,5% en début de matinée. La veille, le titre avait chuté de près de 30% après la publication de soupçons de manipulations comptables et de diverses malversations au sein de Temenos.
Ces assertions, que l’entreprise a fermement démenties jeudi, émanent d’un investisseur activiste, Hindenburg Research, spécialisé dans la dénonciation des entreprises qu’il juge dysfonctionnelles. Chacun de ses rapports provoque un choc initial, mais l’action de la société ciblée se redresse dans près d’un cas sur deux.
Réagir à de telles affirmations n’est jamais facile, selon un gérant.
La cible et le timing avaient été choisis avec soin. Temenos se trouvait en situation de vulnérabilité au moment où Hindenburg l’a accusée de manipuler ses chiffres, d’antidater ses contrats de vente ou de comptabiliser de manière créative ses investissements en R & D.
La société est en train de faire évoluer son modèle d’affaires, après une année 2022 difficile, et se cherche un nouveau directeur général depuis début 2023. Un autre actionnaire activiste a en effet eu la peau du patron précédent.
«Vendre après avoir perdu 30% n’est pas glorieux mais on ne peut pas exclure que l’action perde à nouveau 30%» UN GÉRANT, SOUS LE COUVERT DE L’ANONYMAT
Allégations «prises au sérieux» ou «trompeuses»
Le poste est depuis occupé ad interim par le président de longue date, Andreas Andreades, une figure controversée dans l’industrie informatique, critiqué notamment pour sa rémunération considérée comme élevée. Hier, ce même activiste a d’ailleurs appelé au départ immédiat d’Andreades.
Côté timing, les attaques de Hindenburg sont tombées après une hausse de près de 50% de l’action Temenos depuis fin octobre 2023. Le potentiel de baisse est donc plus important et c’est précisément ce que recherche Hindenburg, qui a reconnu avoir parié sur la baisse du cours, via une vente à découvert, avant de dévoiler son rapport de 70 pages.
Un rapport qui a déclenché des réactions diverses. Temenos a dénoncé «des inexactitudes factuelles et des erreurs d’analyse, ainsi que des allégations fausses et trompeuses», précisant que les résultats annuels qu’elle dévoilera le 19 février seront conformes aux chiffres préliminaires publiés le 19 janvier.
Un analyste chez Julius Baer affirmait notamment hier «prendre ces allégations au sérieux», puisque Hindenburg affirme s’appuyer sur les déclarations d’anciens cadres bien informés. Son confrère de Vontobel, Andreas Venditti, estime à l’inverse que les allégations sont «largement trompeuses et visent à saper la confiance des investisseurs».
Certaines étaient déjà connues, parfois révélées par Temenos. Sur la vingtaine d’analystes qui suivent le titre Temenos, cinq recommandaient de l’acheter avant le rapport, dix de le conserver et quatre de le vendre, selon Bloomberg.
Réaction à la tête du client
Face à de telles affirmations, qui peuvent difficilement être vérifiées à court terme, les autres investisseurs doivent prendre une décision rapide: rester ou sortir.
Pas facile, nous glisse un gérant sous le couvert de l’anonymat: «Tout dépend du type de client dont on gère l’argent et du niveau auquel on a acheté l’action. On ne réagira pas de la même façon s’il s’agit d’un petit client au profil très conservateur ou d’une position minime dans un grand patrimoine.
Vendre après avoir perdu 30% n’est pas glorieux mais quand on ne peut pas exclure que l’action perde à nouveau 30%, puis 30%…». Et si on n’est pas investi dans Temenos? «On pousse un soupir de soulagement et on n’y touche pas».
L’élément clé, selon cet interlocuteur, demeure la crédibilité de la source, c’est-à-dire de Hindenburg Research. ■