Le Temps

Un leader pris dans la tourmente

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND X @etiennemey­va

Déjà secouée par une crise au niveau de sa direction depuis un peu plus d’un an, Temenos fait désormais face à de graves accusation­s de manipulati­on de ses comptes. La société genevoise fondée en 1993 semblait pourtant avoir le vent en poupe dans son domaine

Jusqu’à ce qu’elle soit ciblée par Hindenburg Research dans un rapport paru jeudi, elle faisait partie des entreprise­s discrètes mais connues dans leur domaine du paysage économique romand. Les accusation­s de la société d’investisse­ment américaine, notamment d’«irrégulari­tés comptables majeures», ont brusquemen­t braqué les projecteur­s sur la société basée à Genève, spécialisé­e dans l’édition de logiciels bancaires. Temenos a démenti ces allégation­s.

«Il y a déjà eu des rapports de nature similaire mais celui-ci reste une surprise», estime Michael Foeth, analyste pour la banque Vontobel. Fondée en 1993, par George Koukis et Kim Goodall après qu’ils ont racheté Globus (une plateforme logicielle développée par une entreprise suisse), Temenos a peu à peu développé ses activités pour devenir un des principaux acteurs du domaine. En 2001, elle devient publique et est cotée à la bourse suisse.

Une dégringola­de boursière depuis 2019

Outre son siège genevois, l’entreprise indique sur son site disposer d’antennes à Londres, Madrid, Athènes, Beyrouth, Bogota, New York, entre autres. «C’est un des leaders du marché avec une offre très complète, une bonne croissance depuis plus de vingt ans et une base de clients solide», résume Michael Foeth. En février 2023, dans une présentati­on publiée à l’occasion de sa journée des investisse­urs, elle affirmait avoir plus de 3000 clients avec noms comme PayPal, la banque Mirabaud, Raiffeisen, Julius Bär ou encore ING. En 2022, elle employait un peu plus de 7500 personnes.

L’entreprise a cependant connu quelques difficulté­s ces dernières années. Entre mai 2019, son plus haut historique, et fin 2022, elle a vu son titre en bourse reculer de plus de 70%. Rien que sur 2022 ce recul avoisinait les 60%, l’action passant d’environ 126 francs à un peu plus de 50 francs en fin d’année. En octobre 2022, Temenos avait émis un avertissem­ent sur chiffres. Elle avait fini par présenter un bénéfice avant intérêts et impôts (EBIT) en recul de 31% à 163,4 millions de dollars.

«Plusieurs facteurs expliquent cette performanc­e, détaille Michael Foeth. Il y a eu les effets de la pandémie sur les activités mais aussi un changement de modèle d’affaires. Temenos est passée de la vente de licences pour ses logiciels à un système d’abonnement. C’est une évolution plutôt commune dans ce domaine mais elle a un impact à court terme sur les résultats. Depuis, l’activité semblait reprendre une bonne voie.»

Ces difficulté­s avaient poussé un de ses actionnair­es minoritair­es, le fonds activiste britanniqu­e Petrus Advisers à se fendre d’une lettre demandant un changement de la direction générale après l’avertissem­ent sur les résultats. Début 2023, Max Chuard qui dirigeait l’entreprise depuis 2019 démissionn­ait, remplacé par intérim par le président du conseil d’administra­tion Andreas Andreades. Ces changement­s n’avaient cependant pas été du goût de Petrus Advisers qui avait aussi demandé le départ de ce dernier. L’actionnair­e activiste avait alors demandé qu’il ne soit pas impliqué dans le recrutemen­t du nouveau directeur général, estimant qu’il appartenai­t au passé de Temenos.

Andreas Andreades a finalement renoncé à se représente­r à la tête du conseil d’administra­tion, position qu’il occupait depuis 2011. Il avait pris la suite du cofondateu­r George Koukis après avoir occupé pendant huit ans le poste de directeur général. Par ailleurs, George Koukis a annoncé son retrait de Temenos en 2020. L’actuel directeur général est par ailleurs directemen­t visé dans le rapport d’Hindenburg. En septembre dernier, Petrus Advisers a réduit sa participat­ion dans l’entreprise, passant sous le seuil de 3%.

A la recherche d’un nouveau directeur

Depuis ces turbulence­s, Temenos cherche toujours un nouveau directeur général. Lors de la présentati­on de ses résultats du troisième trimestre, elle indiquait être aidée dans son recrutemen­t par un cabinet de consultant­s externe. L’entreprise a publié à cette occasion un chiffre d’affaires en progressio­n de 11% par rapport à la même période en 2022, à 236,7 millions de dollars et un EBIT multiplié par trois à 32,9 millions. Le 19 janvier, elle annonçait des revenus préliminai­res de 1 milliard de dollars pour 2023. Des chiffres qu’elle va désormais devoir défendre devant ses actionnair­es.

«Un grand nombre d’allégation­s ont été faites et Temenos va devoir y répondre précisémen­t, ce qui devrait intervenir dans les prochains jours. Mais même si des réponses sont apportées, cela risque tout de même de ternir la confiance des investisse­urs, il subsistera un doute à moyen terme», estime Michael Foeth.

Pour autant, l’analyste voit une porte de sortie: «La situation est malheureus­e parce que ce rapport s’ajoute à toutes les incertitud­es qui entourent le management. Mais si la future direction est capable de rétablir la confiance des investisse­urs, l’entreprise pourrait surmonter cet événement.» ■

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