Payer son abonnement de téléphone 10 francs par mois, la nouvelle normalité
L’alliance annoncée hier entre La Poste et Salt va rendre plus accessibles encore les offres à petit prix et pourtant quasi illimitées. Mais des experts avertissent sur les limites de ces abonnements et les tactiques des opérateurs
D'apparence, ce n'est qu'un partenariat commercial. Mais en réalité, l'alliance entre La Poste et Salt, annoncée hier, pourrait dynamiter le marché de la téléphonie mobile. Cette union va démocratiser les abonnements à tout petits prix, rendus plus accessibles encore via les guichets des offices postaux. Et cela pourrait inciter de nombreux consommateurs, qui payent encore 60 à 80 francs par mois, à changer de prestataires. Mais des pièges demeurent, avertissent deux experts.
Swisscom nettement plus cher
Dans le détail, La Poste, qui revend depuis vingt ans des abonnements de plusieurs opérateurs, ne commercialise désormais plus qu'une offre, appelée «Post Mobile». Quatre abonnements sont proposés, coûtant de 9,95 à 49,95 francs par mois, basés sur le réseau de l'opérateur Salt. Celui-ci s'offre un canal de vente privilégié: comme le rappelait hier La Poste, l'entreprise, avec ses filiales, est chaque jour en contact avec environ 350 000 clients.
Les prix sont extrêmement agressifs. Prenons l'abonnement le moins cher, baptisé «Start»: il comprend les appels et les SMS illimités en Suisse, plus un volume de données de 8 gigaoctets par mois, soit assez pour consulter internet (sans streaming) hors réseau wi-fi. L'abonnement coûte normalement 14,95 francs, mais est cédé 9,95 francs via «un rabais à vie», assure La Poste. Quant à l'abonnement «Swiss» (19,95 francs mensuels), il comprend, lui, un accès illimité à internet en Suisse et un volume de données de 2 gigaoctets en Europe.
A titre de comparaison, l'abonnement mis d'abord en avant par Swisscom, «blue Mobile S», coûte 69,90 francs mensuels. Et l'offre la moins chère, «basic Mobile XS», qui comprend quatre fois moins de données (1,5 gigaoctet) que l'abonnement «Start» de La Poste, coûte trois fois plus cher (29,95 francs). Les différences sont donc énormes. L'offre de La Poste pourrait donc avoir du succès. Grâce à son prix, mais aussi grâce au service au guichet. «Pour les personnes moins à l'aise avec internet, par exemple les personnes âgées, il est important de pouvoir bénéficier d'une assistance en magasin. Avec Post Mobile, ces personnes disposent d'une bonne alternative à Swisscom et Sunrise, notamment parce qu'il y a plus de bureaux de poste que de magasins de téléphonie mobile», estime Jean-Claude Frick, analyste télécom chez Comparis.
Selon lui, les prix de Post Mobile sont «corrects, mais pas extraordinairement bas. La Poste pourrait être plus innovante: pourquoi pas des réductions si une famille ou des amis utilisent le même abonnement, comme le propose Galaxus? Pourquoi pas un support eSIM facile avec des forfaits dynamiques comme le fait Digital Republic?» Galaxus (dès 14 francs par mois), Migros (19 francs) ou encore Salt luimême (16,95 francs) proposent eux aussi des abonnements à petits prix.
Inertie du marché
De son côté, Jean Busché, responsable technologie au sein de la Fédération romande des consommateurs (FRC), se montre prudent. «La promotion des abonnements «tout compris» de La Poste dans tous les bureaux pourrait certainement contribuer à leur succès, à condition que la qualité du service soit au rendez-vous. Il faut savoir que les opérateurs figurent au sommet des plaintes reçues par la FRC.» Jean Busché pointe aussi du doigt la mention «rabais à vie» que l'on trouve chez Post Mobile, mais aussi chez Salt: «Sur le plan juridique, un engagement «à vie» n'est pas valable. La mention «à vie» n'est donc rien de plus qu'un argument marketing, car seules les conditions spécifiquement applicables au contrat font foi.»
La spécialiste de la FRC rappelle aussi qu'«en comparaison internationale, les tarifs mobiles restent beaucoup plus chers en Suisse. Si on regarde par exemple le prix des données mobiles, le gigaoctet est en moyenne trente fois plus cher ici qu'en France. Sunrise, Salt et Swisscom pratiquent donc déjà des tarifs très élevés.»
Reste que des abonnements avec des volumes de données de quelques gigaoctets sont intéressants pour beaucoup de consommateurs. «Ces forfaits sont la solution idéale pour la majorité des clients. Vous pouvez bénéficier de données et d'appels illimités pour la Suisse et également de 1 à 2 Go de trafic de données en Europe. Il n'y a pas beaucoup de gens qui ont besoin de plus», estime JeanClaude Frick. Reste à savoir si des clients qui payent 60 à 80 francs par mois chez des opérateurs «classiques» tels Swisscom ou Sunrise – Salt cassant souvent les prix – opteront pour des opérateurs alternatifs. «Alors que presque tout devient plus cher, les gens commencent à comparer les différents abonnements qu'ils ont et se rendent compte qu'ils paient trop pour les connexions mobiles. Il est toujours important de comparer les abonnements mobiles car il y a presque toujours des réductions et des alternatives moins chères», estime-t-il.
Reste que la fidélité des clients à leur opérateur, le sentiment (parfois faux) d'avoir besoin de davantage de services et les offres combinées téléphonie fixe-mobile-télévision sont autant de facteurs d'inertie sur ce marché. ■